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la forte participation annoncée implique-t-elle la multiplication des triangulaires au second tour ? – Libération

Élections législatives 2024cas

Dans ce type de scrutin, tout candidat ayant recueilli les voix d’au moins 12,5 % des inscrits (et non les voix) est qualifié pour un second tour. Si la forte participation annoncée augmente donc, sur le papier, la probabilité de situations triangulaires n’est pas le seul paramètre à prendre en compte.

Dans le cadre d’une élection législative en France, sauf si un candidat est élu au premier tour (par plus de 50 % des suffrages exprimés, et un minimum de 25 % enregistrés), un second tour est organisé. Les deux candidats en tête ne sont pas les seuls à pouvoir tenir tête puisque – comme pour les élections cantonales – le second tour est ouvert à tout autre candidat bénéficiant de la voix d’au moins un huitième des inscrits (12,5%). Une situation qui contraste avec les élections municipales et régionales, pour lesquelles le seuil de maintien du second tour se réfère aux suffrages exprimés (c’est-à-dire les votes, et non les inscriptions sur les listes).

La théorie

Cette règle a une conséquence simple : plus le taux de participation à une élection législative est élevé – autrement dit, plus il y a d’électeurs inscrits –, plus grande est la possibilité de voir des candidats atteindre 12,5 % des votants.

Prenons l’exemple fictif d’une circonscription avec un taux de participation de 50 %. Si le RN atteint 35%, le Nouveau Front populaire (NFP) 25% et le candidat de la majorité présidentielle 20%, seuls le RN et le NFP seront au second tour, puisque le troisième parti n’a obtenu que 10 % des voix. des inscrits. Avec une participation de 65% (un taux qui pourrait être atteint lors du prochain scrutin, selon les projections des instituts) et les mêmes scores, on arrive à une triangulaire, puisque le troisième candidat enregistre, ici, les voix de 13% des les inscrits (équivalent à 20% des voix des 65% enregistrés).

La pratique

Voilà pour la théorie. Cependant, dans la pratique, une forte participation à une élection peut très bien refléter un plébiscite pour un ou deux candidats, laissant le reste des prétendants dans l’embarras. En effet, pour les élections législatives des quarante dernières années, on observe une faible corrélation entre participation et nombre de triangulaires.

Ainsi, en 1993, on compte 15 triangulaires pour 68,9 % de participation contre 105 situations triangulaires à l’issue du premier tour en 1997 (79 après les retraits républicains), pour une participation quasiment identique (67,9 %). Cet écart s’explique par la première percée du Front national en 1997, jusqu’alors confiné aux alentours ou en dessous de 10 %.

En 2007, avec 60,4% des participants, on comptait 12 situations triangulaires (une seule suite à des désistements) alors que cinq ans plus tard, avec un taux de participation inférieur de 3 points, des situations où trois candidats étaient en lice à l’issue du premier tour s’élevait à 46 (36 après retraits). Explication : en 2007, la captation des voix de droite par les listes sarkozystes avait marginalisé les listes lépénistes.

Des triangulaires quand il y a l’extrême droite

En bref : si une participation forte est une condition nécessaire à la multiplication des situations triangulaires, elle n’est pas une condition suffisante. Et c’est bien la popularité de trois courants politiques concurrents, et l’engagement des partisans de ces courants à se rendre aux urnes, qui sont alors déterminants.

En France, c’est surtout lorsque l’extrême droite gagne un peu (ou beaucoup) plus de poids dans l’opinion publique – comme c’est le cas en 2024 – que des situations triangulaires émergent.

Nul doute que l’on retrouvera le RN dans un très grand nombre de circonscriptions pour le second tour. Reste à savoir si la logique de retrait « républicain » au profit du candidat le mieux placé sera poussée pour limiter le nombre de députés d’extrême droite. Au vu du discours tenu dans le camp présidentiel ou chez LR, désignant le Nouveau Front populaire comme « extrême » au même titre (voire pire) que le RN, on peut en douter.

Cammile Bussière

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