La France teste son nouveau missile M51.3 et l’annonce
Le ministère français des Armées s’est félicité du tir d’essai réussi ce week-end de son missile M51.3, destiné à être lancé depuis ses sous-marins. Une manière de renforcer la crédibilité de la dissuasion nucléaire française dans un contexte de menace atomique attisée par la Russie depuis la guerre en Ukraine.
Il pèse 50 tonnes et mesure 12 mètres de haut. Les habitants du sud-ouest de la France l’ont vu percer le ciel dans la soirée du samedi 18 novembre, se demandant ce qui avait provoqué cette longue traînée lumineuse à l’horizon. Certains ont pensé qu’il s’agissait de débris de la méga-fusée américaine Space X, après son échec de lancement, et ont exprimé leur inquiétude sur les réseaux sociaux.
En réalité, la France a procédé à un tir d’essai, sans charge nucléaire, de son missile balistique de pointe : le M51.3. Les tirs ont été menés par la Direction générale de l’armement (DGA) depuis son site des Landes, selon un communiqué diffusé par le ministère des Armées après le succès de cet essai.
« Cette évolution pérennise la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et démontre l’excellence de notre filière lanceurs », s’est félicité samedi soir sur X Sébastien Lecornu, ministre des Armées.
Premier tir d’essai réussi du missile balistique stratégique M51.3 !
Cette évolution perpétue la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et démontre l’excellence de notre secteur des lanceurs.
grâce à @DGA, @CEA_Officiel, @ArianeGroup et à tous les acteurs de ce plan réussi. pic.twitter.com/Rwrgn6FEXq
— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) 18 novembre 2023
« Le missile a été suivi tout au long de sa phase de vol par les moyens d’essais de la DGA. La zone de retombées est située dans l’Atlantique Nord, à plusieurs centaines de kilomètres de toute côte. Cet essai a été réalisé sans charge nucléaire et dans le strict respect des engagements internationaux de la France », a déclaré le ministère.
Une capacité d’une dizaine de têtes nucléaires
L’armée française y a testé pour la première fois une nouvelle version de son M51, conçue pour être lancée depuis un sous-marin. « La version 2 du M51 équipait déjà les sous-marins nucléaires lance-missiles (SNLE) depuis une quinzaine d’années. Nous n’avons pas de détails précis car c’est très confidentiel. Mais on sait qu’« il y a éventuellement une augmentation du nombre de têtes nucléaires pouvant être emportées dans le missile. Elles passeraient à une dizaine de têtes nucléaires pour le M51.3 », explique Héloïse Fayet, chercheuse au Centre d’études de sécurité de l’Ifri. Institut des Relations Internationales) et coordinateur du programme Dissuasion et Prolifération.
Avec une portée de près de 10 000 kilomètres, la capacité destructrice du M51.3, s’il est chargé, pourrait donc atteindre 1 000 fois la puissance de la bombe américaine d’Hiroshima. Même si ce n’est pas du tout le même contexte, étant donné que ce missile est destiné à soutenir la dissuasion nucléaire.
Dissuader d’attaquer la France
Outre son chargement, ce missile dans sa nouvelle version aurait surtout une meilleure « capacité de pénétration, pour être certain qu’il parviendrait à pénétrer les défenses anti-missiles qui lui font face », explique Héloïse Fayet.
« Ce sont des missiles pratiquement impossibles à intercepter », commente l’ancien officier et auteur du Blog « Ne souffrez pas », Guillaume Ancel sur France Info.
Si sur le plan quantitatif, la France arrive en queue de peloton – avec le Royaume-Uni – des cinq pays dotés d’armes nucléaires ayant signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), sur le plan qualitatif, le Les performances du M51.3 sont équivalentes à celles des missiles américano-britanniques Trident et à celles du russe Bulava. Les missiles français sont aussi meilleurs que les chinois, estime Héloïse Fayet, qui rappelle néanmoins que la France a une doctrine de dissuasion différente de celles des autres membres de ce groupe.
Comme l’a rappelé samedi le ministère des Armées dans son communiqué, « ce programme d’armement répond aux vœux du Président de la République qui s’engage à prendre les décisions nécessaires pour maintenir la crédibilité opérationnelle des forces nucléaires dans la durée ». au niveau de stricte suffisance requis par l’environnement international ».
La dissuasion nucléaire française repose sur la doctrine de la « stricte suffisance ». Il s’agit de disposer d’un nombre suffisant de missiles, capables d’infliger – en cas de légitime défense – des dommages inacceptables à un adversaire, afin de le convaincre qu’attaquer la France n’en vaut pas la peine.
Pour cela, outre les M51 qu’elle peut tirer depuis ses quatre sous-marins nucléaires lance-missiles, l’armée française est également en mesure de lancer des missiles air-sol améliorés à moyenne portée (ASMP-A). , depuis ses rafales.
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« Il n’est pas nécessaire d’en faire plus et d’augmenter le nombre de têtes » ajoute Héloïse Fayet. Et de rappeler que « la France fait partie d’une alliance – l’OTAN – qui est elle-même nucléaire et que Paris entretient des relations étroites avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui sont deux autres puissances nucléaires ».
« Il y a quelques années, il n’y aurait pas eu autant de communication »
Des tirs d’essai, sans charges nucléaires, ont lieu régulièrement et la date de l’essai de samedi est avant tout « liée aux impératifs industriels et technologiques ». « Mais il y a quelques années, il n’y aurait pas eu autant de communication », remarque Héloïse Fayet.
« Par leur succès et leur publicité, les tirs d’essai contribuent à renforcer la crédibilité de la dissuasion, tant vis-à-vis des adversaires que des alliés », précise le chercheur sur X.
Selon Guillaume Ancel, « c’est une manière de faire une communication indirecte sur le fait que notre dissuasion nucléaire n’a pas 20 ans et qu’elle est parfaitement au goût du jour ». Et cela dans un contexte de tensions avec la Russie, depuis que le président Vladimir Poutine a menacé de recourir à l’arme nucléaire durant les premiers mois de la guerre en Ukraine en 2022.
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Plus récemment, Moscou a révoqué sa ratification du Traité d’interdiction des essais nucléaires (TICE) – que les États-Unis, contrairement à la France, n’ont jamais ratifié.
Débris du « secret défense »
Prévu pour être mis en service dans deux ans, le missile M51.3 aura une durée de vie d’une quinzaine d’années, explique au Figaro le responsable des activités défense d’ArianeGroup, maître d’oeuvre du programme de missile M51, sous couvert d’anonymat. Parallèlement, « les réflexions sur le futur missile M51.4 ont déjà commencé » avec l’idée d’anticiper les évolutions technologiques des défenses balistiques du futur, explique le quotidien français.
Le missile testé samedi a été tiré depuis une « piscine qui reproduit les conditions de tir d’un véritable sous-marin nucléaire lance-missiles » dans une base militaire française située à Biscarrosse, pour éviter de mobiliser un sous-marin lanceur de missiles nucléaires qui assure la permanence de la dissuasion nucléaire française en les mers et océans du monde, précise François-Xavier Dufer, adjoint à la DGA, interrogé par France Bleu.
La fusée, qui s’est ensuite écrasée dans l’Atlantique Nord, à plusieurs centaines de kilomètres de toute côte, a été suivie en mer par des navires de la marine nationale chargés, une fois l’opération terminée, de récupérer toutes les précieuses retombées. du missile dans l’océan. Ces derniers sont en fait des débris de « secrets de défense ». « Absolument tout est récupéré par la Marine nationale et la DGA, car de nombreux pays seraient très intéressés de savoir ce qu’il y a dans nos missiles », note Héloïse Fayet.
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