La gestion des crises financières au cœur du débat
Le Sri Lanka vote samedi pour élire son président lors d’un scrutin de type référendum sur les politiques d’austérité impopulaires négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) pour endiguer une crise financière sans précédent.
Nommé il y a deux ans pour assurer l’intérim de son prédécesseur Gotabaya Rajapaksa, Ranil Wickremesinghe, 75 ans, brigue un nouveau mandat, se présentant comme le seul recours d’un pays qu’il promet de sortir définitivement de l’ère des pénuries, de l’inflation et de la dette.
Plus de 17 millions d’électeurs sont inscrits pour le scrutin – le premier depuis les manifestations de colère contre la crise financière qui ont conduit à la chute du président Rajapaksa en 2022 – et les premiers résultats sont attendus dès dimanche.
« Pensez à l’époque où tout espoir était perdu (…) l’époque où nous n’avions ni nourriture, ni carburant, ni médicaments, ni espoir. »« C’est à vous de décider si vous voulez revenir aux heures de terreur ou renouer avec le progrès », a-t-il répété aux électeurs dans la dernière ligne droite de sa campagne.
« Nous devons continuer à réformer pour mettre fin à la faillite » du pays, a martelé le président sortant lors de son dernier meeting de campagne mercredi soir.
L’économie a cédé en 2023 « signes de stabilisation »selon la Banque mondiale.
L’inflation est revenue sous les 5% – après un pic à 70% au plus fort de la crise – et la croissance a repris mais reste fragile : 5,3% au premier trimestre 2024 et 4,7% au deuxième, selon les statistiques gouvernementales.
Et même si l’ordre a été rétabli dans les rues du pays, le régime brutal d’augmentations d’impôts et de réductions des dépenses publiques, entrepris en échange d’un prêt de 2,9 milliards de dollars du FMI, pèse lourdement sur la vie quotidienne de la population.
Selon la Banque mondiale, plus d’un quart des 22 millions d’habitants de l’île vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 2,15 dollars par jour).
« Alors que de nombreux Sri Lankais ont encore du mal à joindre les deux bouts deux ans après l’effondrement économique du pays, l’élection présidentielle promet d’être serrée, tendue et cruciale »prédit Alan Keenan de l’ONG International Crisis Group.
« Un message très fort »
Parmi les 38 candidats en lice contre le président sortant, deux semblent en mesure de le menacer en profitant de la colère des électeurs.
Tout d’abord, le leader de la coalition de gauche, Anura Kumara Dissanayaka, 55 ans.
Le leader du Front de libération du peuple (JVP), d’inspiration marxiste, qui a mené deux insurrections armées ayant fait plus de 80 000 morts au début des années 1970 et à la fin des années 1980, n’a remporté que 3 % des voix à l’élection présidentielle de 2019.
Cette année, son discours s’est dirigé contre les élites « corrompu » La source du chaos de 2022 devrait lui apporter bien plus, prédisent les analystes.
« Un nombre important d’électeurs vont envoyer un message très fort (…) qu’ils sont très déçus de la manière dont le pays est gouverné. »anticipe également Murtaza Jafferjee, qui dirige le groupe de réflexion indépendant Advocata à Colombo.
Le leader de l’opposition numéro un, Sajith Premadasa, 57 ans, devrait également rallier une part significative des voix des mécontents.
Fils du président Ranasinghe Premadasa, assassiné par la guérilla tamoule en 1993, cet ancien proche de Ranil Wickremesinghe, dont il s’était éloigné en lui reprochant ses manières autoritaires, s’est engagé à arracher des concessions au FMI.
« Nous allons réexaminer les inégalités dans le code fiscal soutenu par le FMI qui oblige les travailleurs à chercher du travail à l’étranger »a déclaré le candidat de centre-droit dans son programme.
L’institution internationale ne semble cependant pas disposée à assouplir ses exigences.
« Des progrès ont été réalisés, mais le pays est encore loin d’être sorti de l’ornière »a commenté la responsable de la communication du FMI, Julie Kozack, à la presse la semaine dernière. « Il est important de protéger ces acquis durement acquis ».
La confrontation avec le vainqueur s’annonce difficile.
« Quelle qu’elle soit (…) elle devra répondre aux demandes d’équité de la population »prévient Alan Keenan. « Dans le cas contraire, le soutien aux réformes essentielles à la reprise économique du Sri Lanka sera encore réduit. ».
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