La fameuse image du trou noir central de la Voie Lactée Sgr A* serait fausse !
En 2019 et 2022, pour la toute première fois de notre histoire, une grande équipe de chercheurs a réussi à produire la première image d’un trou noir supermassif, d’abord celui démesuré d’une galaxie lointaine (M87*), puis celui de la Voie Lactée. (Sgr A*).
Son nom ? Sagittaire A*, en abrégé Sgr A*, un monstre 4 millions de fois la masse du Soleil mais seulement 18 fois plus gros. Sa compacité en fait donc une étoile dont la gravité est si forte qu’une fois franchie son horizon des événements – sa limite – plus rien, ni la lumière, ni la matière, ni l’information, ne peut en échapper. C’est donc une ombre à peu près sphérique dans l’espace. Les astronomes les identifient par l’impact qu’ils ont sur leur environnement. Sgr A* est à 27 000 années-lumière de nous, car c’est notre distance du centre de la Voie Lactée.
L’image serait fausse : elle devrait être plus allongée, moins ronde !
Mais revenons à l’annonce de cette équipe japonaise publiée dans le bulletin mensuel de la Royal Astronomical Society. L’équipe a utilisé la même campagne de données de 2017 du télescope Event Horizon et a noté des erreurs de reconstruction dues à des artefacts. Nous reviendrons plus tard sur la façon dont cette image a été réalisée initialement, car elle est passionnante et techniquement très intéressante. De nombreux algorithmes avaient été utilisés. Voici à quoi devrait plutôt ressembler la région autour de Sgr A* selon cette étude :
Ici, l’équipe souhaitait corriger des erreurs dues à des lacunes d’information. Il faut rappeler que l’image de Sgr A* avait donné bien du fil à retordre à l’EHT : par rapport à sa distance avec nous, elle n’est pas si grande. En effet, par rapport à sa taille, sa variabilité lumineuse est de 20 secondes alors que celle de M87* est de plusieurs heures, cette dernière « pesant » 6 milliards de masses solaires est bien plus importante (voir image ci-dessus). Les Japonais ont utilisé une technique hybride de reconstruction d’images pour éviter les fameux artefacts.
Ils ont également obtenu des résultats scientifiquement exploitables au-delà de la nouvelle forme allongée est-ouest du trou noir. Voici ce qu’ils notent :
L’angle de vue sous lequel on l’observe est d’environ 44°.
La vitesse de rotation du trou noir supermassif est d’environ 60 % de la vitesse de la lumière.
Ces deux paramètres étaient juste très difficiles à déterminer ici sur l’image EHT.
Mais comment faire une image d’un trou noir s’il n’émet aucune lumière ? Est-ce une photo ?
C’est une bonne question. Un trou noir, par définition, n’émet ni ne libère de lumière : celle qui traverse son horizon y tombe inexorablement. Mais, tout comme le vent dont on constate l’impact sur l’environnement, il se trahit. Harry Potter lui-même, rendu invisible par sa cape éponyme, serait moins malin si on jetait des kilos de farine là où il se trouve. De même, les trous noirs rayonnent la poussière et la matière qui tournent autour d’eux et se trahissent.
Mais ils sont loin, notamment les trous noirs géants – supermassifs – abrités au centre des galaxies. La taille apparente du trou noir Sgr A* est approximativement celle d’une pomme à la surface de la Lune vue depuis la Terre ! Pour avoir une image d’un si petit objet, il faut un télescope de la taille de la Terre. Il a donc fallu relier les télescopes entre eux : c’est l’interférométrie. C’est le principe de l’EHT. Plusieurs nuits d’observations ont été nécessaires en 2017 pour obtenir les fameuses images.
Les ondes reçues sont millimétriques et monochromatiques. La phase de construction de l’image a été la plus complexe et la plus longue. Il a fallu créer des algorithmes spéciaux pour combler les lacunes et obtenir l’anneau de chaque trou noir. Il ne s’agit donc pas d’une photo au sens habituel du terme, mais d’une image. Katie Bouman était le visage médiatique de cette reconstruction et de cet algorithme, mais en réalité ce sont des dizaines de personnes qui ont développé ces procédés.