Bourse Entreprise

La fièvre blanche de l’hydrogène arrive en France, futur eldorado ou écran de fumée ?

De quoi susciter passions et promesses folles et donner le coup d’envoi d’une multitude d’annonces ambitieuses et de levées de fonds conséquentes. En France, Emmanuel Macron lui-même a annoncé en décembre, à l’occasion des deux ans de France 2030, « un financement massif pour explorer le potentiel de l’hydrogène blanc », sans apporter plus de précisions.

Un engouement mondial

Partout dans le monde, les start-up se positionnent. Citons HyTerra et Koloma (qui est notamment financé par Bill Gates) aux Etats-Unis, Gold Hydrogen en Australie, Helios Aragon en Espagne. La France, qui choisit, en 2022, d’intégrer l’hydrogène dans son code minier, fait partie du groupe de tête. « Le sujet a été médiatisé en 2023, mais il y a aussi une réalité industrielle : il y a six demandes de permis d’exploration en France, dont une a été validée en fin d’année »», chiffre Nicolas Gonthier, qui pilote le programme EarthH2 au sein du pôle de compétitivité Avenia industries souterraines.

Souvent jeunes, la plupart des entreprises du secteur, comme TBH2 Aquitaine, 45-8 Energy (qui recherche des gisements d’hydrogène et d’hélium), CVA et Storengy, filiale d’Engie, s’intéressent au potentiel du Béarn, marqué par la présence de roches du manteau à faible profondeur. D’autres cherchent ailleurs, comme Sudmine en Auvergne-Rhône-Alpes, qui espère également y trouver du lithium, et le laboratoire Georessources (CNRS-Université de Lorraine) dans le Grand Est, qui travaille avec la Française de l’énergie.

Cet engouement s’explique : l’hydrogène naturel est sans carbone et ne nécessite aucun métal critique, ni eau ni énergie pendant la phase d’extraction. Des avantages non négligeables par rapport à l’hydrogène gris, issu du vaporeformage du méthane, ou à l’hydrogène vert, obtenu par électrolyse de l’eau, décarboné mais énergivore. L’hydrogène blanc coûtera moins d’un dollar le kilo, promettent ses partisans.


« L’écosystème est agité et a changé d’échelle depuis l’été dernier », témoigne Yannick Peysson, responsable du programme R&D à IFP Énergies nouvelles. Selon lui, les grandes entreprises se mettent en veille active et le potentiel des mécanismes de production d’hydrogène s’affine. On pense notamment à l’oxydation des roches riches en fer au contact de l’eau, à la maturation tardive de la matière organique et à la décomposition de l’eau sous l’effet du rayonnement naturel. « Il faut aussi prendre en compte la migration de l’hydrogène dans le sol et sa consommation, soit par réaction géochimique avec les roches, soit sous l’effet de micro-organismes », souligne l’expert, selon qui les possibilités réelles de cette source d’énergie sont mal connues. Il nous invite donc à nous méfier des « affirmations excessives ».


Des chiffres qui restent à confirmer


« L’exploration est importante, compte tenu des avantages que l’on peut trouver dans l’hydrogène naturel, mais soyons prudents face au battage médiatique et aux chiffres diffusés sans précaution », temporise également Nicolas Gonthier. Par exemple, le gisement identifié dans le Grand Est dans le cadre d’un projet du laboratoire Georessources, qui recherchait du gaz de houille, a parfois été présenté comme le plus important au monde car il pourrait contenir près de 46 millions de tonnes d’hydrogène, dans certains des lieux très purs. Une déclaration un peu rapide. « Il y a effectivement de l’hydrogène dissous dans l’eau avec un pourcentage intéressant en Lorraine. Il s’agit d’un excellent indice, mais les chiffres présentés ne sont qu’une estimation. Ils ne peuvent pas être certifiés réserves. »fait valoir Isabelle Moretti, une ancienne d’Engie, experte mondiale en la matière, qui exhorte « prendre des permis et forer ».

Ce travail est en cours. Pour quel résultat ? Les pionniers soulignent à plusieurs reprises que Rockefeller est devenu un magnat du pétrole bien avant que l’intérêt pour l’or noir ne soit compris. Mais il leur faut encore améliorer leur connaissance des gisements, trouver les bonnes méthodes pour extraire et purifier l’hydrogène et se pencher sur les risques de fuites (qui peuvent accentuer le réchauffement climatique).

Cette recherche prendra du temps. Les premiers forages majeurs en France mettront deux à trois ans à être réalisés. Il faudra ensuite des pilotes avant la phase de production industrielle, qui n’arrivera pas « avant 2035-2040 » en France, selon Yannick Peysson. L’hydrogène naturel pourrait alors constituer un allié bienvenu pour décarboner certains territoires.


Hydroma, pionnier au Mali

Dans le petit monde de l’hydrogène naturel, tout le monde connaît Bourakébougou. C’est du sol de ce petit village malien, au nord de Bamako, que la société canadienne Hydroma extrait depuis 2012 de petites quantités d’hydrogène naturel. Non commercial, le projet a prouvé au monde que la ressource existe et peut être exploitée. . . « Nous avons montré que les pressions et les débits sont là, y compris sur des puits peu profonds qui captent l’hydrogène à 110 mètres et le restituent à 4 bars »» fait l’éloge d’Aliou Diallo, le fondateur et président d’Hydroma.

L’entreprise a commencé par rouvrir un puits d’eau creusé en 1987 mais fermé… en raison de sa propension à prendre feu. Elle a déjà creusé une trentaine de puits. Ses résultats surprennent les experts. Via un puits actif, elle convertit la petite molécule en électricité, d’abord grâce à un générateur à combustion directe de 30 kW, puis, depuis 2022, grâce à l’installation d’une pile à combustible de 5 kW. Celui-ci ne permet d’alimenter que l’éclairage public du village et quelques appareils électroniques, mais présente un potentiel. La suite, compliquée par le contexte sécuritaire au Mali, pourrait s’écrire dans d’autres pays comme le Sénégal et les Etats-Unis, où Hydroma possède déjà des filiales.


Couverture 3729Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3729 – avril 2024
Lire le résumé

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
Bouton retour en haut de la page