Ce très beau premier long métrage raconte les retrouvailles des parents séparés de Cécile, une étudiante en cinéma, grâce à son film d’école. Piochant dans sa propre histoire, Agnès de Sacy décrit avec tendresse et finesse les rouages secrets de la famille.
Publié le 7 janvier 2025
Publié le 7 janvier 2025
Une étonnante surprise que ni l’affiche, ni le synopsis de la Fille d’un grand amour ne laissent présager. On s’attend à découvrir une comédie romantique légère, avec ses petits rebondissements et sa résolution en happy end. C’est mal connaître la précision narrative d’Agnès de Sacy. Elle a travaillé en tant que scénariste sur plusieurs dizaines de films et collabore régulièrement avec Valeria Bruni Tedeschi.
L’année dernière sortait Sous le vent des Marquises, qu’elle a écrit, avec François Damiens dans le rôle principal. Cette fois-ci réalisatrice, elle a convié le Belge à partager l’écran avec Isabelle Carré pour son premier long métrage. L’histoire de deux ex qu’un film étudiant de leur fille va réunir dans un coin sublime de la Catalogne.
Comme d’autres cinéastes français, Agnès de Sacy se place dans un désir revendiqué de décentralisation du regard vers les régions, en tournant ici dans le département de son enfance. Et filme Paris au strict minimum. Les premières minutes se situent certes dans la capitale, mais la metteuse en scène choisit d’enfermer les personnages dans un cadrage serré. Ces images urbaines cèdent vite la place à des espaces plus ouverts et plus naturels. L’échelle des plans devient soudainement plus grande, avec des protagonistes se promenant dans les vignes catalanes ou marchant dans une maison bourgeoise, épicentre de ce récit de retrouvailles. Tout ceci sans rien enlever à l’intimité des dialogues et la justesse des interprétations.
Fantastiques comédiens
Le jeu tout en délicatesse, voire en précaution, des comédiens donne toute son émotion au film. Avec la radieuse Isabelle Carré d’un côté, à la fois libre de ses mouvements et contrariée par les non-dits de son ancien époux. Quant à François Damiens, il opère un glissement vers le registre dramatique depuis quelques projets et efface petit à petit ses mimiques comiques, ses tortillements du visage.
Plus mesuré dans ses gestes et plus subtil dans ses expressions, l’acteur se révèle d’une habileté admirable, livrant une lecture très intelligente de son personnage. Soit un homme coincé dans son boulot, homosexuel, père sensible à la musique classique, à la littérature et à la culture, quitte à ce que celle-ci l’enferme loin du monde et des siens.
À l’instar des interprètes, Agnès de Sacy agit avec pudeur dans sa mise en scène quasi naturaliste. Après une séquence de mise en abîme de l’image cinématographique, un brin écrasante, elle se tourne vers des effets plus simples de champs et de contrechamps, efficaces dans cet ensemble très dialogué. Cette retenue n’a rien de surprenant quand on sait que cette histoire est la sienne.
Mais ce n’est pas parce que le sujet est profondément intime que la portée de ce long métrage n’est pas plus large. De même que Yasujirō Ozu, et ce n’est pas peu dire, la réalisatrice s’évertue à décortiquer les liens qui unissent un couple. Et la tournure des événements de suggérer que les petits secrets en famille tiennent d’un plus grand amour.
La Fille d’un grand amour, d’Agnès de Sacy, France, 1 h 34, sortie en salles le 8 janvier 2025.
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