La France a-t-elle donné 28 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine ?

Plusieurs internautes affirment que la France a dépensé 28 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine depuis le début de la guerre. Mais ce montant est surestimé.

Le ministre démissionnaire de l’Economie, Bruno Le Maire, a alerté les parlementaires, lundi 2 septembre, sur un possible dérapage des finances publiques. Depuis, chacun donne son analyse. Le ministre pointe du doigt les dépenses des collectivités locales, l’Association des maires de France dénonce une « manœuvre »Le député insoumis Éric Coquerel dénonce la baisse des recettes publiques.

Et sur les réseaux sociaux, les internautes ont trouvé d’autres coupables : l’aide versée à l’Ukraine depuis le début de la guerre en février 2022. « Le gouvernement Macron a engagé 28 milliards de dollars pour l’Ukraine. Nous sommes sur la tête »se lamente l’un des X. « Tout le monde pleure le déficit public de la France. Expliquez-moi alors pourquoi Macron a donné 28 milliards d’euros à l’Ukraine l’année dernière. »demande un autre. Mais ces chiffres sont-ils vrais ?

Les internautes se réfèrent tous au même tableau qui prétend estimer fidèlement les montants d’aide versés par la France à l’Ukraine, soit directement, soit via l’aide européenne, et qui était déjà partagé sur les réseaux sociaux en juillet. Selon celui-ci, au 29 février 2024, soit deux ans après le début de la guerre, la France s’était engagée à verser 28 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine, répartis en 11,51 milliards d’euros d’aide directe, dont 6,80 milliards d’aide militaire, et 16,47 milliards d’euros d’aide européenne.

Le tableau cite comme source l’Institut de Kiel, un institut de recherche économique allemand indépendant, qui est une source tout à fait fiable. Mais, en consultant les données collectées par l’Institut de Kiel auprès des gouvernements et des institutions européennes et mises à jour en juin dernier, le Vrai ou Faux de franceinfo a trouvé des chiffres bien inférieurs.

En réalité, la France a jusqu’à présent dépensé environ 15,7 milliards d’euros d’aide directe ou indirecte à l’Ukraine ou aux Ukrainiens en deux ans et demi. Au total, elle a engagé 26,04 milliards d’euros.

Dans le détail, selon l’Institut de Kiel, la France a versé 4,43 milliards d’euros d’aide bilatérale, promise directement par Paris à Kiev. Il s’agit principalement d’une aide militaire (3,04 milliards d’euros) représentant le montant total des lance-roquettes, de l’artillerie et des véhicules blindés envoyés pour aider les soldats ukrainiens. Le reste est constitué, d’une part, d’aide humanitaire (600 millions d’euros) et d’aide financière (800 millions d’euros), dont la quasi-totalité est un prêt et non un don.

L’institut allemand ajoute à son décompte une estimation du coût de l’accueil des réfugiés ukrainiens sur le territoire français. Estimation basée sur les calculs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Selon ces modélisations, la France aurait dépensé 3,7 milliards d’euros au profit des réfugiés ukrainiens. Ce qui porte le total à 8,12 milliards d’euros d’aides dites directes à l’Ukraine ou aux Ukrainiens.

A cela s’ajoute la part de l’aide de l’Union européenne et de la Banque européenne d’investissement financée par la France, instrument extrabudgétaire européen qui permet, entre autres, l’achat d’armes pour l’Ukraine. Elle s’élève à 7,56 milliards d’euros selon l’Institut Kiel. Au total, la France a donc dépensé 15,68 milliards d’euros pour l’Ukraine et les réfugiés ukrainiens, directement ou indirectement, en deux ans et demi, ce qui est bien inférieur aux 28 milliards d’euros cités par les internautes.

En revanche, si l’on additionne les dépenses françaises promises pour l’Ukraine aux dépenses d’aide aux réfugiés, on obtient un total de 26,04 milliards d’euros, dont 7,04 milliards d’euros d’aide directe et 15,31 milliards d’euros de part d’aide européenne. Le financement de la Facilité européenne pour la paix (EFF), un instrument extrabudgétaire européen qui permet, entre autres, l’achat d’armes létales pour l’Ukraine, fait partie de ces calculs.