La nouvelle diaspora russe en Europe, bien intégrée et appelée à rester
Combien de Russes ont quitté leur pays dans les jours ou mois qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine en février 2022 ? 700 000 ? Un million ? L’estimation est hasardeuse, et certains ont fini par rentrer au pays après le premier vol. Reste que l’apparition d’une nouvelle diaspora russe, après plusieurs vagues successives au XXee siècle, constitue l’un des faits majeurs du conflit ukrainien, concernant l’avenir de la Russie, mais aussi, dans une moindre mesure, celui de l’Europe.
Pour la première fois, une enquête sociologique d’envergure s’intéresse à cette autre Russie. Cela a aussi le mérite de situer cette émigration sur une période plus longue, en comparant cette dernière vague à celles arrivées dans les années 2000, mais aussi après 2014, véritable début du conflit ukrainien.
Commandé par l’Institut français des relations internationales (IFRI) Centre d’analyse et de stratégies en Europe (CASE), le nouveau groupe de réflexion créé par des chercheurs russes en exil, l’étude s’appuie sur une enquête menée par l’université de Nicosie. Trois mille deux cent trente-sept personnes basées en Allemagne, en France, en Pologne et à Chypre ont été interrogées, en ligne ou en face-à-face. L’étude, dévoilée mardi 11 juin, est signée par deux économistes, Vladislav Inozemtsev et Dmitri Nekrasov, associés à l’ancien député de la Douma Dmitri Goudkov, tous désormais en exil.
Surtout des hommes jeunes et instruits
LE « relokantie » Les post-2022 (littéralement les « relocalisés », néologisme qui s’est imposé en Russie pour qualifier ces exilés) représentent 44 % du panel étudié (contre 35 % pour ceux partis entre 2014 et 2022). Sans surprise, ils sont majoritairement jeunes, de sexe masculin, instruits et occupant (ou occupant) des emplois qualifiés.
Les auteurs mettent en garde contre l’attention excessive accordée ces dernières années aux opposants traqués par le régime de Vladimir Poutine, qui ne sont qu’une poignée – seulement quatre à cinq mille personnes, selon leurs estimations. La masse des nouveaux exilés est plutôt constituée d’individus qui ne sont pas en danger immédiat (sauf ceux qui fuient la menace d’une mobilisation dans l’armée), mais dont la vie, ou les perspectives d’avenir, ont été rendues impossibles dans une Russie entière livrée aux l’autoritarisme et sa confrontation avec l’Occident.
Parmi les derniers arrivés, 65% citent encore le « Conflit russo-ukrainien » comme raison de leur départ de Russie, 44 % citant « d’autres raisons politiques »33% des motivations économiques et 8% leur orientation sexuelle (plusieurs réponses étaient possibles).
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