La France et l’Allemagne entendent établir une coopération sur les « frappes à longue portée »
Dans leur rapport intitulé « L’industrie de défense, pourvoyeuse d’autonomie stratégique en Europe ? « , les députés Jean-Louis Thiériot et Jean-Charles Larsonneur ont estimé que la France avait jusqu’ici « trop misé » sur la coopération avec l’Allemagne au cours de la dernière décennie et ont plaidé pour une diversification des partenariats avec d’autres pays européens, à commencer par la Suède et la Pologne.
Parmi les arguments qu’ils avancent, les deux parlementaires ont notamment cité l’abandon ou la suspension de trois des cinq grands programmes lancés en 2017 par le président Macron et la chancelière Merkel. «Le programme du futur avion de patrouille maritime (MAWS) a été abandonné de facto suite à l’acquisition par l’Allemagne de cinq P-8A Poseidon auprès de Boeing. Les Allemands se sont également retirés du programme de modernisation de l’hélicoptère Tigre au standard 3. Enfin, le programme d’artillerie du futur « Common Indirect Fire System » (CIFS) a été reporté à une date indéterminée », ont-ils détaillé. .
En effet, le CIFS, qui prévoit le renouvellement des capacités d’artillerie, ne se concrétisera pas avant 2045. Mais cela n’empêche en rien les industriels français et allemands de mener des travaux dans le cadre de projets financés par la Commission européenne, à savoir FIRES (Future Indirect fiRes European Solutions) et E-COLORSS (European COMmon Long Range indirect Fire Support System), le second visant à « préparer une solution européenne » pour un nouveau lance-roquettes multiple.
Cela dit, le renouvellement des capacités terrestres de frappe profonde, qui s’appuient actuellement sur le LRU (lance-roquettes unitaire) pour l’Armée et le MARS II pour le Heer, est déjà en cours, la France et l’Allemagne suivant chacune leur propre voie.
Ainsi, la Direction générale de l’armement (DGA) a indiqué qu’elle lancerait un « partenariat d’innovation » afin de développer une capacité de « frappe à longue portée » et d’acquérir « au moins 13 » systèmes avant 2030. Car Safran s’est associé à MBDA pour ce projet. tandis que Thales a fait de même avec ArianeGroup. L’enjeu est de permettre à l’armée de frapper une cible située entre 150 et 500 km.
Du côté allemand, selon des documents mentionnés en janvier par le Bundestag, on parle d’une commande de systèmes EuroPULS, proposée par un tandem formé par KNDS Germany (anciennement Krauss Maffei Wegmann) et Elbit Systems. En outre, MBDA Deutschland a développé le missile d’appui-feu conjoint (JFS-M), qui a une portée de plus de 300 km et peut être mis en réseau.
A l’issue du Conseil de défense et de sécurité franco-allemand, qui a conclu la visite d’Etat que le président Macron vient d’effectuer en Allemagne, l’Élysée a publié une déclaration commune selon laquelle Paris et Berlin ont affirmé leur volonté de « renforcer l’Europe et, plus encore », plus largement, la sécurité euro-atlantique, notamment grâce à des capacités de défense européennes solides et crédibles ».
Aussi, poursuit le texte, « la France et l’Allemagne continueront à contribuer aux discussions sur le développement de l’industrie européenne de défense, pour combler leurs lacunes stratégiques et réduire leurs dépendances technologiques et industrielles ». A ce titre, les deux pays ont annoncé qu’ils s’engageraient, « avec leurs partenaires », dans « une coopération générale et inclusive de long terme dans le domaine des frappes à longue portée », ce qui « suppose de renforcer la base industrielle et de défense européenne pour améliorer leur capacités militaires.
Pourtant, ayant l’habitude de se faire l’interprète des intentions présidentielles, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ne s’est guère montré plus précis sur cette coopération « dans le domaine des frappes à longue portée ».
C’est pourtant ce qu’a évoqué Boris Pistorius, son homologue allemand, lors d’une conférence de presse commune donnée en mars dernier au sujet du Main Ground Combat System (MGCS).
Le moteur 🇫🇷🇩🇪 est la clé de la construction de la défense 🇪🇺 : soutien à l’Ukraine, avion et char du futur, frappes en profondeur, défense aérienne…
Préparation du Conseil de défense et de sécurité franco-allemand avec mon homologue et ami Boris Pistorius, avant de rejoindre Meseberg. pic.twitter.com/J5eZPKYxgc
— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) 28 mai 2024
Il a en effet indiqué avoir reçu un mandat pour « faire avancer le développement de missiles destinés aux frappes à longue portée ». Cependant, interrogé par le site spécialisé Hartpunkt pour plus de détails, le ministère allemand de la Défense a refusé de faire le moindre commentaire.
Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont également rappelé « le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire dans la sécurité de l’Europe et de l’OTAN ainsi que le rôle dissuasif des forces nucléaires stratégiques indépendantes françaises et leur contribution importante à la sécurité de l’Alliance »… Enfin, il y a aussi une question de « l’intégration de la brigade franco-allemande dans les plans de l’OTAN ».