La dette italienne devient lourde, dangereusement lourde. Le taux des obligations italiennes à 10 ans, titres de la dette publique italienne émis sur les marchés financiers, s’établit désormais à 3,7 %, quand il est de 2,2 % pour la France et de 1,6 % pour l’Allemagne. En clair, l’Italie et la France doivent payer cher pour emprunter après que leurs taux d’emprunt à 10 ans se sont soudainement envolés, respectivement de plus de 0,5 point de pourcentage et de 0,4 point entre le 9 juin, date de la dernière conférence de la Banque centrale européenne, et le 14 juin . Des augmentations supérieures à celles du taux allemand, qui n’a augmenté que de 0,3 point de pourcentage.
La raison de ces augmentations ? La décision de la BCE de relever ses taux directeurs, qui conditionnent en partie les taux d’emprunt des pays européens, « de 25 points de base » en juillet pour atteindre progressivement 2 %. Cette action, qui vise à juguler l’inflation, n’a toutefois pas eu le même impact sur les taux d’emprunt d’un pays à l’autre. Et pour une bonne raison.
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— Banque centrale européenne (@ecb) 9 juin 2022
D’abord, « les marchés craignent que la hausse des taux ne freine la croissance de la zone européenne, donc cette décision a une forte influence sur les pays fortement endettés », explique Patrick Artus, économiste et conseiller économique chez Natixis. Si la croissance ralentit, le poids de la dette sur le PIB augmente automatiquement. Et comme la France et l’Italie sont endettées à 112,9 % et 134,8 %, une hausse de leur dette pourrait les submerger. En conséquence, leur prime de risque augmente et donc… leurs taux d’emprunt respectifs.
Mais l’écart croissant des taux entre l’Italie et l’Allemagne s’explique aussi par l’attractivité différente des obligations d’Etat. « Si vous augmentez le rendement d’une dette sans risque comme celle de l’Allemagne, les obligations d’État plus risquées sont moins attractives », ajoute l’économiste. Synthèse : les rendements obligataires italiens doivent alors fortement remonter pour redevenir attractifs. D’où un taux d’emprunt plus élevé.
La crainte de l’éclatement de la zone euro
Le problème est que si cet écart entre les taux d’emprunt des Etats européens venait à se creuser, l’Italie, la Grèce, l’Espagne ou encore la France risqueraient de se retrouver avec une dette insoutenable, à l’inverse de l’Allemagne. Qu’est-ce qui a entraîné ces premiers pays dans une période d’austérité forcée, comme la Grèce durant les années 2010 ?
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Face à la flambée anormale des taux d’intérêt qui menace la stabilité économique de certains Etats, la BCE a réuni, mercredi 15 juin, son conseil des gouverneurs en urgence pour trouver une solution. Les dirigeants européens se veulent rassurants pour ne pas affoler les marchés. « Il n’y a aucune raison de s’inquiéter des différentiels de taux d’intérêt en Europe », a assuré le chancelier allemand Olaf Scholz lors d’une conférence de presse jeudi 16 juin. Dans le même temps, les taux des pays européens ont légèrement baissé après la réunion du Conseil des gouverneurs.
Les armes de la BCE contre les écarts de taux
Patrick Artus partage le point de vue du chef de l’Etat allemand. Pour lui, « il n’y aura plus d’augmentation des écarts de taux d’intérêt, il n’y a pas de risque d’éclatement de la zone euro ». La Banque centrale européenne dispose en effet d’un arsenal très puissant pour contrer les différentiels de taux d’intérêt.
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Rediriger le programme d’achat d’urgence en cas de pandémie
A l’issue de la réunion « non programmée » de la BCE, la gardienne de l’euro a annoncé vouloir « appliquer une certaine flexibilité lors du réinvestissement des actifs acquis dans le cadre du programme d’achat d’urgence en cas de pandémie (PEPP) arrivant à échéance, afin de préserver le fonctionnement de le mécanisme de transmission de la politique monétaire ». La banque centrale avait racheté des centaines de milliards d’euros d’obligations d’État (avec le programme de Quantitative Easing) pendant la crise sanitaire. Mais « il y a 25 milliards d’euros par mois de dette Covid qui arrivent à échéance, donc quand une obligation est remboursée, la BCE peut utiliser l’argent comme elle veut. Elle pourra par exemple acheter de la dette italienne », précise Patrick Artus.
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Vendre des obligations allemandes pour acheter des obligations italiennes
Si les 25 milliards d’euros réalloués mensuellement par la BCE ne suffisent pas à maintenir les taux de certains pays, l’économiste évoque une seconde solution : « La Banque centrale pourrait vendre des titres de dette allemands ou néerlandais [qu’elle a accumulés pendant le Covid] acheter de la dette italienne, grecque ou française ». Cette action conduirait cependant à une hausse des taux des pays dont la BCE se délesterait. Pas sûr que tout le monde y trouve son compte…
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Créer de l’argent pour acheter de la dette
Une troisième décision pourrait être prise en dernier recours : acheter de la dette italienne, grecque ou française en créant de la monnaie via un programme d’Opérations Monétaires sur Titres (OMT). Le gardien de la monnaie ne l’a jamais utilisé mais Mario Draghi, l’ancien président de la BCE avait annoncé sa potentielle mise en place en 2012. Une solution qui divise, puisque Patrick Artus confie que « c’est compliqué parce que ça remet en question le rôle de la BCE et sa politique monétaire » qui ne doit pas financer les Etats et rester indépendante.
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