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quel est le secret de Quentin Dupieux pour « travailler vite et bien » ?

« Le Deuxième Acte », présenté hors compétition mais en ouverture sur la Croisette, est le troisième film du cinéaste à sortir en salles en moins d’un an. Depuis 2018, le prolifique Quentin Dupieux poursuit les tournages en appliquant toujours la même méthode.

« Même Godard, certaines années, il en faisait quatre. » Interrogé sur son impressionnante productivité, Quentin Dupieux se défend, en Le Parisien, être un OVNI. Ses films le sont plus que sa méthode. Le cinéaste de 50 ans n’a pas fait aussi bien que son homologue de la Nouvelle Vague, mais Le deuxième acteprojeté en ouverture de la 77e édition du Festival de Cannes, mardi 14 mai, est son troisième long métrage à sortir en salles en moins d’un an, après Daaaaaali !sorti en février, et Yannickest apparu sur les écrans en août. « J’ai trouvé mon rythme dans une industrie un peu lente à mon goût »analyse le réalisateur dans Le monde.

Depuis Au bureau !, sorti en 2018, Quentin Dupieux a tourné une série de fois : huit en six ans. Parce que l’homme n’aime pas trop perdre son temps. « Ce qu’on nous propose, c’est d’écrire et de réécrire un scénario pendant un an ou deux, pour ensuite le préparer, le tourner, le monter, attendre un certain temps avant de le vendre et, au final, passer quatre ans sur un projet. Je comprends, mais moi, dans cette configuration, je me lasse, non pas de mes produits, mais de mon énergie.il détaille dans Le monde.

« Il fait sa propre lumière »

Cette envie de vitesse n’est pas nouvelle. Il l’accompagne depuis ses débuts dans la musique sous le nom de M. Oizo. « Quand je fais une pièce que je trouve bonne, c’est un moment qui prend une heure au maximum », déclare-t-il dans une interview à l’agence de communication Racine. Lorsqu’il aspire à passer derrière une caméra, il entend le faire à son rythme. « Il n’arrivait pas à faire produire un film et il lui fallait tourner. Il s’ennuie très, très vite. Il faut toujours que des choses arrivent »s’amuse son ami et collaborateur de longue date, Guillaume Le Braz, dans le documentaire Quentin Dupieux, filmer fait réfléchirdiffusé sur Canal+.

Son expérience sur Steak avec Eric et Ramzy, en 2007, « réalisé dans les règles, avec un directeur photo sympathique »il se souvient dans Téléramalui fait prendre conscience du temps perdu en discussion avec son collègue, « au lieu de (se) consacrer aux acteurs ». « Il fait son propre éclairage et s’est passé de directeur de la photographie depuis Rubber (son deuxième film, centré sur un pneu tueur en série)« , assure le producteur Thomas Verhaeghe. Avec son frère Mathieu, ce dernier dirige la société Atelier de production, qui accompagne le réalisateur depuis Au bureau !. Il est donc à la pointe de cette méthode « tout à fait unique »qui repose avant tout sur un savoir-faire indéniable.

Sur un tournage, Quentin Dupieux occupe souvent quatre postes : scénariste, réalisateur, chef opérateur et monteur. « Il maîtrise les techniques du cinéma, il fait des films depuis très longtemps. Il ne laisse rien passer. Et il n’y a pas de travail qu’il laisse faire à sa place »admet le producteur.

« Sa rapidité n’enlève rien à la qualité, son expérience fait qu’il travaille vite et bien. Un jeune réalisateur ne serait pas capable d’enchaîner des films aussi facilement.»

Thomas Verhaeghe, producteur

sur franceinfo

Ce quadruple rôle lui permet de réduire le temps de préparation d’une scène et le temps d’attente entre chaque prise, pour le plus grand plaisir des acteurs, qui se bousculent sur son plateau. Benoît Poelvoorde, Jean Dujardin, Gilles Lellouche… « C’est pour eux une récréation, une manière de redécouvrir le cinéma dans sa légèreté »note le directeur dans Télérama. Gilles Lelouche passé seulement 10 jours sur le tournage de Fumer fait tousser.

L’expérience a ravi Blanche Gardin : « Le fait que ce soit lui qui ait l’œil dans la caméra et qui dirige son chef électricien par la voix, ça élimine beaucoup de temps d’attente. Pour les acteurs, c’est génial »salue l’actrice dans Filmer fait réfléchir. « L’inertie est assez courante sur le plateau, donc les acteurs sont plutôt contents, les moments de mise en scène sont rares, on passe vite d’une scène à l’autre », confirme Thomas Verhaeghe. Mais le producteur dit que les stars afflueraient aussi si les pousses étaient plus longues : « Ils ressentent une vraie envie de découvrir son univers, on n’a jamais trop de problèmes pour casting ses films. »

« Il voulait un tournage très court »

Car il fait bon vivre sur un plateau de Quentin Dupieux, puisque les collaborateurs, comme les comédiens, reviennent régulièrement. Outre l’ingénieur du son Guillaume Le Braz, le réalisateur s’entoure régulièrement de son épouse, Joan Le Boru, décoratrice et directrice artistique, et Renaud Garnier, chef électricien. « Il y a quelque chose de très rassurant d’être avec les bonnes personnes qui comprennent et qui s’adaptent immédiatement à votre manière de travailler », justifie Joan Le Boru dans le documentaire de Canal+. Mais lorsqu’on arrive pour la première fois sur le plateau, les habitudes du réalisateur peuvent être déconcertantes.

Ainsi, à Renaud Garnier, pour Au bureau !le réalisateur demande de remettre en question tout ce qu’il sait, « oublier (son) principes et (son) des habitudes » allumer un plateau, pour qu’ils « récrire » ensemble, dit le chef électricien de Filmer fait réfléchir. Au siège du Parti communiste à Paris, où le film a été tourné, on touchera à peine à la lumière artificielle des lieux. « On ne va pas changer tout ça, on va le garder et l’embellir », justifie le cinéaste. A ses comédiens, il ne demande bien souvent que le texte qu’il a écrit.

« Il laisse peu de place à l’improvisation, ses scénarios sont toujours très écrits, même si les acteurs et actrices sont de très bons improvisateurs, ce sont aussi d’excellents interprètes, très heureux d’avoir des partitions qui peuvent être grisantes. « 

Thomas Verhaege, producteur

sur franceinfo

« J’ai du mal à dire les textes des autres. En général, je réécris beaucoup mes musiques au cinéma, mais avec Quentin Dupieux, c’est tellement précis qu’on ne veut rien changer », reconnaît Blanche Gardin. Il écrit aussi parfois du « sur mesure » pour un acteur, comme ce fut le cas pour le rôle principal de Yannickconçu pour Raphaël Quenard.

Cette comédie, son plus gros succès à ce jour avec plus de 450 000 entrées, a été tournée en six jours, avec un budget d’un million d’euros. « Quentin a voulu aller vite avec un tournage très court », assure Thomas Verhaeghe. Et là encore le cinéaste aurait pu faire plus simple, selon ses propos. « ÔJe n’aurais pas pu le photographier avec des objectifs moins chers, des extras conviviaux. Compte tenu de la simplicité de l’appareil, j’aurais pu procéder à d’autres réglages »il explique dans Télérama.

« Il a son film en tête dès l’écriture »

Contrairement au personnage de YannickQuentin Dupieux refuse de prendre les spectateurs en otage avec ses films. « Je trouve extrêmement prétentieux et un peu ennuyeux d’enfermer le public trop longtemps. Alors j’aime couper mes films pour être plus accessibles”il admet dans Indiquer. « Je jette beaucoup de bonnes scènes à la poubelle ! J’ai peur de m’ennuyer, et donc d’ennuyer les spectateurs.»il continue dans Le journal du dimanche. Cette vitesse sur le plateau se traduit dans les films « qui se glisse plus facilement dans une soirée ou pendant une pause déjeuner, qu’un film de trois heures pour lequel il faut être plus organisé »sourit Thomas Verhaeghe.

Résultat : depuis Au bureau !aucun de ses huit films n’a dépassé une durée de 1 heure 20 minutes. « C’est ce genre de formats très courts qui pour moi sont la perfection. C’est peut-être paresseux pour certains ou vide pour d’autres… » il remarque dans Le monde. Les exigences qu’il s’impose peuvent commencer très tôt sur le plateau. Pour Daaaaaali !, Pio Marmaï se souvient de Quentin Dupieux s’isolant dans une loge, peu après avoir fini de tourner une scène. Pour quoi ? Pour mieux penser au montage. « Il a son film en tête dès l’écriture. Une fois les prises tournées, il vérifie régulièrement sur un ordinateur dans sa loge qu’il a ce dont il a besoin. »assure Thomas Verhaeghe.

« Je ne tourne que l’essentiel. C’est sur le fil. Il y a un côté risqué car ça veut dire que je fais confiance au monteur en moi »assume Quentin Dupieux dans Filmer fait réfléchir. « J’arrive à un stade où je ne manque jamais de rien au montage, mais d’un autre côté, j’ai très peu de graisse. » Cette efficacité à faire son travail rapidement n’a qu’un seul objectif : en faire toujours plus.

« Si on fait un film tous les quatre ans, on ne peut pas en faire beaucoup… Je veux faire trente films de plus. C’est pour ça que je suis en fuite. »

Quentin Dupieux, réalisateur

dans le monde »

Et cette envie de filmer n’est pas près de se calmer, assure-t-il dans les colonnes de Parisien : « Je suis comme un gars qui adore le vélo et qui n’arrête pas de le faire, je pourrais faire trois films par an, ce serait amusant ! Ce qui m’arrive aujourd’hui, je l’attendais depuis longtemps. » Le public ne devrait pas trop attendre avant de découvrir son nouveau projet.

Cammile Bussière

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