Militante de la mémoire et de l’anticolonialisme, Maryse Condé est l’auteur de plus de 70 ouvrages. Des pièces de théâtre aux essais, en passant par la fiction et les livres pour enfants, ses écrits s’inspirent de son parcours et de ses combats. Retour sur sept histoires engagées et intimes.
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Depuis plusieurs années, le nom de Maryse Condé est cité parmi ceux des prétendants au prix Nobel de littérature. L’auteure guadeloupéenne, décédée dans la nuit du 1er au 2 avril 2024, laisse derrière elle un ouvrage dans lequel elle décrit le les ravages du colonialisme et le chaos du postcolonialisme. La rédaction de Franceinfo Culture a sélectionné sept récits qui racontent les engagements et le parcours d’un écrivain majeur de la francophonie.
« Ségou » (1984) : le déclin d’un royaume en Afrique précoloniale
Ségou est le premier grand succès littéraire de Maryse Condé. L’ouvrage, construit autour de la famille noble de Dousika Traoré, décrit le lent déclin du royaume bambara de Ségou qui s’étendait, depuis la fin du XVIIe siècle, sur une grande partie du Mali actuel. L’auteur raconte l’esclavage, l’arrivée des Européens et le développement de l’Islam et retrace les traditions du peuple polythéiste et animiste des Bambaras, du culte des ancêtres aux sacrifices rituels. Cette saga en deux volumes explore la grandeur et la richesse d’un peuple de l’Afrique précoloniale.
« Ségou, tome 1 : Les Murs de la Terre » et « Ségou, tome 2 : La Terre en miettes » de Maryse Condé (Pocket, 504 et 448 pages, 9,20 euros et 8,60 euros).
« Moi, sorcière Tituba… » (1984) : histoire coloniale et chasse aux sorcières
En février 1692, une série de procès pour sorcellerie s’ouvre à Salem, un village du Massachusetts. Plus de 140 femmes et hommes ont été jugés, dont vingt exécutés. Le roman de Maryse Condé – initialement intitulé Moi, Tituba, sorcière noire de Salem – se plonge dans cet épisode de l’histoire coloniale des Etats-Unis en imaginant la vie de Tituba, jeune esclave du pasteur de Salem, alors accusé d’être une sorcière. A travers cette fiction historique, l’auteur guadeloupéen réhabilite Tituba et la sauve de l’oubli dans lequel l’ont plongée les récits dominants. condamné. La version anglaise de l’ouvrage est accompagnée d’une préface d’Angela Davis.
« Moi, sorcière Tituba… » de Maryse Condé (collection Gallimard Folio, 288 pages, 9,40 euros).
« La Vie sans fards » (2012) : un auteur sans fiction
« Voici peut-être le plus universel de mes livres », a déclaré Maryse Condé lors de la sortie de son autobiographie La vie sans fard. Vrai « essayer de dire la vérité », l’auteure guadeloupéenne raconte ses années en Afrique à la découverte de son identité, la naissance de sa vocation d’écrivain et ses doutes sur la maternité. Mais si Maryse Condé considérait ce livre comme universel, c’est parce que ses expériences portent des réflexions générales, celles de femmes aux prises avec les difficultés de la vie, celles d’une personne « chercher à se réaliser pleinement ». Là La version anglaise de l’ouvrage est accompagnée d’une préface d’Angela Davis.
« La Vie sans fards » de Maryse Condé (Pocket, 288 pages, 7,70 euros).
« Plats et merveilles » : cuisine et littérature comme plaisirs de la langue (2015)
« Lorsque je reçois des invités pour la première fois, en disposant les plats sur la table, je hasarde une blague, toujours la même : « Vous allez aimer ! Je ne suis pas sûr d’être un bon romancier, mais je suis sûr que je suis un excellent cuisinier. Personne ne rit jamais. C’est parce qu’au fond mes invités sont choqués : comment a-t-elle eu l’audace de réunir littérature et cuisine. » Ces mots rieurs de Maryse Condé apparaissent dans la préface de Nourriture et merveilles, une de ses dernières œuvres. De la cuisine de son enfance à l’importance du goût dans ses œuvres, Maryse Condé écrit une gourmandise joyeuse et une cuisine incontestablement littéraire.
« Aliments et merveilles » de Maryse Condé (JC Lattès, 300 pages, 19 euros).
« Traverser la Mangrove » (1989) : la société guadeloupéenne dans un roman choral
Traversée de la mangrove est l’histoire d’une nuit. Au cœur de la forêt, plusieurs d’entre eux gardent le corps d’un homme dont personne ne sait grand-chose. Malgré les doutes qui planent sur son existence, les habitants de son nouveau village lui rendent un dernier hommage. Dans ce roman choral,Ces témoignages évoquent implicitement les conflits, contradictions et tensions qui traversent le territoire. Maryse Condé forge des histoires personnelles qui dessinent, au-delà de l’intime, la société guadeloupéenne actuelle.
« Traversée de la mangrove » de Maryse Condé (collection Gallimard Folio, 256 pages, 9,40 euros).
« Rêves amers » (1991) : Haïti racontée aux jeunes
Rêves amers a été publié pour la première fois sous le titre Haïti Chéri. Souvent étudié dans les classes de CM2, ce roman est le premier récit que Maryse Condé destinait aux jeunes. L’œuvre évoque les conditions de vie en Haïti à l’époque où Jean-Claude Duvalier présidait le pays. Maryse Condé raconte le parcours de Rose-Aimée, une jeune fille issue d’une famille pauvre vivant dans la région du Cap et placée comme servante dans une famille bourgeoise violente. L’auteure guadeloupéenne entretenait un lien très fort avec Haïti, pays qu’elle qualifiait de lieu « où la négritude s’est levée pour la première fois ».
« Rêves amers » de Maryse Condé (Bayard Jeunesse, 90 pages, 6,90 euros).
« L’Évangile du Nouveau Monde » (2021) : récit biblique et testament
Maryse Condé annonçait en 2017 que son roman Le destin fabuleux et triste d’Ivan et Ivana serait sa dernière œuvre. Trois ans après avoir remporté le prix Nobel alternatif de littérature, l’auteur publie L’Évangile du Nouveau Monde, sa véritable dernière histoire. Tel un adieu, ce roman explore la société guadeloupéenne à travers une réécriture de la Bible. Maryse Condé livre une ode à la fraternité et à l’amour, un passage à travers la Genèse pour écrire l’espoir et l’avenir.
« L’Évangile du Nouveau Monde » de Maryse Condé (Buchet-Chastel, 288 pages, 8,30 euros).