La grande première des chercheurs niçois et lyonnais : ils ont fabriqué de la poussière d’étoiles
Jewel Beaujolie
« C’est lui qui a fait le plus gros du travail » rigole Eric Lagadec, astrophysicien, astronome adjoint au laboratoire Lagrange de l’Observatoire de la Côte d’Azur. D’un doigt, il désigne Guy Libourel. « Non, non, je vais être féroce là-dessus, c’est un travail d’équipe »tonne, souriant, le « cosmochimiste ». Il a aussi un métier qui fait voyager et rêver : il recherche, étudie, analyse des météorites, pour comprendre le système solaire.
Travail collectif
Avec des chercheurs de Mines Paris-PSL, de l’Université Côte d’Azur, de l’ENS de Lyon et du CNRS, ils ont « fabriqué » des poussières d’étoiles. Une première ! « Une superbe première », réagit Eric Lagadec, sur le réseau social
Météorites du Sahara
C’est en 2018 qu’ils ont réalisé l’expérimentation. 15 jours de préparation pour mettre en place la manipulation. Et environ trois heures pour créer la poussière d’étoile. « D’habitude, la première fois, ça ne marche jamais. Et là, bingo, ça a marché du premier coup. plaisante le cosmochimiste. Le « collectif » a collecté 200 grammes « étudiables » de cette matière précieuse…
Mais concrètement, comment ont-ils fait ? Guy Libourel s’est procuré des météorites. « J’en ai acheté 5kg à un chercheur en météorites, Luc Labenne », dit-il. Météorites chondrites NWA du Sahara. Il en a encore quelques pièces dans un de ses tiroirs. « Pour un philistin, c’est une pierre »ironise le chercheur. « Si l’on analyse le spectre électromagnétique du soleil (qui est une star, NDLR) et si on la compare avec la composition chimique d’une météorite, à part les éléments légers, c’est la même composition », décrypte Guy Libourel.
Un tank, 5000 degrés… et la poussière était
Le jour J, tout s’est passé à Sophia-Antipolis, dans les locaux du Min Paris. Mission : reproduire l’environnement stellaire. « Cette poussière se forme autour des étoiles en fin de vie, comme le soleil en 5 milliards d’années. Ces étoiles éjectent du gaz qui, en s’éloignant, se refroidit, et suite à des chocs, peut devenir assez froid et dense pour devenir solide : la poussière ! »» argumente l’astrophysicien.
Ils n’ont utilisé qu’un seul « appareil » : une torche à plasma. Que le Dieu des chercheurs nous pardonne cette description triviale : une sorte de grand réservoir cylindrique auquel sont « reliées » des électrodes. C’est là que va se produire la condensation, grâce à des températures élevées à plus de 5000 degrés en haut du réservoir. « Froid » en bas… signifiant seulement 1500 degrés.
La puissance de 40 bouilloires
Dans ce réservoir, les scientifiques ont injecté des météorites NWA du Sahara réduites en poussière. Et cette « poussière » au contact des gaz extrêmement chauds se vaporisait instantanément, puis se condensait au fur et à mesure que la température baissait dans la cuve : pour donner une autre poussière, celle des étoiles. « Il peut être très noir ou plus blanc, la couleur est liée à la taille du grain et à sa composition chimique qui peut soit avoir un pouvoir réfléchissant, soit absorber la lumière », explique Guy Libourel. « La puissance utilisée est l’équivalent de 40 bouilloires », dit Éric Lagadec.
« Usine Stellaire »
Puis est venu le long temps des analyses. Et la publication. Fort de son expérience réussie, le « collectif » souhaite lancer cette opération au niveau national ou international. « On a coché une première case, pourquoi ne pas aller plus loin », demande Guy Libourel. Créez une « usine stellaire ».
1. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre des laboratoires niçois : PERSEE de Mines Paris-PSL spécialisé dans le stockage et la conversion d’énergie, CRHEA (CNRS/Université Côte d’Azur) spécialisé dans les matériaux pour dispositifs photoniques, optoélectroniques, microélectroniques, Géoazur ( Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur/CNRS, IRD) spécialisée en Sciences de la Terre, Lagrange (Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur/CNRS) spécialisée en astrophysique et le Lyonnais LGL-TPE laboratoire (ENS de Lyon/CNRS/Université Lyon I/UJM) spécialisé en Sciences de la Terre. Les scientifiques-chercheurs : Guy Libourel, Laurent Fulcheri, Vandad-Julien Rohani, Bernard Bourdon, Marwan Mokhtari, Clément Ganino et Eric Lagadec.