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la France à la traine face à ses voisins européens

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Le stockage d’électricité s’impose aujourd’hui comme une solution incontournable pour réussir la transition énergétique et climatique, car il permet de pallier l’intermittence des énergies renouvelables, telles que l’éolien et le photovoltaïque. Alors que de nombreux pays européens accélèrent leur développement dans ce domaine, la France affiche un retard préoccupant vis-à-vis de ses voisins.

La France très en retard face au Royaume-Uni et à l’Allemagne

En pleine accélération de la transition énergétique européenne, la France affiche un retard inquiétant en matière de stockage d’énergie par rapport à certains pays voisins. Les dernières données publiées par la Commission Européenne révèlent à ce sujet d’importantes disparités entre les États membres.

Ainsi, avec une capacité opérationnelle déjà établie à 8,45 GW, le Royaume-Uni dépasse largement les capacités actuelles et futures envisagées par la France. De plus, le Royaume-Uni prévoit d’ajouter prochainement 33,46 GW supplémentaires de stockage, consolidant ainsi nettement sa position de leader européen. À terme, le pays devrait à lui seul représenter près du tiers de la capacité totale de stockage à l’échelle européenne.

Quant à l’Allemagne, elle dispose actuellement de 8,08 GW en capacité de stockage et prévoit d’y ajouter 4,67 GW supplémentaires. L’Italie et l’Espagne suivent derrière, avec des capacités légèrement inférieures. La France, quant à elle, se situe bien loin du peloton de tête : elle dispose actuellement de seulement 4,98 GW et prévoit, pour les années à venir, un ajout très limité de seulement 0,72 GW.

Capacités de stockage d’énergie en Europe
Pays Capacités de stockage installés Capacités de stockage attendues Capacités de stockage inactives Capacités de stockage totales à terme
Royaume-Uni 8,45 GW 33,46 GW 1,67 GW 40,24 GW
Allemagne 8,08 GW 4,67 GW 0,39 GW 12,35 GW
Italie 8,08 GW 3,19 GW 0 GW 11,27 GW
Espagne 7,42 GW 3,52 GW 0,08 GW 10,86 GW
France 5,98 GW 0,72 GW 0,08 GW 6,62 GW

Chiffres de mars 2025, Commission européenne. Les capacités prévues correspondent à la somme des projets actuellement en construction ainsi que des projets annoncés et approuvés. Les capacités totales correspondent aux capacités existantes auxquelles on ajoute les projets en construction, tout en soustrayant les projets devenus inactifs.

Pourquoi le stockage d’électricité est-il à la traîne en France ?

Le retard accumulé par la France dans le secteur du stockage électrique s’explique principalement par son héritage énergétique marqué par le nucléaire et l’hydroélectricité, développé au cours des années 1960 et 1970. Aujourd’hui encore, le mix énergétique français demeure largement dominé par l’atome. Ce choix stratégique avait permis d’assurer une production d’électricité stable et prévisible, mais il a également freiné ces dernières années l’émergence d’une véritable stratégie nationale visant à gérer l’intermittence des énergies renouvelables.

La faible pénétration des énergies renouvelables par rapport à celle de nos voisins européens, ainsi que la présence dominante d’une production nucléaire stable et facilement pilotable, limitent pour l’instant les besoins en solutions innovantes de stockage.

Il y a très peu de besoins en batteries sur le réseau car on dispose d’un back-up de production électrique nucléaire ou au gaz.

Sébastien Clerc,directeur général de Voltalia

Il en résulte donc une moindre urgence perçue sur le territoire national, à laquelle s’ajoute un cadre réglementaire et économique peu incitatif, décourageant ainsi les investissements dans le secteur.

Le rôle des interconnexions

La France bénéficie d’un réseau d’interconnexions particulièrement développé, qui lui permet d’exporter ses surplus d’électricité ou d’importer de l’énergie en cas de besoin. Ces échanges importants avec des marchés voisins tels que l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne apportent une flexibilité supplémentaire au système électrique français, diminuant ainsi l’urgence d’investir massivement dans des solutions nationales de stockage.

Grâce à ces interconnexions, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) peut en effet compenser efficacement les fluctuations de la production d’énergie renouvelable. Lorsqu’un excédent de production apparaît, la France peut ainsi l’écouler sur le réseau européen. À l’inverse, lors des pics de demande, elle peut importer de l’énergie depuis les pays disposant de surplus de production.

Toutefois, bien qu’elles participent à l’équilibrage global entre production et consommation d’électricité, ces interconnexions ne peuvent répondre à toutes les fluctuations, notamment celles très soudaines survenant en quelques secondes ou minutes (comme lors de pics brusques de consommation). En effet, dans ce type de situation, les interconnexions ne disposent pas d’une réactivité suffisante pour assurer instantanément la stabilité du réseau.

Pourquoi la France doit-elle développer ses capacités de stockage d’électricité ?

Afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la France doit accélérer le développement des sources d’énergie bas-carbone telles que les renouvelables et le nucléaire. Cependant, la nature intermittente des énergies éolienne et solaire impose de renforcer les capacités de stockage pour optimiser la gestion et le pilotage du système électrique. En l’absence de solutions de stockage adéquates, les excédents de production ne peuvent être conservés pour faire face efficacement aux pics ultérieurs de consommation.

Le stockage est ainsi indispensable pour garantir un équilibre permanent entre production et consommation, évitant ainsi le recours à des solutions d’urgence, souvent plus coûteuses et davantage polluantes.

Or, en matière de stockage, la France affiche actuellement un retard significatif par rapport à certains voisins européens. Alors que des pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne disposent déjà de capacités opérationnelles robustes, la France peine à adopter une véritable stratégie claire permettant de gérer efficacement l’intermittence des énergies renouvelables. 

Ce manque de vision stratégique risque de contraindre le pays à s’appuyer exclusivement sur le nucléaire pour sa décarbonation. Or, cette option présente elle-même d’importants défis, notamment en matière de coûts élevés, de délais prolongés (comme l’ont illustré les problèmes rencontrés par le chantier de l’EPR de Flamanville), et de dépendance à des approvisionnements internationaux.

STEP de Nant de Drance

Dans une tribune publiée par Les Échos, Denis Payre, entrepreneur spécialisé dans le développement de STEP (stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage) en France et aux États-Unis, et président de Nature and People First, indique que la France ne dispose toujours pas d’une vision claire concernant la gestion de l’intermittence des énergies renouvelables. Il souligne en particulier que le stockage d’énergie, notamment via les STEP exploitant les dénivelés naturels, constitue une solution incontournable mais encore largement sous-développée dans l’Hexagone.

Selon Denis Payre, les STEP (Stations de Transfert d’Énergie par Pompage-turbinage) présentent plusieurs avantages majeurs :

  • Elles offrent un bilan carbone deux fois meilleur que celui des batteries, constituant ainsi une solution plus respectueuse de l’environnement.
  • Elles ne génèrent pas de déchets toxiques ni de risques liés à l’inflammabilité, contrairement aux systèmes de stockage par batteries.
  • En exploitant le potentiel offert par les dénivelés naturels, il serait possible de déployer rapidement une filière de micro-STEP. De tels projets, viables dès une capacité de 10 MW et déjà mis en œuvre dans les DOM, pourraient également se multiplier en métropole.

Avec un potentiel estimé à environ 900 micro-STEP de 10 MW, soit jusqu’à 9 GW supplémentaires de capacité de stockage, la France pourrait nettement renforcer la flexibilité de son réseau électrique, aujourd’hui assuré par seulement 5 GW de STEP en service. Ce déploiement représenterait également une opportunité pour créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois industriels au cœur des vallées de montagne françaises au cours des deux prochaines décennies.

D’autre part, ne pas se concentrer uniquement sur le stockage par batteries permettrait d’éviter une trop forte dépendance envers les pays producteurs de matériaux rares, notamment la Chine, qui détient actuellement environ 80 % de la production mondiale de ces ressources stratégiques.

État des lieux du stockage d’électricité en France

De façon générale, il existe deux grandes catégories de stockage d’énergie :

  1. Le stockage embarqué, utilisé principalement dans les véhicules électriques et d’autres applications mobiles.
  2. Le stockage stationnaire, composé d’installations fixes destinées à soutenir le réseau électrique.

En France, le stockage stationnaire repose majoritairement sur les stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage (STEP), une technologie développée depuis les années 1970. Ce système consiste à utiliser deux bassins situés à des altitudes différentes afin de stocker de l’énergie sous forme d’eau pompée, disponible pour produire de l’électricité à la demande. Aujourd’hui, la capacité totale des STEP en France s’élève à environ 5 GW.

Parallèlement, le stockage stationnaire par batterie connaît une croissance notable. Ainsi, les capacités raccordées au réseau de distribution ont été multipliées par 11 en seulement quatre ans : de quelques mégawatts en 2020, elles atteignent désormais 529 MW (0,5 GW) à la fin du troisième trimestre 2024. 

Ces batteries servent principalement au gestionnaire du réseau (RTE) comme solution à court terme pour absorber les pics de consommation sur des durées limitées (quelques heures). Toutefois, elles n’offrent pas pour l’instant une capacité de stockage de longue durée, contrairement aux STEP, capables de répondre à des besoins pouvant atteindre jusqu’à une semaine de production.

Le stockage par batteries permet en pratique de conserver les excédents d’électricité lorsque les prix de marché sont bas, puis de réinjecter cette électricité lors des périodes où la demande augmente, comme les soirées ou lors des baisses temporaires de production renouvelable. 

De plus, les avancées technologiques issues notamment du secteur automobile contribuent à dynamiser la recherche, entraînant progressivement une amélioration des performances et une réduction des coûts des batteries stationnaires.

Dans ce contexte prometteur, plusieurs acteurs prennent déjà les devants. Ainsi, l’installation de stockage par batteries d’Amarenco à Saucats (en Gironde), qui affiche une puissance de 105 MW, illustre parfaitement l’essor actuel de tels projets en France. De plus en plus d’entreprises s’engagent dans le développement de ces solutions afin de répondre à une demande destinée à augmenter fortement dans les années à venir, notamment sous l’effet de la progression rapide des énergies renouvelables.

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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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