Depuis dix-huit mois, Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies, répétait à tue-tête qu’il « briserait les codes »Celles de la France, de l’art, de l’histoire, du sport et de l’olympisme. Dans l’extraordinaire spectacle offert au monde ce vendredi 26 juillet, tout tranchait en effet avec la tradition du lancement des Jeux. A commencer par la pluie battante, invitée indésirable qui, pendant près de quatre heures, a mis à rude épreuve les 320 000 spectateurs, 6 500 athlètes et 3 000 artistes de ce défilé à ciel ouvert sur et autour de la Seine.
Créant une atmosphère tantôt douloureuse, tantôt poétique et intimiste, la météo n’a pas empêché le « spectacle » le plus attendu de ces dernières années de se dérouler magistralement autour de douze tableaux, chacun construit autour d’un thème, tantôt d’une valeur. Le récit progresse ainsi de « l’enchantement » à la « solennité », en passant par la « synchronicité » ou encore la « sororité ». Un joyeux bazar tantôt merveilleusement festif et tantôt trop engourdi, lié dès les premières secondes par l’aventure d’un héros épique : le mystérieux voleur de flammes.
Les clichés des cartes postales, pour mieux les dépasser
Cagoulé et masqué comme un membre de l’Ordre des Templiers, avec la malice et la curiosité d’un Fantomas ou d’un Arsène Lupin : ce curieux personnage, croisement de références, aura créé la tension et entraîné la foule avec lui à travers les lieux emblématiques de la capitale. En s’appuyant sur des clichés de cartes postales avec l’intention de les dépasser, comme lorsque la chanteuse américaine Lady Gaga, qui ouvre les festivités, se produit Mon truc de plumes de l’icône du cabaret Zizi Jeanmaire, toute de plumes roses et noires. Le traditionnel French cancan, la vie en rose et, bien sûr, la romance, avec un cœur géant dessiné dans le ciel par la Patrouille de France en guise d’appui.
Puis, sous les pieds du porteur du flambeau, dans un jeu drôle et rythmé, les monuments et leurs occupants s’animent : Notre-Dame de Paris vibre aux sons vifs des échafaudages, en hommage au savoir-faire français déployé pour sa rénovation et sous les yeux de son gardien, Quasimodo. Le Théâtre du Châtelet tremble sous les canons de la Révolution de 1789, tandis que, plus loin, le Louvre se vide de ses chefs-d’œuvre, accourus pour regarder par la fenêtre le défilé euphorique des athlètes. Aussi, la pop culture envahit le musée dans une scène drôle et décalée où les Minions du film d’animation Moi, moche et méchant volent la vedette à la galerie. La Joconde en utilisant un sous-marin.
Des duos emblématiques défient les clichés
La grande force de cette cérémonie réside dans le mélange des registres musicaux et des chorégraphies. Ambassadrice de ce mélange, la chanteuse française la plus écoutée au monde, Aya Nakamura, qui interprète un étonnant medley de ses tubes DjaDja Et Pookie et de Pour moi Formidable de Charles Aznavour, accompagné par l’orchestre de la Garde Républicaine. Un défilé officiel aux influences zouk et R’n’B qui se déroule sur le Pont des Arts, dans le prolongement de l’Académie française, sanctuaire de cette langue de Molière qu’une polémique avait accusé le chanteur d’avoir maltraité.
Tout aussi surprenant est le mariage du chant lyrique et du métal aux vitrines de la Conciergerie, avec l’interprétation du chant révolutionnaire. Ah, ça ira bien ! de la mezzo-soprano Marina Viotti et du groupe français Gojira. Juliette Armanet, enfin, signe la pochette de l’incontournable Imaginé de John Lennon et Yoko Ono, accompagnés par le virtuose Sofiane Pamart, sur un piano en flammes et une plateforme aux allures de roche volcanique. Un moment fort de la soirée destiné à adresser, avec ce morceau souvent repris lors des cérémonies d’ouverture, un message de paix et d’unité aux 85 chefs d’Etat présents dans les tribunes du Trocadéro.
Le reste du spectacle s’anime de sons très dansants et ambiants, du disco à l’électro French Touch. Les artistes, sur ce son riche, se déhanchent dans une combinaison des styles les plus variés, entre ballet classique, danse contemporaine et autres chorégraphies, « wacking », « voguing » ou « breaking », reflets des tendances urbaines et « queer » de notre époque.
Céline Dion, la flamme s’envole… une finale d’anthologie
Première étape d’une apothéose qui s’achève, une cavalière argentée illumine Paris en remontant la Seine au galop sur son cheval de métal, jusqu’au podium en forme de tour Eiffel sur la place du Trocadéro. Bien que s’éternisant par moments, la course, magique et puissante, incarne les valeurs des JO dans une référence notable à Sequana, déesse grecque et figure de la résistance.
Une fois le protocole terminé et les mots d’ouverture des Jeux prononcés par le président Emmanuel Macron, puis le chaudron de la flamme allumé par le duo Marie-José Pérec et Teddy Riner avant de s’envoler en montgolfière, on pensait que l’émotion était à son comble. Jusqu’à ce que la magie opère réellement lors d’une ultime surprise : perchée au premier étage d’une tour Eiffel illuminée par une multitude de lasers, Céline Dion, absente de la scène depuis 4 ans, faisait son grand retour en donnant vie à L’hymne à l’amour d’Edith Piaf. Les larmes de la diva canadienne, l’ovation du public, ainsi que la beauté de ce final grandiose marqueront la mémoire des Jeux, de la chanson et des spectateurs du monde entier.
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