Exceptionnellement pour un week-end férié, du samedi au mardi 12 novembre, la ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon sera interrompue. Seuls 30 % des trains circuleront sur la ligne classique pour relier la capitale au sud-est de la France. Les voyageurs devront être patients : les temps de trajet vont doubler, voire plus, pour rejoindre Lyon, Grenoble ou Marseille depuis Paris.
Cette interruption est presque sans précédent. Après six années de travaux et même une réflexion sur un doublement de la ligne, SNCF Réseau a enfin lancé de vastes travaux sur la signalisation de la première LGV française, longue de 460 kilomètres.
En cause, le système européen « ERTMS » (Système européen de gestion du trafic ferroviaire), permettra, dès 2030, d’augmenter et de rationaliser le trafic sur cette ligne ouverte en 1981. Et ainsi faire circuler jusqu’à 16 trains par heure dans chaque sens d’ici cinq ans, contre un maximum de 13 aujourd’hui. aujourd’hui. Soit 25% de capacité supplémentaire.
Le plâtre du gouvernement
En fait, la France est en retard. Aujourd’hui, environ 1 000 kilomètres de rails sont équipés sur 8 000 km à l’échelle européenne. Il s’agit de lignes à grande vitesse lancées après les années 2000 et adaptées de leur conception : la LGV Est, la LGV Sud Europe Atlantique et la LGV Bretagne Pays-de-la-Loire.
Entre Paris et Lyon, l’ERTMS sera également déployé très progressivement. Si les travaux d’installation sont menés à bien en 2024, sa mise en service ne sera pleinement effective qu’en 2030.
C’est surtout au niveau national que se situe le problème. L’État souhaitait initialement mettre en place l’ERTMS sur 9 100 kilomètres de voies en 2030 et près de 12 000 en 2040. Mais le ministère des Transports est désormais contraint de faire marche arrière avec des objectifs largement revus à la baisse.
Des retards par rapport à l’Europe
Selon le plan SNCF Réseau ci-dessous, le déploiement des ERMTS se poursuivrait jusqu’en 2044 sur le réseau français, avec un pic (lignes roses) à la toute fin des années 2030.
Cependant, alors que la France manque déjà d’un plan global par rapport aux autres pays européens, l’objectif n’est que 6 100 kilomètres équipés en ERTMS d’ici 2044. Ce système est néanmoins jugé essentiel pour assurer l’interopérabilité entre les différents réseaux ferroviaires du Vieux Continent, notamment sur les corridors du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).
A titre de comparaison, d’autres pays se sont déjà dotés de feuilles de route, comme le Danemark, la Norvège, la Suisse et le Luxembourg. En Belgique, 69% du réseau est même déjà équipé, avec un objectif de 100% en 2025, soit 6.400 km de voies, loin devant le réseau français. Mais l’État belge était confronté à des problèmes de sécurité, après plusieurs accidents au cours des dix dernières années.
Du côté du ministère, on tente encore de se consoler en indiquant qu’il s’agit d’un système de 2ème génération alors que d’autres pays européens ont majoritairement déployé la version précédente.
Un système coûteux et complexe
Se pose ensuite la question du coût de ce type d’installation numérique. Pour la seule ligne Paris-Lyon, l’opération s’élève à 820 millions d’euros, financés par SNCF Réseau (700 millions d’euros) et par l’Union européenne (120 millions d’euros).
L’État prévoit également une enveloppe de 500 millions d’euros par an, dédiée à la modernisation du réseau ferroviaire. Cela représenterait environ 10 milliards d’euros d’ici 2044, dont « la majorité sera consacrée au passage à l’ERTMS », confirme le bureau du ministère des Transports.
« Faire évoluer un TGV actuel vers l’ERTMS est très compliqué et l’achat de trains adaptés a forcément un coût supplémentaire. », souligne François Lemaire, vice-président de la Fédération des associations d’usagers des transports Auvergne-Rhône-Alpes.
Adapter les trains dans le Sud
Dans le cas de Paris-Lyon, l’ancien et le nouveau système resteront pour l’instant « superposés ». Les anciens TGV pourront toujours circuler. En revanche, l’enjeu est plus grave pour la ligne classique Marseille-Vintimille, dont un tronçon (entre Cannes et Vintimille) devrait être adapté à l’ERTMS à partir de 2027.
Pour cela, seuls les trains compatibles avec ce nouveau système pourront circuler.
» Cela obligera tous les TGV Paris-Nice à être en ERTMS, mais aussi tous les TER de cette ligne. Pour la région Sud, il y a un coût d’adaptation des trains. C’est un problème, car SNCF Réseau investit, mais cela oblige les opérateurs à modifier ou acheter des trains avec un coût supplémentaire « .
Dans la région Sud, les deux options sont sur la table : le Conseil régional a déjà annoncé le financement de 15 nouveaux trains, ainsi que l’adaptation de 31 autres trains existants.
De plus en plus d’acteurs sur le parcours Paris-Lyon
La ligne Paris-Lyon est aujourd’hui la plus fréquentée d’Europe. En effet, près d’un tiers des trains TGV français y circulent, soit 240 trains par jour. Ce qui en fait également la ligne la plus rentable.
Le « Lyon-Paris » suscite donc le désir. D’autant que l’arrivée de l’ERTMS va libérer de nouvelles sillons, qui seront déléguées aux entreprises ferroviaires.
A ce jour, SNCF Inouï, SNCF Ouigo, Trenitalia et Lyria opèrent sur la LGV. A terme, d’autres opérateurs pourraient se positionner, à l’instar de l’espagnol Renfe, qui s’est déjà positionné sur la ligne Lyon-Barcelone.