La nouvelle bande-son du Musée du quai Branly-Jacques Chirac fait chanter les collections
De l’Australie au Mexique, en passant par le Japon et le Cameroun, des sons venus des quatre coins du monde composent le nouveau paysage sonore du musée, qui sera gratuit ce week-end à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
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Ouvrez grand vos oreilles ! Un nouveau parcours sonore accompagne désormais les œuvres installées dans les collections permanentes du musée du quai Branly. Lundi 16 septembre 2024, veille de l’ouverture au public, nous avons eu droit à un avant-goût d’une visite guidée et « bruyante » avec le commissaire Éric de Visscher et le compositeur qui l’a assisté sur ce projet, Thomas Tilly.
Une déambulation immersive rythmée par des voix, des sons, des histoires, des chants, des danses… Le commissaire parle de « une rencontre sensorielle« avec les arts et les civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. »Nous voulions proposer une grande diversité de sons« , ajoute le commissaire.
Il nous emmène d’abord au pied d’un imposant poteau cérémoniel en bois du Chili (Population mapuche, XXe siècle). A mesure que nous nous approchons, un enregistrement se fait entendre, comme si la sculpture se mettait à chanter. RRéalisée spécialement pour ce nouveau voyage sonore, il s’agit de la prière d’un chaman récemment venu à Paris, accompagnée par un tambour. Elle dure près de cinq minutes.
Eric de Visscher nous conduit ensuite vers une vitrine à trois faces, sorte d’alcôve abritant une superbe collection de flûtes préhispaniques en terre cuite. Le son est spatialisé. A mesure que l’on s’approche d’un instrument particulier (ocarina, vase sifflant, flûte de pan, petits sifflets), on entend chacune de leurs « petites musiques » obtenues sur des copies de ces objets par un flûtiste passionné. Un travail réalisé par l’équipe de concepteurs Société narrative Sons :Julia Griner, Luc Martinez, Simon Cacheux. Ils ont travaillé main dans la main, ou plutôt d’oreille à oreille, avec le musée.
Devant une vitrine dédiée au peuple Wayana de Guyane, on entend une sélection de trois chansons. L’artiste sonore Thomas Tilly explique qu’il s’agit notamment de « bruits de forêt et de berges de rivière » enregistrées dans les espaces de vie de ces Amérindiens, à la frontière du Suriname. Dans cet enregistrement sonore, on peut également percevoir certains animaux importants dans la cosmogonie Wayana. On en retrouve certains dans la fenêtre, sur le ciel des huttes, des objets colorés qu’ils accrochent sur les toits de leurs habitations, ce qui établit un lien subtil entre ces œuvres et leur environnement sonore d’origine.
Pour accompagner un ensemble d’objets d’art du Maghreb, l’équipe a recréé l’ambiance d’un patio avec différents types de sons : des conversations, des voix de femmes, un chant, la musique d’un luth, des oiseaux… Rien de lourd. Juste d’une région à l’autre, le joli brouhaha du monde.
Autre objet intéressant du désert syrien : le palanquin. Il s’agit d’une sorte de chaise, richement décorée, que l’on installait sur le dos des dromadaires pour le voyage des femmes. En tendant l’oreille, on peut déceler le bruit caractéristique du passage de ces animaux.
« Après, ajoute le commissaire, on perçoit un son assez particulier, une sorte de bourdonnement, de souffle que l’on appelle le chant des dunes. C’est un phénomène physique qui se produit au Sahara, dans les dunes. Lorsqu’il y a un glissement de terrain, le long d’une des faces de la dune, provoqué par des pas ou par le vent, les mouvements des grains de sable et leur frottement provoquent ce son très sourd, ce bourdonnement« .
Ce parcours sonore est le fruit de quatre années de travail des équipes du musée, en étroite collaboration avec des ingénieurs, des compositeurs, des spécialistes de l’ethnographie de terrain, des collectionneurs et des concepteurs sonores. Des artistes audio-naturalistes, notamment Fernand Deroussen, leur ont fourni des enregistrements. Cinquante dispositifs composés de 124 haut-parleurs et vibreurs ont été répartis dans l’espace des collections permanentes. Les sons sont également liés à des zones géographiques.
En s’asseyant sur le banc en cuir devant l’œuvre d’art murale venue d’Australie, on peut sentir, par exemple, la vibration du célèbre instrument à long tube : le didgeridoo. Des haut-parleurs ont été installés à l’intérieur même du meuble et au plafond.Il contextualise et cache la ventilation » explique avec pragmatisme l’un des concepteurs sonores.
Eric de Visscher, qui fut directeur du Musée de la Musique (Philharmonie de Paris) assure que «A cette échelle, c’est une nouveauté dans le monde des musées. On le faisait jusqu’à présent de manière ponctuelle, sur des expositions plus petites et non permanentes.« . S’il y avait déjà des sons au musée du Quai Branly, c’était « inégalement réparti et pas toujours très audible« .
Pour décrire la nouvelle bande sonore du musée, il préfère l’expression « paysage sonore » au terme désormais galvaudé d’« immersion ».Nous ne sommes pas constamment entourés de sons, nous pouvons être surpris » ajoute-t-il.
Pour éviter les répétitions comme dans beaucoup de musées où le son tourne en boucle, ce qui peut conduire à une saturation, plusieurs séquences sonores ont été prévues avec un déclenchement aléatoire. Il y a beaucoup de variété et plusieurs niveaux de volume. Parfois, les sons sont très discrets.Vous ne les remarquerez peut-être même pas.« , explique le commissaire. Une trentaine de zones d’écoute jalonnent tout le parcours, ouvrant un espace imaginaire aussi intéressant qu’immatériel. Écoutez le murmure du monde.
Grb2