La métamorphose est énorme ! Ce jeudi 2 mai, La Liberté guidant le peuple (1830), célèbre toile monumentale du peintre romantique Eugène Delacroix (1798-1863), qui figure parmi les icônes du Louvre depuis 1874, je serai de retour au muséedans le décor grenat de la chambre Mollien. Six longs mois de restauration lui a permis de retrouver ses couleurs d’origine. Résultat de ce relooking : l’œuvre revient lumineuse et fraîche, comme à sa sortie de l’atelier du peintre !
Mesurant pas moins de 3,25 mètres de long sur 2,6 mètres de haut, l’ouvrage a quitté son emplacement historique le 20 septembre pour être temporairement remplacé par LE Des femmes pleines d’âme par Ary Scheffer (1827). Préparée au préalable par radiographies et analyses, sa restauration lui était spécifiquement destinée. lui redonner ses couleurs et son éclat d’originequi avait été fortement jauni et patiné au fil des années paroxydation progressive de huit couches de vernismaintenant éliminé à l’aide de solvants.
L’une des images les plus célèbres au monde
« Nous sommes la première génération à redécouvrir la couleur de Delacroix. »
Sébastien Allard
Entourée de fumée de canon, une femme seins nus, coiffée d’un bonnet phrygien – puissante allégorie de la Liberté et de la République – brandit le drapeau français, conduisant les révolutionnaires de 1830 au sommet d’une barricade, la cathédrale Notre-Dame en arrière-plan. Peint l’année de la chute du roi Charles X et de l’avènement du roi Louis-Philippe Iereuhce travail est l’une des images les plus célèbres au monde et un symbole éloquent pour la France, reproduit à de nombreuses reprises dans les manuels d’histoire.
Restauration des couleurs revêt une importance particulière pour cet ouvrage puisque c’est à la suite de la révolution de juillet 1830 que le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge, dont l’origine remonte à la Révolution de 1789 et qui occupe fièrement le sommet de la composition, a définitivement remplacé l’étendard blanc de la monarchie. Tout un symbole !
« Nous sommes la première génération qui va redécouvrir la couleur de Delacroix », s’est réjoui auprès de l’AFP le directeur du département des Peintures du Louvre, Sébastien Allard. « Jusqu’à présent, nous perdions le richesse de l’intensité chromatique, les plans, les blancs, les ombres, tout cela était unifié sous ces couches jaunâtres », ajoute-t-il. UN masse jaune terne qui avait également emprisonné la « saleté » et la « poussière ». Le bleu vibrant du ciel, les subtilités de la fumée des canons qui volent dans les airs, tout est donc magnifié.
Lire le tableau sous un nouveau jour
Cette restauration permet de lire le tableau sous un nouveau jour. De la pupille bleue d’un personnage au costume d’un garde suisse, le peintre avait « caché partout petites touches de couleurs bleu-blanc-rouge, pointillés de manière subtile comme en écho au drapeau, et qui n’étaient plus du tout perceptibles », s’enthousiasme l’une des restauratrices, Laurence Mugniot. Mieux encore, éléments cachés ont été révélés par ce nettoyage. Une chaussure, celle d’un cadavre nu au pied de la barricade, apparaissait au premier plan à gauche, ainsi que du sang sortant de son oreille.
Cet événement fait partie du vaste campagne de restauration grands formats du 19ème sièclee siècle lancé par le Louvre en 2019. Ont déjà été restaurés, dans les ateliers du C2RMF (Centre de Recherches et de Restauration des Musées de France), trois autres grands tableaux de Delacroix : Scènes des massacres de Scio (1824) en 2019-2020, Femmes d’Alger dans leur appartement (1833) en 2021-2022, et La mort de Sardanapale (1827) en 2022-2023. Une redécouverte en cascade de l’œuvre de ce grand maître !