la difficile reconstruction de la mère de Tessa, mortellement fauchée près de Nantes par un individu en fuite
Florence Jouve vient de lancer un appel sur les réseaux sociaux. L’année dernière, l’affaire a pris une tournure inattendue lorsqu’un homme a avoué, après une émission de télévision, être l’auteur de ce drame survenu en 2018. Il est depuis revenu sur ses aveux.
Le Figaro Nantes
Nous étions le 20 décembre 2018. La nuit était tombée durant cette période hivernale. Tessa, une lycéenne de 17 ans, revenait de stage. Alors qu’elle descendait de son bus pour rentrer chez elle, à Saint-Julien-de-Concelles, en Loire-Atlantique, elle a été mortellement percutée sur une route de campagne sombre.
Pendant plus de quatre ans, les enquêtes n’ont pas permis de retrouver l’auteur. Jusqu’à un rebondissement inattendu survenu il y a onze mois. Le 20 juin 2023, grâce à un dernier appel à témoins lancé par la mère de Tessa sur M6, un homme de 24 ans est placé en garde à vue puis mis en examen pour homicide involontaire aggravé d’un délit de fuite.
Nouvel appel à témoignages
Le 17 mai 2024, Florence Jouve lance à nouveau un appel dans un message publié sur la page Facebook rendant hommage à sa fille. « J’ai besoin de vous. D’après vos témoignages. Je recherche des personnes pouvant témoigner sur des travaux de terrassement, d’aménagement paysager ou de travaux publics. (travaux publics, ndlr) ayant eu lieu à Saint-Julien-de-Concelles le 20/12/2018 et ce à proximité ou dans une zone relativement proche de la Route du Soleil Levant »» a-t-elle écrit de sa propre initiative, en parallèle de l’enquête en cours. « J’ai besoin de faits existants, et à défaut de minutes, de la réalité des faits à travers vos témoignages. Ceux-ci peuvent encore une fois tout changer. ». « Je reste persuadé que les agendas n’ont pas été vérifiés »elle explique à Figaro. Connaître ces éléments l’aiderait à terme à retracer le cours des événements et à faire la lumière sur le déroulement du drame. Car, comme mentionné dans son post, depuis un an, « le silence imposé par la procédure est lourd à supporter ».
« J’ai toujours pensé que connaître l’agresseur me rassurerait. Cela ne résout rien. La douleur est toujours là », partage-t-elle avec émotion. D’autant que les derniers épisodes n’ont pas arrangé les choses. L’arrestation de l’année dernière a aggravé la blessure. « Ça a déstabilisé l’équilibre qu’on avait reconstruit ». La mère d’un autre adolescent de 13 ans n’éprouve en revanche aucune animosité envers l’agresseur présumé. « Peu importe qu’il s’appelle tel ou tel, ce qui me met en difficulté c’est cette longue procédure ».
À cela s’ajoutent des éléments qui lui donnent du fil à retordre. Le jeune homme mis en examen est revenu sur ses aveux. Et a été libéré. « La personne mise en examen a été libérée et placée sous contrôle judiciaire le 13 février 2024 »confirme à Figaro le procureur de la République, Renaud Gaudeul. « Les investigations menées par le juge d’instruction se poursuivent »ajoute-t-il, sans pouvoir pour l’instant prédire l’issue.
Vers un procès ?
« Au bout de huit mois, le juge des libertés a déclaré que l’enquête pouvait se poursuivre sans qu’il soit forcément incarcéré »contextualise Maître Damien Legrand, avocat de la partie civile. « Il n’a pas été libéré car il est présumé innocent ». Il précise également que la personne qui avait 20 ans au moment des faits « n’a pas été arrêté parce qu’il avait avoué, mais parce qu’il existait des preuves contre lui. Ses aveux ont renforcé ce qui était contre lui.. Contacté, l’avocat de l’accusé ne souhaite pas s’exprimer devant la presse compte tenu de l’enquête en cours, et sachant que son client ne l’a pas instruit en ce sens.
« Le travail du juge est de déterminer s’il y a d’autres personnes impliquées »reprend Me Super. « On ne peut pas savoir s’il y aura un procès mais je pense que oui, cela me paraît évident ». Même si procès et condamnation sont deux choses différentes. En attendant, le temps fait son œuvre. Et pas forcément comme espéré. « Cette annonce de la libération et des conséquences qu’elle aurait pour le futur m’a replongé dans des états psychologiques compliqués »regrette Florence Jouve qui a perdu son emploi deux ans et demi plus tard à cause d’une dépression. « D’une vie paisible et confortable, je me retrouve aujourd’hui sans revenus. Quand je dis que cette mort a tout emporté… ».
Désormais, cet architecte d’intérieur travaille au lancement d’un projet qui relierait les institutions pour faciliter le travail des parents qui, dans ces moments-là, ont autre chose à faire que d’envoyer un énième acte de décès à une administration. Certaines demandes administratives l’ont beaucoup touchée, réveillant la douleur. Pour elle, en France, la procédure est « une machine à écraser les êtres humains. C’est violent, violent et violent ». Et comptez les années : « Cela fera six ans aujourd’hui. Imaginons que le procès ait lieu dans les prochaines années, j’y aurai passé entre six et neuf ans… ». Une époque peu propice à sa reconstruction. « Arrêt! Je veux que ça se termine.