La guerre fantôme d’Israël contre la CPI, entre menaces et surveillance
Pressions, écoutes téléphoniques, intimidations et même menaces physiques : pour éviter que ses dirigeants ne se retrouvent dans le collimateur de la Cour pénale internationale (CPI), Israël mène depuis dix ans une véritable guerre de l’ombre contre cette institution. C’est ce que révèle une enquête du quotidien britannique Le gardien et le site d’information israélien +972, publié mardi 28 mai, dont Le monde a pu recouper les principaux enseignements de ses propres sources. De la « allégations fausses et infondées »selon la réponse du bureau du Premier ministre israélien au quotidien britannique.
Si elles ont probablement ralenti l’action des magistrats, saisis des crimes commis par Israël dans les territoires occupés depuis 2015, ces actions clandestines n’ont pas réussi à dissuader la Cour de se pencher sur le conflit en cours à Gaza. Le 20 mai, le procureur Karim Khan a demandé aux juges d’émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Des mesures similaires, pour les mêmes raisons, étaient nécessaires pour trois dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinouar, le cerveau de l’attentat du 7 octobre 2023.
Mais jusqu’à la dernière minute, Israël a tenté de dissuader Karim Khan d’agir, en utilisant tous les leviers possibles, «jusqu’à des menaces personnelles», explique une source à la Cour. Ces manœuvres ont poussé le procureur à publier début mai un communiqué de protestation inhabituel, dans lequel il rappelle que l’entrave au travail de la CPI est passible de cinq ans de prison. « Nous ne sommes pas surpris par ce qui se passe, poursuit la source interne. C’est la méthode déjà utilisée avec Fatou Bensouda (procureur de 2012 à 2021). Elle a reçu toutes sortes de menaces, même physiques. Les gens venaient autour de sa maison, prenaient des photos. »
Dès les premières visites de l’Autorité palestinienne à la Cour en 2009, les dirigeants politiques et militaires israéliens étaient préoccupés par d’éventuelles poursuites. Lorsque la Palestine a obtenu son adhésion à la CPI en avril 2015, l’État juif a mis en œuvre une stratégie d’État visant à neutraliser tout risque d’inculpation de ses dirigeants et soldats. Selon le quotidien britannique Yossi Cohen, chef du Mossad de 2016 à 2021 et ami proche de Benyamin Netanyahu, « dirigé personnellement » cette opération. M. Cohen n’a pas répondu aux questions des journalistes.
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