La lutte des classes, une réalité pour 83% des Français

Ce n’est pas encore une révolution, mais l’image du PCF change et ses idées marquent des points dans l’opinion publique. Le temps pour les communistes d’écrire une nouvelle page lors de leur 39 e congrès qu’ils tiennent jusqu’au lundi 10 avril à Marseille, le sondage Ifop que nous publions montre que « Derrière les clinquants historiques qui restent un repoussoir, les idées restent d’actualité, surtout dans un contexte social très fort »souligne Frédéric Dabi, le directeur général de l’institut.
Comment reconquérir les classes populaires, les abstentionnistes, les électeurs RN ?
Un contexte de mobilisation historique contre la réforme des retraites dont les quelque 700 délégués attendus dès ce vendredi dans la cité phocéenne entendent se saisir. Les près de 5 000 amendements proposés par les fédérations de formation soulèveront de nombreuses questions.
« Mais la grande question à laquelle nous devons faire face est de savoir comment, en nous appuyant sur ce qui a grandi dans la société avec ce mouvement social, nous réussirons demain à former une majorité politique »résume le porte-parole du PCF, Ian Brossat.
Quelle construction à gauche et quelles conclusions peut-on tirer des quatre dernières années ? Comment reconquérir les classes populaires, les abstentionnistes, les électeurs RN ? Comment renforcer le PCF avec plus d’élus et d’adhérents ? Autant de questions qui ont été débattues avant l’adoption, à près de 82 % en janvier, du texte d’orientation soutenu par Fabien Roussel et la direction actuelle, « Ambition communiste pour de nouveaux jours heureux ». S’ils seront de nouveau au travail ce week-end, pour leur répondre, les communistes ne manquent pas de points d’appui.
Le poids de l’histoire pèse encore lourd
Certes, selon notre enquête, la conviction que « Le communisme est une idée d’avenir » n’est partagée que par 19 % des Français – avec tout de même un pic à 29 % chez les 18-30 ans ; 25 % parmi les employés et ouvriers ; 28% parmi les chômeurs.
Et le poids de l’histoire pèse toujours lourd. 73% des répondants pensent que « Les idées communistes ont été perverties par les crimes commis au siècle dernier par l’URSS » 61 % l’associent d’abord à « l’échec d’une idéologie en URSS et en Europe de l’Est » (c’est 10 points de moins chez les plus jeunes avec 51%) et 55% chez « la dictature » (45% chez les 18-30 ans).
« Mais, au-delà de cette vision historicisée du communisme, pour un quart des Français, c’est l’idée de partager les richesses, de mutualiser les biens publics », note Frédéric Dabi. Pour 26% des répondants, il est en effet associé à ces deux idées, alors que 16% d’entre eux le rattachent à l’égalité et « une société dans laquelle l’homme n’est plus exploité ».
« Nous voulons décider comment nous produisons cette richesse et pour quoi »
Plus encore, lorsque la question porte sur une série d’idées développées par le communisme, il y a un soutien majoritaire. 83% des Français pensent que « La lutte des classes est encore une réalité aujourd’hui ».
Il est même de 90 % chez les classes moyennes (entre 1 900 et 2 500 euros de revenus par mois), et de 92 % chez les chômeurs. 80% considèrent également que « des secteurs comme la santé, l’éducation ou le logement ne doivent pas être soumis à la concurrence et à la concurrence économique ».
72% pensent que « les salariés, les travailleurs doivent pouvoir décider des choix de leur entreprise ». Une question clé pour le PCF que la formation entend réaffirmer. « Nous voulons décider comment nous produisons cette richesse et pour quoi. C’est révolutionnaire et c’est le cœur du projet communiste.insiste Fabien Roussel.
« L’aspiration à quelque chose au-delà du capitalisme est plus présente que jamais »
De même, 64 % des répondants estiment que « il est possible de construire une société basée sur la coopération et le partage des richesses et du pouvoir » quand 56% pensent que « Le système capitaliste est le principal coupable du changement climatique ».
Soit une forme de « consensus » sur certains items puisqu’une majorité se dégage même à droite : 70 % des sympathisants LR estiment que la lutte des classes est toujours d’actualité. Mais, « Au-delà, il y a un très fort soutien majoritaire à gauche, dans les quatre partis Nupes, notamment sur la responsabilité du capitalisme dans le changement climatique »note Frédéric Dabi.
Un signal qui fait écho à une partie du texte d’orientation en discussion ce week-end sur « l’actualité brûlante du projet communiste »note Ian Brossat. « L’époque où l’on pouvait se régaler de la fin de l’histoire et de l’idée que le capitalisme était le seul horizon de l’humanité est révolue. Macron peut répéter les vieux slogans de Thatcher qu’il n’y a pas d’alternative, il ne convainc personne. Tout le monde ne l’appelle pas nécessairement communisme, mais l’aspiration à dépasser le capitalisme est plus présente que jamais.développe l’élu parisien.
Pour 42% des Français, le PCF est « un parti qui veut changer la société »
L’image du PCF, elle, n’est pas figée dans le temps. « On a une lecture qui reste partagée, mais clairement chez tous les Français, et plus encore chez les sympathisants de gauche, cette image bouge de manière assez spectaculaire »analyse le sondeur Ifop.
Ils sont désormais une minorité de Français (42%) à juger que le PCF est « une fête vouée à disparaître ». C’est 16 points de moins que lors d’une précédente enquête en 2010 (58%). Ils ne sont d’ailleurs que 28% parmi les moins de 35 ans à le penser et 35% parmi les plus pauvres (moins de 900 euros de revenus).
Parmi les sondés, 42% pensent également que le PCF est « un parti qui veut changer la société » et 34% qu’il est « utile pour défendre les salariés ». C’est, à chaque fois, 3 points de mieux qu’en 2010, mais pas au niveau des années 1980 et 1990, avec respectivement 56 % et 50 % relevés lors d’une enquête de 1993, et 52 % et 48 % en 1986.
Alors que l’un des objectifs affichés de la candidature de Fabien Roussel à la dernière élection présidentielle était d’affirmer la « spécificités » du PCF, seuls 39 % des Français estiment qu’il est un parti comme les autres, contre 48 % en 2010 et 52 % en 1993. « C’est à noter dans un contexte de méfiance générale des partis », précise Frédéric Dabi. En revanche, seuls 18% d’entre eux pensent qu’il « présente des solutions originales ». C’est 7 points de plus qu’en 2010 (11%), mais encore moins qu’en 1993 (24%).
Fabien Roussel « incarne l’avenir de la gauche » pour 38% des Français
Reste alors « qu’on puisse croire la marque communiste figée dans un passé plus ou moins glorieux, plus ou moins compliqué à assumer, ce n’est pas le cas : un tiers des Français pensent que c’est un parti qui s’est transformé », pointe le politologue, qui voit dans la figure de Fabien Roussel un atout pour la formation. Par ailleurs, 45% des sondés (62% des sympathisants de gauche) pensent que son actuel secrétaire national « modernise le Parti communiste français ».
Notre enquête Ifop confirme également qu’une majorité de Français, 54%, la trouve » amical « . La moitié d’entre eux pensent également qu’il est opposé au gouvernement, alors que pour 38% il « incarne l’avenir de la gauche » (54% chez les sympathisants de gauche), et 30% qu’il a « la stature pour gouverner ».
« En termes de visibilité, d’authenticité, de proximité, il fait bouger les choses au PCF », résume l’enquêteur Ifop. Concernant « la proximité avec les préoccupations des Français, c’est à 48 %poursuit Frédéric Dabi. N’oublions pas que c’est le poste sur lequel le niveau d’exigence et la sévérité du français sont les plus importants. A titre de comparaison, dans une de nos enquêtes pour Paris-Match publié ce mardi, Emmanuel Macron tombe à 18 ans %, Fabien Roussel compte 30 points de plus. »
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