Après des années de querelles avec le Congrès, l’armée de l’air a récemment commencé à réduire le nombre de ses avions d’attaque A-10 Warthog. Elle a été autorisée à retirer 21 d’entre eux en 2023, et 42 autres les rejoindront à la base aérienne Davis-Monthan en Arizona d’ici la fin de l’exercice en cours. Les 218 appareils restants seront progressivement retirés du parc d’ici 2028, voire 2029.
Conçu autour du canon Gatling de 30 mm GAU-8 Avenger, capable de tirer jusqu’à 3 900 obus par minute, le Fairchild A-10 Warthog (ou Thunderbolt II) reste aujourd’hui encore un avion emblématique de la guerre froide. S’il n’a pas été utilisé pour anéantir les colonnes blindées soviétiques, il a démontré l’étendue de ses capacités lors de l’opération Tempête du désert en 1991. Puis, en Afghanistan comme en Irak, il est rapidement devenu indispensable pour fournir un appui aérien rapproché aux troupes au « contact » des éléments insurgés. D’où la réticence du Congrès à accepter son retrait.
« L’A-10 est un excellent avion… mais dans un environnement non contesté. Mais à l’avenir, nous allons devoir opérer dans des environnements plus contestés », avait expliqué le général Charles Brown, actuel chef d’état-major interarmées. « Pour les guerres futures, l’armée de l’air a besoin d’avions capables d’accomplir de multiples rôles… Et l’utilité de l’A-10 est trop limitée. Les commandants ne le demandent plus parce que c’est un avion à mission unique », avait-il insisté.
L’Ukraine aurait pourtant aimé pouvoir compter sur des A-10 Warthogs pour contrer les chars et autres véhicules blindés russes. Une telle demande a été régulièrement formulée par les chefs militaires ukrainiens. Mais, compte tenu des pertes infligées par leurs troupes aux forces russes, leur donner satisfaction n’aurait sans doute pas été la chose la plus sage à faire.
Par ailleurs, en avril dernier, lors d’une audition parlementaire, le secrétaire de l’armée de l’air américaine Frank Kendall avait laissé entendre que l’intérêt de Kiev pour le Warthog avait diminué… Mais il avait aussi déclaré qu’« au moins un autre pays avait manifesté son intérêt » pour l’appareil. Restait à savoir lequel…
La Colombie avait déjà envisagé de demander aux États-Unis de louer un escadron de Warthogs pour soutenir ses opérations contre la rébellion des FARC et les cartels de la drogue. Mais l’accord n’a pas abouti.
Finalement, rapporte le site spécialisé The War Zone, le pays évoqué par M. Kendall serait probablement… la Jordanie. C’est du moins ce que suggère la demande de rapport adressée au Pentagone par la commission des forces armées du Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi annuel sur la politique de défense (NDAA – National Defense Authorization Act) pour l’année fiscale 2025.
Plus précisément, le secrétaire à la Défense est invité à soumettre aux commissions compétentes du Congrès un rapport sur « la faisabilité et l’opportunité de transférer des avions A-10 en fin de service à la Jordanie ».
Actuellement, la Royal Jordanian Air Force dispose d’une cinquantaine de F-16 (bientôt renforcés par 16 autres F-16 modernisés au standard Viper) et d’une dizaine d’avions de reconnaissance et d’attaque au sol Air Tractor AT-802. Ces appareils sont notamment utilisés pour des missions de contre-terrorisme et de lutte contre le trafic de drogue (Captagon notamment).
Par ailleurs, le 10 juillet, l’Otan a annoncé son intention d’ouvrir un bureau de liaison à Amman. Cette décision «témoigne du rôle majeur joué par la Jordanie comme modèle de stabilité dans la région et dans le monde, et comme référence de longue date dans la lutte contre les menaces transnationales (terrorisme, extrémisme violent, etc.)», a justifié l’organisation.
Il n’en demeure pas moins que le transfert éventuel des Warthogs à la Royal Jordanian Air Force implique de surmonter plusieurs défis. Certes, l’environnement dans lequel ils seront censés évoluer n’est pas « contesté »… mais leur maintenance sera très compliquée à assurer, certaines pièces détachées étant désormais très difficiles à trouver.