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La Moldavie réélit Maia Sandu et reste sur la voie européenne – Libération

Malgré les efforts massifs de déstabilisation de la Russie, le parti sortant pro-européen a gagné, notamment grâce au vote de la diaspora. Elle a salué « une leçon de démocratie ».

Les réseaux du Kremlin ont déployé toutes leurs forces dans la bataille, mais cela n’a pas suffi. Après une campagne d’entre-tours tendue et une journée de vote marquée par des tentatives de déstabilisation, la Moldavie a réélu dimanche 3 novembre Maia Sandu, la présidente pro-européenne, pour un second mandat de quatre ans. Après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, elle l’a emporté avec 55,36% des voix, contre 44,64% pour Alexandr Stoianoglo, son rival socialiste.

Cet ancien procureur général, limogé par le gouvernement pro-européen, a joué sa carte avec précaution en évitant d’être trop caricatural en pro-russe. Mais il est indéniable que les réseaux de Moscou en ont fait le candidat à soutenir, au prix d’efforts d’ingérence massifs. Durant les mois de septembre et octobre, le réseau de l’oligarque Ilan Shor, l’homme seigneur du Kremlin, a dépensé 36 millions d’euros pour rémunérer ses « militants » et surtout acheter des voix. Ce montant, révélé par la police moldave, ne concerne que de l’argent directement transféré aux militants via une banque russe sous sanction. Il est presque certain que d’autres sommes, tout aussi importantes, ont été injectées dans le pays. En comparaison, le parti Action et Solidarité de Maia Sandu a dépensé moins de 700 000 euros pour sa campagne.

Des avions remplis d’électeurs

A l’approche du vote, la tension monte dans le pays. A la radio, un spot officiel passait en boucle : « Acheter un vote est illégal, si quelqu’un vous le propose, signalez-le. » Au cours des quarante-huit heures précédant le vote, des personnalités publiques et des Moldaves anonymes ont reçu des appels et des messages menaçants de robots les incitant à voter pour Maia Sandu. Selon la chercheuse en désinformation Victoria Olari, qui s’appuie sur le vocabulaire utilisé, il s’agit d’une manipulation sous fausse bannière, probablement orchestrée par la Russie.

Dimanche, les premiers signaux étaient inquiétants. Des vidéos circulaient sur les réseaux sociaux d’avions remplis de Moldaves vivant en Russie décollant de Moscou ou de Saint-Pétersbourg pour voter à Minsk (en Biélorussie), Bakou (en Azerbaïdjan) ou Istanbul (en Turquie). Là aussi, l’opération a été orchestrée. Les vols auraient été gratuits (ce qui est illégal) et visaient à contourner l’ouverture de seulement deux bureaux de vote de la diaspora en Russie. Les foules étaient également massives dans les bureaux destinés aux habitants de Transnistrie, région séparatiste contrôlée par des avatars du Kremlin. Dimanche à 11 heures, la participation était déjà plus élevée qu’au premier tour. Dans le même temps, de fausses alertes à la bombe se sont multipliées dans les bureaux d’Europe occidentale pour tenter d’empêcher la diaspora réputée soutenir le président de voter.

« Leçon de démocratie »

Ainsi, lorsque les premiers résultats, encore partiels, ont été publiés dimanche soir à 22 heures, une première vague de semi-soulagement a déferlé sur les pro-européens et les partisans du président sortant. Maia Sandu était certes en retard, mais à 48% contre 52 pour Stoianoglo, l’écart pourrait encore s’inverser avec le vote de la capitale et de la diaspora, toujours plus long à être comptabilisé. Au fur et à mesure que les résultats arrivaient et que la carte du pays devenait bleue, la couleur du Président, l’écart se rétrécissait et la conviction grandissait. Elle allait gagner.

Avec 55%, la victoire est finalement large. Comme souvent en Moldavie, cela est dû à la diaspora, qui a voté à plus de 82 % pour le parti sortant, et dont le nombre d’électeurs est plus élevé que jamais. Sur le territoire moldave même, Maia Sandu a été battue par Stoianoglo, qui a remporté près de 51 % des voix. Dans tout le pays, la mobilisation a été forte, à la mesure des enjeux de ces élections. Lorsqu’elle s’exprimait peu après 1 heure du matin, la voix brisée par la campagne, Maia Sandu a remercié « Des Moldaves de l’intérieur et de la diaspora ». « Aujourd’hui, vous avez donné une leçon de démocratie digne de figurer dans les livres d’histoire. Ensemble, nous avons montré la force de notre unité et notre engagement pour un avenir digne.

En route vers les élections législatives

Dans la nuit, les premiers messages de félicitations ont afflué. « La démocratie a triomphé de toutes les ingérences et de toutes les manœuvres »a salué Emmanuel Macron. « Il faut une force rare pour surmonter les défis auxquels vous avez été confrontés lors de cette élection. Je suis heureux de continuer à travailler avec vous pour un avenir européen pour la Moldavie»a également indiqué la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Mais la tempête géopolitique que traverse la Moldavie depuis 2022 n’est pas terminée. Le pays est divisé, coupé en deux, avec le Nord et le Sud fidèles aux candidats proches de Moscou et du centre acquis aux pro-européens. En Gagaouzie, une région autonome aux tendances russophiles croissantes, Stoianoglo l’a emporté avec 97 % des voix. C’est encore plus qu’en Transnistrie où elle en a rassemblé 79 %.

Le plus grand défi viendra à l’été 2025, lors des élections législatives. Malgré l’attention portée au personnage de Maia Sandu, dans le pays comme à l’étranger, par les pros comme par les antis, la Moldavie n’est pas un régime présidentiel. Ce sont les élections législatives qui décideront, une fois de plus, de l’avenir géopolitique du pays.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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