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La « double personnalité » de Dominique Pelicot, jugé pour avoir drogué et livré sa femme à des hommes

L’homme de 71 ans est accusé d’avoir drogué sa femme et invité des inconnus à la violer pendant près de dix ans. Il doit comparaître mardi après-midi devant le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse et comparaîtra jusqu’en décembre, aux côtés de 50 autres hommes.

Son téléphone portable en main, il arpente les allées du centre commercial. Ce samedi 12 septembre 2020, encore un jour d’été à Carpentras (Vaucluse), Dominique Pelicot traque trois femmes, et filme sous leurs jupes. Soudain, un agent de sécurité l’arrête. Dans son sac, cet homme, alors âgé de 67 ans, a glissé un deuxième téléphone, son caméscope, un appareil photo et des préservatifs. Dominique Pelicot explique qu’il est « sous l’influence d’impulsions », en l’absence de sa femme, partie en région parisienne il y a un mois pour s’occuper de leurs petits-enfants. Il nous assure : il n’a « l’habitude de telles actions ».

Mais l’exploitation de son matériel informatique révèle une toute autre réalité. Dans son ordinateur portable, saisi lors d’une perquisition à son domicile dans le village de Mazan, au pied du mont Ventoux, les enquêteurs ont découvert une centaine de vidéos et 300 photos, dans lesquelles sa femme, Gisèle Pelicot, se fait violer par des dizaines d’hommes. Ils ont également retrouvé des messages dans lesquels Dominique Pelicot les invite clairement à avoir des relations sexuelles avec sa femme, chez elle, alors qu’elle est inconsciente. Son mari avoue l’avoir droguée à son insu avec du Temesta, un puissant anxiolytique. Il cache des comprimés dans une chaussure de marche, entreposée dans le garage de la maison. Les enquêteurs viennent de lever le voile sur un cas hors norme de soumission chimique.

Lorsque les enquêteurs montrent à Gisèle Pelicot les photos pornographiques, elle est choquée. Elle ne se souvient de rien. Son mari est mis en examen le 4 novembre 2020 et placé en détention provisoire. Le couple a depuis divorcé. Le portrait psychologique et psychiatrique du principal accusé sera dressé lundi 9 septembre par quatre experts, lors de son procès, qui s’est ouvert le 2 septembre devant le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse, à Avignon. Si le calendrier provisoire des audiences est respecté, Dominique Pelicot donnera ses premières explications mardi après-midi. Cinquante autres hommes sont également jugés, principalement pour viol aggravé, jusqu’au 20 décembre.

Dominique et Gisèle Pelicot ont 21 ans lorsqu’ils se marient en avril 1973 dans l’Indre, deux ans après leur rencontre.« Ils étaient très jeunes. C’était le premier amour de mon client, et je pense que c’était pareil pour le monsieur », Antoine Camus, l’un des avocats de Gisèle Pelicot, a déclaré à franceinfo. Selon La Nouvelle RépubliqueDominique Pelicot a « J’ai quitté l’université après la 5e année pour commencer un apprentissage en électricité »Il a grandi dans un « une famille à l’histoire confuse et aux repères troublés, marquée par certains secrets » et un climat incestueux, révèle l’enquête de personnalité.

Le jeune couple s’est installé en région parisienne et a eu trois enfants. Le plus jeune est né en 1986, treize ans après l’aîné, David Pelicot, qui témoignera lundi. Mais le couple était en difficulté. Lors d’un interrogatoire, Dominique Pelicot a raconté avoir découvert que sa femme lui avait été infidèle. Il l’a alors quittée quelques mois pour une autre femme avant de revenir au domicile familial. Une période que leur plus jeune fils, Florian Pelicot, qui sera également interrogé lundi, a vécue. « mal vécu » :s’il décrit aux enquêteurs un « enfance normale », un père « toujours là pour ses enfants », « plutôt poli et respectueux » envers les femmes, il mentionne également « un côté exhibitionniste » chez ses parents, qui pourrait « être trouvé nu dans leur maison ». Il confie également avoir compris, « grandir », que son père cachait des problèmes d’argent à sa femme. Dominique Pelicot a changé plusieurs fois de métier et a notamment travaillé comme agent immobilier. En 2001, le couple a divorcé pour des raisons financières, avant de se remarier en 2007 sous un régime plus favorable.

Le quotidien de Dominique Pelicot en tant que père de famille dans les années 1990 et 2000 ne révèle rien. Ce n’est qu’après son arrestation, des années plus tard, que les enquêteurs découvrent sa possible implication dans d’autres affaires. À l’automne 2022, le septuagénaire est mis en examen, malgré ses dénégations, pour le viol et le meurtre en 1991 de Sophie Narme, 23 ans, dans le XIXe arrondissement de Paris. La procédure à son encontre est la première engagée par l’unité affaires non résoluesdédié aux crimes en série ou non élucidés et basé à Nanterre. Ce sont des accusations « basé uniquement sur des comparaisons », dénonce auprès de l’AFP son avocate, Béatrice Zavarro, qui affirme que son client « tombé des nuages ​​».

Dominique Pelicot est également mis en examen pour une tentative de viol en Seine-et-Marne en 1999. Acculé – son ADN a été retrouvé sur les lieux –, il reconnaît les faits mais nie avoir fait usage d’une arme. Dans ces deux affaires, qui n’ont pas encore été jugées, le modus operandi est identique, avec deux femmes droguées à l’éther « lors d’une visite d’appartement, les deux victimes étant des agents immobiliers », précise, début 2023, le parquet de Nanterre.

Jusqu’à sa condamnation pour avoir filmé sous les jupes de femmes à Carpentras, Dominique Pelicot n’avait aucun casier judiciaire. Le 31 juillet 2010, il est néanmoins interpellé dans un centre commercial de Seine-et-Marne pour des faits similaires. Il filmait alors sous les jupes à l’aide d’une caméra dissimulée dans un stylo. Il plaide coupable et paie une amende de 100 euros.

Peu de temps après, Dominique Pelicot a commencé à fréquenter Coco.fr. C’est, dit-il, sur ce site, connu pour son contenu sexuel et illégal et aujourd’hui fermé, qu’il aurait eu l’idée de se procurer des somnifères pour contraindre sa femme à des actes sexuels. Les premières photos retrouvées datent de la nuit du 23 au 24 juillet 2011. Face aux enquêteurs, Gisèle Pelicot a pu se rappeler s’être réveillée en sursaut à ce moment-là, alors que son mari la violait.

À partir du 1er mars 2013, date à laquelle ils ont quitté la région parisienne pour vivre une retraite paisible sous le soleil de Mazan, Dominique Pelicot a multiplié les invitations au viol. Parallèlement, Gisèle Pelicot a ressenti de nombreuses phases d’oubli et a eu des séquelles gynécologiques, sans en soupçonner la cause. Entre 2011 et 2020, 92 actes sexuels ont été enregistrés sur elle. Dominique Pelicot répète qu’il n’est pas le seul : au moins trois hommes, sous des pseudonymes, l’ont invité à accomplir des actes sexuels sur leurs épouses endormies. Les enquêteurs ont identifié l’un d’eux, qui figure parmi les accusés.

Lors de son interrogatoire, devant le juge d’instruction, Dominique Pelicot, qui assure n’avoir jamais reçu d’argent, explique avoir ressenti « le plaisir de voir sa femme touchée par quelqu’un d’autre » et parle d’un « une addiction qui l’empêche d’arrêter. L’enquête menée à Avignon met en évidence une « sexualité modélisée » sur un « personnalité à deux facettes ».

« Il se présente au monde comme ayant un rapport à la sexualité ordinaire, sans avoir d’attirance particulière pour elle, mais dans le milieu familial fermé, il ne respecte pas les limites de l’intime et du corporel. »

L’enquêteur de personnalité

pendant l’instruction

Un expert psychiatre détecte chez Dominique Pelicot une « déviance paraphilique », c’est-à-dire un appétit pour les actes sexuels sur des personnes non consentantes, qui mêle notamment « voyeurisme et somnophilie ». « L’inertie de sa femme lui permet d’accroître son sentiment de contrôle », souligne ce psychiatre. Un autre expert note : «« fantasmes extraordinaires ». Gisèle Pélicot « a été utilisé ici comme appât », souligne le deuxième psychiatre, qui décrit la dangerosité criminologique de son mari comme :« haut ».

« Le registre psychologique est l’aspect le plus important à explorer »« C’est un fait, insiste l’avocat de Dominique Pelicot. Dès les premières auditions, son client a reconnu avoir lui-même été violé à l’âge de 9 ans, par une infirmière, lors d’une hospitalisation. A cela s’ajoutent deux traumatismes. Il indique d’abord avoir surpris ses parents lors de relations sexuelles, à 11 et 13 ans, avec sa mère en position de soumission. « Il voit des scènes de sexe qui ne sont pas forcément consensuelles », souligne Béatrice Zavarro. Puis Dominique Pelicot raconte avoir été témoin d’un viol collectif alors qu’il était apprenti sur un chantier, à 14 ans. « Son passé est ponctué d’éléments très désagréables, qui l’ont perturbé »soutient son avocat auprès de franceinfo.

Dominique Pelicot n’a parlé à ses enfants que du viol qu’il dit avoir subi quand il était plus jeune. Mais aux yeux de sa fille, Caroline Darian, il « joue la victime ». Le quadragénaire, aujourd’hui engagé à sensibiliser le public aux dangers de la soumission chimique, ne croit pas en « cette histoire ». Lors de l’audience, elle déclare que son père est un « une personne qui ment beaucoup. » Elle était très proche de lui avant que la liaison ne soit révélée. Maintenant, elle l’appelle son « père ». « J’aimais mon père. J’aimais l’image de l’homme que je croyais connaître. L’image de cet homme sain, attentionné et prévenant », elle a déclaré au tribunal vendredi, devant lequel elle a raconté la « cataclysme » souffert par sa famille.

Caroline Darian est également victime : deux photos d’elle, inconsciente et en sous-vêtements, ont été retrouvées sur l’ordinateur de Dominique Pelicot. Il est également poursuivi pour ces faits, ainsi que pour avoir pris des photos de ses deux belles-filles, nues dans leurs salles de bains, à l’aide de caméras cachées. Ses petits-enfants le voient comme un grand-père affectueux, tout en rapportant des moments troublants. L’une de ses petites-filles l’a vu prendre des photos d’elle et de sa sœur lors d’un bain de minuit dans la piscine.

« C’est une famille dévastée, mais ils tiennent bon et sont déterminés à rester unis. »observe leur avocat. Antoine Camus souligne qu’ils attendent surtout des réponses à leurs questions. Caroline Darian s’interroge lors de son audition : « Comment se reconstruire à partir de ses cendres ? Quand on sait que son père est probablement l’un des plus grands prédateurs sexuels de ces vingt dernières années ? » « LLes séances de psychothérapie lui permettent d’avancer sur la question du pourquoi »L’avocat de Dominique Pelicot assure en réponse. Et de promettre : « Il y aura un début de réponse qu’il communiquera au tribunal le moment venu. »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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