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La dernière bataille d’Atos commence entre Layani, Kretinsky et les créanciers

Article publié le 6 mai à 7h22, dernière mise à jour à 17h35

La dernière bataille pour Atos commence. Cela devrait durer tout le mois de mai. Alors que les offres de financement du groupe informatique en difficulté financière ont été déposées vendredi soir, la direction de l’ancien fleuron de la tech française compte trouver un accord avec l’un d’eux d’ici le 31 mai pour pouvoir finaliser l’opération d’ici juillet. Une restructuration financière qui doit être « acceptable pour les créanciers financiers », précise-t-elle, alors que le groupe croule sous une dette colossale d’environ 5 milliards d’euros.

Aujourd’hui, en procédure de conciliation, Atos a reçu quatre propositions, dont l’une, celle du fonds américain Bain Capital, actionnaire du groupe français de services informatiques Inetum, a été immédiatement rejetée par le conseil d’administration et la conciliatrice Maître Hélène Bourbouloux au motif que elle « n’a pas répondu aux objectifs affichés par l’entreprise de prendre en compte l’ensemble de son périmètre. »

Offre conjointe des créanciers

La bataille pour le rachat d’Atos opposera donc la société française Onepoint – déjà actionnaire à 11% d’Atos -, contrôlée par David Layani, en consortium avec Butler Industries, à Equity Investment du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. en partenariat avec le fonds Attestor. Il y a aussi l’offre commune des créanciers (obligataires et banques), qui se partagent la moitié de la dette, sachant que ces derniers, même s’ils se disent prêts à financer seuls le sauvetage d’Atos, ont vocation à s’allier à terme à un des deux candidats.

Acteurs cruciaux du dossier, les créanciers disposent de la capacité d’opposer leur veto à l’option choisie. Prêts à injecter immédiatement 1,2 milliard d’euros comme le demande la direction pour traverser 2024 et 2025, ils sont également ouverts à transformer une partie de leur dette à hauteur de 1,8 milliard d’euros en actions et à s’allier avec l’un des repreneurs, pour autant que le ce dernier a un profil industriel, préserve l’intégrité d’Atos et n’envisage pas une annulation totale ou quasi-totale de la dette.

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Par rapport à ce cahier des charges, l’offre de David Layani semble la meilleure, même si elle  » doit être amélioré financièrement », confie-t-on du côté des créanciers. Si la stratégie « OneAtos » du patron de Onepoint est considérée par les créanciers comme le meilleur moyen de générer de la valeur, sa proposition d’effacer 3,2 milliards de dettes comme le préconise la direction est jugée trop éloignée de leurs intérêts. C’est cependant nettement moins que Daniel Kretinsky qui prévoit un écrasement de la quasi-totalité de la dette (près de 4 milliards d’euros), comme il l’a fait chez Casino. « S‘il n’y a pas d’évolution, nous n’allons pas passer trop de temps sur cette offre », menace de la part des créanciers. En contribution de « nouvel argent », Daniel Kretinsky prévoit d’injecter 600 millions d’euros contre 500 millions pour David Layani (dont 150 millions reviennent aux créanciers), et propose de reverser aux créanciers une partie du fruit de la vente des activités souveraines à l’Etat (entre 700 millions d’euros et un milliard d’euros). A ces montants, les deux prétendants prévoient un financement supplémentaire de 1,3 milliard d’euros.

Outre cet écrasement massif de la dette qui les irrite, les créanciers doutent également de la volonté du milliardaire tchèque de maintenir l’intégrité d’Atos. Si Daniel Kretinsky assure reprendre l’ensemble du groupe, il laisse néanmoins la porte ouverte à une évolution de périmètre.  » Nous maintenons une position flexible concernant l’avenir d’Atos, sans position dogmatique prédéfinie », est-il indiqué dans l’offre au chapitre « Maintenir ou dissocier »

 » Nous sommes prêts à reprendre toutes les opérations d’Atos. Cependant, nous poursuivrons un examen approfondi des scénarios stratégiques, évaluerons toutes les alternatives à court et à long terme, puis déterminerons et mettrons en œuvre le plan d’action le plus avantageux pour chaque entreprise. », explique le texte envoyé par le duo Kretinsky-Attestor, après avoir rappelé la stratégie de l’ancienne direction d’Atos de scinder le groupe en deux branches, l’externalisation et les activités de défense-cybersécurité. Un projet qui a amené Daniel Kretinsky dans le dossier Atos puisqu’il avait postulé au rachat de Tech Foundations, qui regroupe les activités d’externalisation, avant d’abandonner en début d’année. Tech Foundations reste toujours au cœur de son projet

« Quelle que soit la solution la plus appropriée qui soit retenue pour les différents secteurs d’activité du groupe à l’issue de cette évaluation à court terme, le consortium souligne son intérêt significatif à continuer de détenir, de restructurer et de redresser le secteur d’activité Tech Foundations. du groupe ».

En attendant, une chose est sûre. La solution adoptée entraînera l’émission de nouvelles actions du groupe et provoquera une dilution massive des actionnaires actuels, qui n’auront quasiment aucun poids dans la structure du capital. La direction parle en effet » changements radicaux » dans sa structure capitalistique. Un peu moins dilutive, l’offre de David Layani est préférée par les actionnaires actuels, explique à La Tribune Hervé Lecesne, co-président de l’Union des actionnaires d’Atos (UDAAC), prônant la vente d’actifs aux Etats-Unis pour réduire la dette du groupe. et, par ricochet, l’ampleur de l’augmentation de capital.

Activités souveraines

Selon la direction d’Atos, les propositions reçues pour son sauvetage financier sont toutes « compatible » avec le projet de l’État de reprendre les activités régaliennes du groupe (supercalculateurs utilisés pour les produits de dissuasion nucléaire et de cybersécurité). Alors que l’exécutif espère rallier un industriel français, la société française Chapsvision, spécialiste de l’analyse de données, s’est positionnée sur certaines des activités, notamment la branche MCS qui comprend notamment le système de commandement du programme Scorpion de l’armée, les outils de navigation pour les forces navales et la marine marchande et le système de sécurisation des réseaux de communications à bord des avions Rafale « F4 » de Dassault. Ou les mêmes activités qui pourraient intéresser Thales.

Ces activités ont généré un chiffre d’affaires d’environ 1 milliard d’euros en 2023, soit un peu moins de 10 % du chiffre d’affaires total d’Atos. Leur valeur indicative d’entreprise est comprise entre 700 millions et 1 milliard d’euros selon les groupes.