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La lettre d’Emmanuel Macron aux Français publiée par la presse locale viole-t-elle les règles électorales ? – Libération

A une semaine du premier tour des élections législatives anticipées, Emmanuel Macron s’est adressé aux Français dans une lettre adressée à la presse régionale dimanche 23 juin. Dans ce texte publié par plusieurs journaux régionaux (dont le parisien, Ouest de la France, Sud Ouest ou Provence), le président de la République justifie sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, réfute toute hypothèse de démission puis incite au vote en faveur des candidats de la coalition Ensemble pour la République. Face au Rassemblement national d’un côté et au Nouveau Front populaire de l’autre, la proposition « du bloc central d’Ensemble pour la République est le meilleur pour notre pays », écrit le chef de l’Etat. Les candidats de la majorité présidentielle « avoir un bilan qui n’est sans doute pas parfait mais qui serait remis en question si les extrêmes prévalaientil élabore. Au cours des sept dernières années, beaucoup a été fait (…) Tout cela mérite que nous poursuivions le travail. Et d’insister : « A travers ces élections législatives du 30 juin et du 7 juillet, il s’agit de choisir une majorité pour protéger les valeurs de la République, gouverner dans le respect, et avoir une ambition pour la France. »

Cette publication n’a pas manqué de provoquer une réaction de la part de ses adversaires, qui ont dénoncé un obstacle à l’équité électorale, les autres partis politiques ne bénéficiant pas d’une telle caisse de résonance. Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure va plus loin sur le réseau social « La lettre aux Français publiée par (Emmanuel) Macron, sous papier à en-tête présidentiel, qui soutient ses candidats, viole la loi sur les campagnes et leur financement qui interdit l’intervention des entités publiques ». Interrogé sur la disposition à laquelle il fait référence, Olivier Faure nous renvoie à un « Loi de 1991 », et ajoute que le « la publicité commerciale est interdite ».

Depuis une loi de 1990 (et non de 1991) relative à la limitation des dépenses électorales, il est effectivement interdit pour « personnes morales de droit public » – comme l’État, dont le Président de la République est l’un des organes – pour financer la campagne d’un candidat. Mais même s’il était prouvé que cette « lettre aux Français » constituait une dépense électorale, encore faudrait-il prouver qu’Emmanuel Macron l’a écrite et diffusée en tant que président de la République. Toutefois, sur le document transmis dimanche à la presse régionale (dont la version originale peut être consultée via le site Internet de la Le Dauphiné libéré), c’est juste un en-tête « le président de la République », mais la lettre est simplement signée de son nom, sans mention de sa fonction. Aucun logo de la Présidence de la République n’a été apposé et le texte n’est pas publié sur le site de l’Elysée (comme ce fut par exemple le cas pour sa « lettre aux Français » du 13 janvier 2019, rédigée dans le cadre du grand débat national). Autant d’indices qui suggèrent une volonté d’éviter tout mélange des genres.

« Il s’agit d’une lettre signée d’Emmanuel Macron, pas d’une lettre officielle à en-tête de l’Elysée. Comme Emmanuel Macron, il peut appeler à voter pour son parti s’il le souhaite. souligne à VérifierActualités Alexandra Aderno, avocate au barreau de Paris spécialisée en droit électoral. « Il n’y a aucune interdiction dans le code électoral sur le fait qu’Emmanuel Macron s’engage dans cette campagne. » confirme Sophie Briante Guillemont, docteur en droit à l’université Paris 1, auteur d’une thèse sur le contentieux électoral. « S’il n’est signé que par Emmanuel Macron, c’est justement pour faire la distinction avec le président de la République », ajoute Romain Rambaud, professeur agrégé de droit public à l’université Grenoble-Alpes, spécialiste du droit électoral.

« Presque impossible à prouver »

A l’inverse, si cette lettre a l’apparence d’un texte émanant d’Emmanuel Macron en tant que personne physique, mais qu’il est finalement démontré que cette contribution à la campagne a été financée par des fonds publics, alors elle contreviendrait aux règles électorales. Concrètement, le chef de l’Etat devrait s’appuyer sur « des collaborateurs rémunérés par l’Elysée », estime Romain Rambaud. « Si les moyens de l’Elysée ont été directement utilisés dans le processus de rédaction, cela devient illégal, mais c’est quasiment impossible à prouver », poursuit le professeur de droit, qui cite a contrario l’exemple du discours prononcé par le chef de l’Etat le 21 juin, lors de la fête de la musique organisée à l’Elysée, pour appeler à voter car « Il y a des extrêmes que nous ne pouvons pas laisser passer ».

« Là, des moyens publics ont été engagés pour le concert qui se tient dans l’enceinte de l’Elysée, avec un orchestre financé par l’Elysée, donc ça pose un problème de manière beaucoup plus évidente », note-t-il. En revanche, quant à la lettre, la Commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CNCCFP) devrait sûrement se contenter d’interroger le parti présidentiel Renaissance, puisqu’elle n’est pas en mesure de mener une enquête approfondie.

En principe, la diffusion de cette lettre doit également faire l’objet d’une ligne dans les comptes de campagne du parti. « Dès qu’il y a un coût de communication, il est censé être supporté par le parti, qui a l’obligation de le retrouver dans les comptes de campagne », rappelle Guy Prunier, ancien chargé de mission au Conseil constitutionnel et auteur de l’ouvrage Campagne électorale et élections locales (Dalloz, 2019). Ainsi, lors d’un précédent qui concernait les élections européennes de 2019, la CNCCFP a dû exprimer son avis dans une tribune intitulée « Pour une renaissance européenne », signé par le Président de la République en mars de la même année, publié tant dans la presse française que dans celle des autres États membres de l’Union européenne, adressé à tous les citoyens européens. Dans cette affaire, la commission a considéré que la plateforme constituait une dépense impliquant un «caractère électoral», qui aurait dû figurer dans les comptes de campagne de la liste Renaissance portée par Nathalie Loiseau.

« Ce qui est interdit, c’est d’acheter des encarts publicitaires »

Concernant la lettre aux Français du 23 juin, le seul risque pour l’alliance présidentielle est donc « sa réintégration en dépense électorale dans les comptes de campagne », ce que pourrait décider la CNCCFP, y compris si son coût est dérisoire, explique Romain Rambaud. Interrogés sur les moyens utilisés par Emmanuel Macron, ainsi que sur une éventuelle intégration de son courrier dans les comptes de campagne, ni les responsables de la campagne au sein de Renaissance ni l’Elysée n’ont pour l’instant répondu.

Le leader du PS, Olivier Faure, estime également qu’une telle lettre constituerait une publicité commerciale. Alors que le code électoral (en son article L.52-1) interdit « l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ». Cet argument a été rapidement balayé par des spécialistes du droit électoral rejoints par VérifierActualités. « Ce qui est interdit, c’est d’acheter des encarts » je n’envoie pas « une lettre reprise par la suite par un certain nombre de journaux », résume Alexandra Aderno.

Dans les articles accompagnant la lettre, les titres de la presse régionale indiquent clairement que le texte adressé aux Français leur a été transmis par Emmanuel Macron. Sous-entendant que c’était ensuite à eux de décider s’ils souhaitaient ou non l’inclure dans leurs pages. De sorte que « les journaux auraient pu refuser de le publier », ajoute Sophie Briante-Guillemont, mais « Il serait surprenant qu’un quotidien refuse la lettre du président de la République, fonction qu’il ne perd pas, même en campagne électorale. »

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
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