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La lettre de motivation, la nouvelle tendance parisienne (et illégale) du tri des dossiers de location

Nous savons que la France connaît une grave crise du logement. Entre la densité des villes, le déclin de la construction, les résidences secondaires et Airbnb, les maisons et appartements en location sont de plus en plus difficiles à trouver. Et le parcours du combattant se durcit pour les candidats au logement.

En conséquence directe, cela permet aux propriétaires d’élever de plus en plus leurs normes en matière de garanties financières (un revenu au moins égal à trois fois le montant du loyer, une armée de garants, des dépôts égaux au PIB de l’Albanie, etc.). se mettre complètement nu, un nouveau Une tendance/contrainte apparaît pour les candidats : celle de devoir fournir une lettre de motivation. Vous avez bien lu : une lettre de motivation pour montrer en quoi ce 16 m2 avec vue local poubelle est le cocon de vos rêves.

Un atout pour les jeunes candidats en recherche de logement

Autrefois réservée à la recherche d’emploi, la lettre de motivation devient une nouvelle exigence qui se répand à grande vitesse. « J’ai toujours pensé que c’était normal », explique 20 minutes Manon, 24 ans et récemment entrée dans le monde du travail. La première fois que j’ai demandé un appartement, le propriétaire l’a demandé, alors maintenant je le fournis toujours. »

« Je pensais que c’était obligatoire, mon propriétaire m’en a demandé un pour l’appartement, ça ne m’a pas semblé étrange, je l’ai fait », témoigne aussi Mathieu, 22 ans.

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Comme eux, plusieurs internautes nous confirment inclure systématiquement une lettre de motivation dans leur dossier de candidature. « C’est assez récent. Je ne sais pas si cela vient des locataires ou des propriétaires au départ, mais c’est une demande récurrente depuis deux, trois ans chez beaucoup de ces derniers », nous raconte Christophe*, qui dirige une agence immobilière dans le sud de Paris. . et estime que l’apparition régulière des lettres de motivation se situe « après le Covid-19 ».

Une tendance parisienne… et illégale

Un constat également fait par Patrice Petit, responsable du pôle Administration immobilière chez Orpi : « C’est une tendance particulièrement parisienne. Mais ce qui est plus inquiétant, c’est que l’on voit parfois cela émaner directement des agences immobilières. »

Et pour cause, cette pratique est totalement illégale. En effet, le décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015, issu de la loi ALUR, précise les documents qui peuvent être exigés – et eux seuls – en cas de location privée. La lettre de motivation n’est pas incluse. « C’est une manière de sélectionner les locataires en étudiant la qualité de la rédaction, l’orthographe… Et cela dans le but d’élever le niveau social des candidats », s’indigne Patrice Petit, qui assure que la pratique est interdite au sein de la coopérative des agences Orpi. .

Pression des propriétaires en quête de réassurance…

Christophe le bannit également parmi les documents qu’il demande aux candidats… autant que possible. « Nous informons les propriétaires que c’est illégal. Mais certains se font particulièrement pressants et menacent de changer de prestataire si nous n’obéissons pas… » Sa solution, « dans de très rares cas », est d’informer les aspirants locataires oralement ou par téléphone qu’une « petite lettre de présentation ne pourrait que pousser leur dossier ». avoue-t-il, gêné de flirter avec les limites de la loi : « Mais si c’est à l’initiative du candidat, ce n’est pas illégal… »

Même si les agences peuvent jouer un rôle de « protection » contre les abus des propriétaires, seul un tiers des logements se trouvent sur le marché de la location intermédiée. Comprenez : les deux tiers restants sont directement gérés par les propriétaires et les bailleurs, qui parfois n’ont même pas conscience de l’illégalité de la demande.

Marcel, propriétaire de 12 logements à Paris et petite couronne, ne le savait pas avant notre entretien… et s’en fiche. « C’est toujours ma maison, j’ai le droit de savoir qui y loge, non ? », s’énerve-t-il en l’apprenant. « Je ne me base pas uniquement sur cela, mais cela me donne une première idée et m’aide dans mon choix avant d’organiser les visites. Le plus important pour moi c’est l’orthographe et la formulation, on peut déjà voir si la personne est instruite. »

…Mais un nouvel outil de discrimination

Moins tournée vers « l’éducation », Catherine*, propriétaire de deux appartements à Paris, a reçu des candidatures avec lettre de motivation sans rien demander. Si elle n’y avait pas pensé au départ, elle avoue que cela a pesé dans la balance : « J’ai reçu plusieurs dossiers fiables et honnêtement, un autre avait l’avantage. Mais quand j’ai lu la situation du petit couple qui veut avoir des enfants… c’est personnel, j’ai été touché et du coup, j’ai sélectionné leur dossier. »

« Nous avons toujours peur parce que nous connaissons les voisins, les commerçants, donc nous ne voulons pas avoir de problèmes avec un locataire problématique. De même, nous avons peur des impayés et des dégâts, donc un peu plus de prévention ne fait pas de mal », ajoute-t-elle pour justifier cette pratique.

« Les propriétaires sont toujours très inquiets et c’est légitime », concède Mathilde, qui travaille dans une agence immobilière du 14e arrondissement de Paris. « Mais la lettre de motivation – excusez-moi pour le terme – est stupide. On peut déjà les trouver facilement sur Internet, c’est encore plus facile à falsifier qu’une fiche de salaire. Et surtout c’est un pas de plus dans la discrimination et le racisme. Vous pouvez avoir un jeune propre et suréduqué avec des parents riches qui saccageront votre appartement ou organiseront des fêtes trois fois par semaine. Et à l’inverse, un jeune modeste, avec un revenu à la limite des besoins, évidemment issu de l’immigration, avec qui vous n’aurez aucun problème. Ce n’est pas une science exacte et souvent même le contraire de ce que l’on imagine. Il faut juste un dossier solide et ensuite c’est au ressenti. »

Lyon et Bordeaux, prochaines villes sur la liste ?

Si la pratique se concentre principalement dans la capitale pour le moment, selon plusieurs associations spécialisées dans le logement, elle devrait rapidement s’étendre à d’autres villes en tension. « Si c’est le cas à Paris, ce sera le cas très prochainement à Lyon, et sans doute après Bordeaux », commente Jocelyne Herbinski, animatrice de la Confédération nationale du logement.

Enfin, et afin de redonner un peu de pouvoir aux locataires, sachez que la lettre de motivation exigée par les propriétaires est donc illégale et les contrevenants peuvent être signalés à des associations comme la CLCV ou directement à la DGCCRF.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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