La Fédération nationale des transporteurs routiers « préoccupée par d’éventuelles mesures de répression fiscale »

A peine nommé, le nouveau Premier ministre Michel Barnier est le destinataire de lettres ouvertes de plusieurs secteurs, à commencer par celui des transporteurs routiers. Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), est l’invitée économique de franceinfo.

franceinfo : Vous représentez les patrons du secteur et ce qui vous inquiète c’est une éventuelle augmentation des taxes sur les carburants pour le transport routier l’année prochaine ?

Florence Berthelot : En réalité, le vide politique que nous connaissons déjà depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, a retardé un certain nombre de sujets, mais en premier lieu, la loi de finances. C’est vraiment ce qui va structurer le monde économique, notre secteur et tous les autres. Quand on a des signaux d’alerte sur les finances publiques, comme ils ont été donnés, notamment au Sénat, on s’inquiète un peu d’un éventuel durcissement de la fiscalité. Et on sait que, notamment sur le carburant qui est un taux réduit de TICPE, il pourrait y avoir une baisse.

Alors vous êtes inquiet et vous préférez prendre les devants et écrire au nouveau Premier ministre ?

Absolument et d’une certaine manière, par rapport à ce que nous faisons habituellement, nous sommes même en retard puisque les lois de finances sont déjà en cours d’élaboration en juillet. Or, nous savons que tout a pris un peu de retard. Nous avons donc souhaité nous positionner très rapidement vis-à-vis bien sûr d’un gouvernement qui n’est pas encore formé, mais aussi des parlementaires qui devront discuter de la loi de finances.

Cet avion dont vous parlez, vous y avez échappé l’année dernière. Ce ne sera pas possible une deuxième fois, ni une troisième fois ? Vous bénéficiez d’un remboursement partiel de la TICPE, sauf qu’à terme, le prix du carburant doit être aligné pour tout le monde d’ici 2030.

Exactement, la loi climat dit qu’il faut aligner progressivement le prix du diesel, sauf qu’en réalité, à chaque fois qu’on a commencé à aborder le sujet, on s’est rendu compte que le coût pour le transport routier était très élevé.

« Un centime de TICPE en plus, c’est 100 millions d’euros. C’est donc très lourd pour ce secteur. »

Florence Berthelot

à franceinfo

Et puis, à partir de 2027, il y aura enfin l’entrée en vigueur du marché européen du carbone appelé ETS, qui va se traduire par une augmentation du prix du carburant, et cette fois, pour tout le monde, mais aussi pour nous.

Ce que vous préconisez, c’est qu’on attende 2027 ?

En réalité, ce que nous demandons, c’est l’articulation entre l’ETS et la TICPE pour qu’il y ait une cohérence puisqu’en réalité, l’objectif est le même, celui de la lutte contre le changement climatique et qu’on ne finance plus les énergies fossiles. Mais l’idée est aussi de permettre le financement de la transition énergétique. Or, ce n’est pas en surtaxant qu’on encouragera les investissements.

Il ne s’agit pas de surtaxer, il s’agit dans ce cas de ramener à une fiscalité juste. Comme vous le savez, les équipes de Bercy ont laissé un projet de budget à leurs successeurs, Michel Barnier, évidemment, peut l’amender. Lundi 9 septembre, les ministres démissionnaires de Bercy, et Bruno Le Maire, notamment, défendront ce budget 2025 devant la commission des Finances de l’Assemblée. Rien ne laisse penser qu’il y aura des hausses d’impôts, c’est ce qu’affirment les équipes d’Emmanuel Macron.

Il faut encore vérifier sur les faits car nous sommes toujours, comme nous l’avons dit, très préoccupés par les alertes sur les finances publiques et nous serons très attentifs à cela sachant que le gouvernement n’est pas encore formé. Quand aurons-nous un ministre des Transports ? C’est aussi avec cet interlocuteur que nous pourrons amener un certain nombre de dossiers. Les équipes administratives le savent, nous continuons à travailler avec elles.

« Ce mécanisme européen et la TICPE doivent être coordonnés pour éviter une inflation massive qui est absolument insupportable pour le secteur. »

Florence Berthelot

à franceinfo

Cette taxe vise à vous inciter à vous lancer dans cette transformation énergétique. Pourtant, il y a moins de 1% de camions électriques en circulation alors qu’il existe une aide de 150 millions pour 2024.

Mais c’est très peu en réalité. Aujourd’hui, un camion diesel coûte 100 000 €. Un camion électrique coûte au moins 350 000 €, soit trois fois et demie plus cher, auquel s’ajoutent le coût de l’énergie et des bornes de recharge.

Donc ce que vous dites c’est que si on n’a pas cette fiscalité alignée, si on la repousse à 2027, quand on aura aussi une réglementation européenne, nous, les patrons du transport routier, sommes prêts à faire les investissements nécessaires à condition que l’Etat nous aide aussi.

Nous avons déjà commencé et heureusement cette année il y a eu la possibilité d’un appel à projets de 130 millions pour aider à financer ces véhicules. Mais en réalité, maintenant, il va falloir jouer sur les très petites entreprises pour lesquelles changer de camion nécessite des aides massives et aussi une augmentation du prix du transport. Ce sera inévitable.

Ce que vous souhaitez donc, c’est que ces enveloppes d’aide soient maintenues, ou qu’elles soient augmentées dans le prochain budget. Est-ce que cela fait aussi partie du message que vous souhaitez transmettre au prochain ministre des Transports, s’il y en a un ?

Cela dépend de l’état des finances publiques. Pour nous, si on pouvait éviter d’augmenter nos impôts, ce serait formidable. Si les aides pouvaient être maintenues, ce serait parfait. Mais en même temps, nous voyons l’équation budgétaire telle qu’elle est. Nous serons donc là, tout à fait prêts à discuter avec notre ministre de tutelle le moment venu, pour pouvoir voir comment faire cette transition énergétique qui est l’enjeu de demain.