Nouvelles locales

La fourmi, premier chirurgien non humain

Une fourmi charpentière de Floride ampute une autre fourmi qui s'est blessée au fémur.

LLa pandémie de Covid-19 a tué plus de vingt millions de personnes dans le monde et perturbé l’économie mondiale. Mais pour le chercheur Erik Frank, le virus a eu une conséquence inattendue. Spécialiste du comportement sanitaire des fourmis, le jeune chercheur allemand, alors postdoctorant à l’Université de Lausanne (Suisse), ne pouvait plus se rendre en Côte d’Ivoire pour étudier son espèce préférée, la fourmi matabélé, célèbre pour ses raids sur les colonies de termites. « J’ai été obligé de m’adapter et de changer mes questions pour pouvoir travailler sur les fourmis dont nous disposions au laboratoire de Lausanne. » Un changement de pied aux résultats spectaculaires. Dans la revue Biologie actuelle Le 2 juillet, le biologiste de l’Université de Würzburg (Allemagne) et ses collègues ont annoncé « le premier cas d’amputation médicale dans le règne animal ».

La fourmi charpentière de Floride est donc la première à avoir obtenu ce diplôme de chirurgie non humaine. Un insecte assez ordinaire, a priori. Ni très gros (1,5 centimètre) ni très coloré (brun), généraliste dans son régime alimentaire et pas particulièrement agressif. Celle-ci présente cependant une particularité : l’absence de glande métapleurale, l’organe qui, chez la plupart des espèces de fourmis, permet la production de composés antimicrobiens. « Alors, comment soigne-t-elle les blessures ? »

Pour répondre à cette nouvelle question, Erik Frank a demandé à son élève Dany Buffat d’observer le comportement de ces fourmis avec leurs homologues blessées, « sans aucune attente particulière »il jure. « Quand il m’a dit qu’ils allaient amputer des jambes abîmées, je ne l’ai pas cru au début.il admet. Il m’a montré les vidéos. C’était indéniable ! Et la façon dont les amputés semblaient coopérer, vraiment impressionnante. »

Nouvelles questions

Les chercheurs ont d’abord voulu savoir si l’emplacement de la blessure avait de l’importance. Ils ont donc blessé les fourmis elles-mêmes, certaines au fémur, d’autres au tibia, et les ont réintégrées dans leur colonie. Dans les deux cas, les congénères ont commencé par nettoyer la plaie avec leur salive. Mais ils ont ensuite amputé 76 % de la première en trois heures, sciant consciencieusement l’articulation trochantérienne à la base de la patte. Rien de tel pour la seconde, juste un nettoyage renforcé.

Pourquoi une telle différence ? Les scientifiques ont comparé des fourmis blessées soumises à un agent infectieux, selon qu’elles étaient amputées ou non. Lorsque la plaie était située sur le fémur, 60 % des fourmis non traitées mouraient. Celles amputées par les chercheurs ou par leurs pairs, en revanche, survivaient à plus de 90 %, tout comme le groupe témoin de fourmis blessées mais non infectées. Rien de semblable avec les plaies du tibia : cette fois, ce sont les individus isolés après infection ou amputés au bout d’une heure qui mouraient en masse. A l’inverse, les fourmis infectées traitées dans la colonie (sans amputation, donc) survivaient pour l’essentiel, comme les fourmis non infectées.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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