La fraude sociale est estimée à 13 milliards d’euros par an (et provient principalement des entreprises)
Loin des idées reçues, la fraude sociale est majoritairement (56%) commise par des entreprises ou des travailleurs indépendants en raison de cotisations impayées. La fraude aux bénéficiaires de la sécurité sociale représente 34% du total.
Un rapport d’expertise sur la fraude à la sécurité sociale, commandé par Elisabeth Borne lorsqu’elle était Première ministre et publié mercredi, souligne les progrès à faire en matière de prévention, alors que les contrôles et la répression font déjà l’objet d’efforts jugés importants. Le rapport estime que la fraude à la sécurité sociale s’élève à 13 milliards d’euros par an, un chiffre qui représente un « potentiel théorique ».
La prévention des fraudes à la sécurité sociale (cotisations Urssaf, prestations santé, allocations familiales…) « est très certainement le point faible de la politique actuelle », conclut ce rapport publié par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), qui réunit des experts des partenaires sociaux et de l’Etat.
« La fraude sociale est souvent réduite à une fraude au RSA ou à une fraude à la résidence, ce qui tend à alimenter un discours anti-pauvres », note le HCFiPS.
Or, « en euros, la fraude imputable aux bénéficiaires de la Sécurité sociale est de l’ordre d’un tiers (34%) des fraudes constatées. Les sommes constatées sur les retraites sont très insignifiantes, alors que les fraudes impliquant des « faux centenaires » font souvent la une des journaux ».
« Un risque plus élevé pour les micro-entrepreneurs »
En réalité, plus de la moitié (56%) des fraudes sociales proviennent d’entreprises ou de travailleurs indépendants, principalement en raison de cotisations non payées.
« Le plus grand risque concerne les micro-entrepreneurs », rappelle le HCFiPS.
Compte tenu de la situation, « le contrôle total n’est pas pleinement efficace : il est coûteux en ressources humaines, il peut être contreproductif en termes d’accès aux droits ; il a un coût symbolique dans la mesure où il peut stigmatiser une population particulière (les pauvres, les professionnels de santé) ; il n’est pas pleinement efficace sur le plan financier, puisque les institutions ne peuvent ni détecter ni, a fortiori, récupérer 100 % des sommes fraudées », ajoute le rapport.
Il recommande notamment de « lutter contre les normes frauduleuses, les organisations économiques frauduleuses et d’éviter une certaine permissivité dans les flux financiers ». Parmi les efforts de prévention, le rapport suggère de prendre en compte le risque de fraude avant toute nouvelle mesure législative.
600 millions récupérés
Avant la mise en place du 100% Santé – instaurant une prise en charge intégrale des appareils auditifs, optiques et dentaires – les audioprothésistes avaient alerté sur le risque important de fraude, qui s’est effectivement produit, a rappelé Dominique Libault, président du HCFiPS, lors de la présentation du rapport à la presse.
Mais le HCFiPS ne peut quantifier l’impact que pourraient avoir ses recommandations sur le déficit de la Sécurité sociale, alors qu’il s’accroît inexorablement à nouveau. « Si on reste aussi efficace dans la lutte contre la fraude, si on maintient un haut niveau de civisme, si on réduit (la fraude) par des stratégies de prévention (…) cela pourrait avoir des impacts assez importants », a expliqué Dominique Libault. « Mais je ne serais pas sérieux » en avançant un chiffre, a-t-il ajouté.
Les fraudes détectées et stoppées ne représentent que 2,1 milliards d’euros, dont 0,5 milliard de fraudes évitées – stoppées avant le versement de l’allocation. Quant aux sommes effectivement récupérées, elles s’élèvent à 600 millions d’euros, « malgré un investissement très fort des organismes de sécurité sociale », souligne le rapport.