La fonte de la banquise antarctique décime les poussins des manchots empereurs
La fonte de plus en plus prononcée de la banquise de l’Antarctique décime les poussins de manchots empereurs. C’est la conclusion implacable d’une étude publiée jeudi dans la revue Science de l’Antarctique ce qui, une fois de plus, tire la sonnette d’alarme. Fruit de six années de travail novateur du cartographe Peter T. Fretwell et de son équipe du British Antarctic Survey, cette recherche établit un lien direct entre le retrait de la banquise antarctique et la mort de la quasi-totalité des jeunes manchots empereurs des colonies concernées.
En effet, si les manchots adultes possèdent un plumage imperméable leur permettant de vivre dans des eaux approchant zéro degré, ce n’est pas le cas de leurs poussins. Avant l’âge de six ou sept mois, ils n’entrent normalement pas en contact avec l’eau. Leur duvet est insuffisant pour résister à de telles températures. Mais l’absence de glace ne leur permet pas de rester en surface et les condamne à une mort certaine.
Une publication des mêmes auteurs avait déjà documenté ce phénomène massif en août 2023. Au cours de l’année précédente, 19 colonies sur les 66 existant sur le continent avaient été touchées – une colonie pouvant compter jusqu’à plusieurs milliers d’individus.
Perturbations El Niño et La Niña
Selon le cartographe Peter T. Fretwell, le déclin des populations d’oiseaux dont les portées sont régulièrement détruites pourrait conduire à l’extinction de cette espèce emblématique de l’Antarctique d’ici soixante-quinze ans. Et ça, « dans un scénario où nous continuerons à produire des énergies fossiles au même niveau qu’aujourd’hui »précise le scientifique britannique, qui s’appuie sur les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
La glace des côtes antarctiques sur lesquelles grandissent les poussins, avant la saison dite du « nourrissage » de l’été austral, entre mi-décembre et mi-janvier, fond plus vite que celle du reste du continent. Déjà en 2022, puis de nouveau en 2023, la superficie estivale de l’Antarctique est tombée sous le seuil sans précédent des 2 millions de km2un record enregistré à partir de données satellite accumulées depuis 1979. « Le satellite Sentinel nous permet d’observer l’évolution de l’écosystème à grande échelle, résume Peter T. Fretwell. Et les manchots empereurs représentent la fragilité de tout ce système. »
Les variations de températures et la formation de glace de mer d’une année sur l’autre sont également dues à des perturbations océano-atmosphériques comme les phénomènes El Niño et La Niña. À mesure que le climat se réchauffe, ces cycles s’allongent et s’intensifient – et l’Antarctique ne fait pas exception. « En 2021, 2022 et 2023, nous avons eu trois années de La Niñarapporte Peter T. Fretwell. C’est la première fois que le phénomène dure sur une aussi longue période. La banquise semble avoir été sous pression pendant trois années consécutives, l’année 2022 étant particulièrement mauvaise. En 2023, nous sommes passés à El Niño. Et ce n’est pas aussi grave en ce moment. » Ces cycles restant imprévisibles, il est difficile pour les scientifiques d’anticiper leurs effets à moyen et long terme.
Il vous reste 28,58% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.