Amertume, désarroi, colère, dépression… Le profond ressentiment exprimé, souvent publiquement, par les partisans du Hezbollah reflète largement la tragédie dans laquelle le parti pro-iranien a entraîné le Liban contre son gré, il y a un an.
Les Libanais ont le douloureux sentiment d’être abandonnés de toutes parts à leur sort désastreux face à l’écrasante machine de guerre israélienne. L’heure n’est certainement pas venue des comptes et il serait inapproprié d’exiger, en pleine bataille, de l’allié indéfectible des Pasdaran des explications sur ses choix politico-militaires qui ont provoqué le désastre dans lequel le pays est actuellement plongé. Mais il n’en reste pas moins qu’une lecture lucide des évolutions actuelles nécessite de clarifier les raisons du manque d’empressement des pays « frères et amis » à s’impliquer directement dans le conflit armé pour venir en aide aux Libanais.
De nombreuses voix se sont récemment élevées pour dénoncer, non pas le silence (loin de là ; nous sommes à l’Est !), mais la passivité de certains pays arabes. Les critiques ont même publiquement inclus la République islamique iranienne, dans les milieux favorables au Hezbollah. Ces critiques sont sans doute légitimes, mais elles occultent certaines réalités fondamentales.
On a souvent tendance à oublier la véritable fonction du Hezbollah (comme d’autres mandataires iraniens) : être un instrument, une carte de négociation entre les mains des Pasdaran dans le but de consolider l’influence de l’Iran et surtout de constituer un potentiel « balistique » menace en cas d’attaque israélienne contre l’Iran. Les slogans populistes axés sur « la libération de Jérusalem », les « droits du peuple palestinien » ou la lutte contre le « Grand Satan » (les États-Unis) n’étaient donc qu’un épais écran de fumée destiné à camoufler le véritable objectif de l’establishment. des mandataires : préserver et consolider le régime des mollahs. La cause palestinienne n’est qu’une chimère, un simple leitmotiv fédérateur qui cache d’autres desseins innommables.


En lançant son attaque meurtrière sur le territoire israélien le 7 octobre 2023, le Hamas n’a finalement, objectivement, servi que les intérêts supérieurs de la République islamique. Le prix à payer s’est élevé à des dizaines de milliers de morts et de blessés ainsi qu’à l’occupation et à la destruction de la bande de Gaza. Le régime iranien restera passif face aux matraquages ​​israéliens et s’abstiendra de venir en aide de quelque manière que ce soit à la population et au Hamas. Pourquoi le ferait-il d’ailleurs, puisque la formation palestinienne avait rempli son rôle de fidèle servante du parrain iranien ?
Même scénario un peu similaire, par son ampleur, au Sud-Liban. Le Hezbollah se réactivera unilatéralement le 8 octobre 2023 wilayat el-faqih oblige – le front sud qui bénéficie d’une accalmie totale depuis la dernière guerre de juillet 2006. Prétexte donné : réduire la pression militaire sur le Hamas à Gaza. Mais personne n’est dupe : le véritable objectif était seulement de fournir à la République islamique un atout supplémentaire qui pourrait être exploité dans son bras de fer avec Washington. L’intérêt le plus fondamental de la population libanaise, déjà confrontée à une crise socio-économique sans précédent, était totalement absent des calculs du parti pro-iranien.
Les résultats de cette folie folle dans laquelle le Hezbollah s’est laissé entraîner au service, exclusivement, de la raison d’État iranienne sont édifiants et parlent d’eux-mêmes. La folle nuit de bombardements intensifs et particulièrement meurtriers qu’a connu la banlieue sud jeudi 3 octobre, et surtout les effets de l’attaque aérienne violente, sanglante et destructrice lancée la même nuit contre Hachem Safieddine, censé succéder à Hassan Nasrallah à la tête de le parti chiite, sont la manifestation la plus répugnante de l’erreur, à fondement idéologique, dont se rend coupable le Hezbollah.
Comble de l’ignominie : malgré le déluge de fer et de feu qui s’abat quotidiennement sur la population libanaise, conséquence de l’engagement irresponsable du Hezb à tout sacrifier pour servir les intérêts supérieurs du régime des mollahs, les dirigeants iraniens déclareront plus que Une fois ces derniers jours, l’Iran n’avait pas besoin d’intervenir « parce que le Hezbollah est capable de se défendre ». Du point de vue iranien, pourquoi le pouvoir en place à Téhéran devrait-il intervenir pour sauver la carte perdante que constitue désormais le Hezbollah, qui a par ailleurs également rempli sa mission, comme le Hamas ? Quant aux pays arabes, peut-on vraiment leur demander de venir en aide à un parti qui ne défend que les intérêts supérieurs de l’Iran et qui, par ailleurs, mène depuis plusieurs années une campagne haineuse et belliqueuse contre les États du Golfe ?
Pour le gouvernement iranien, la priorité est la levée des sanctions économiques et la conclusion d’un accord, ou plutôt d’un « deal » avec Washington, lui permettant de préserver son programme nucléaire et d’assurer à la République islamique une place digne sur la scène régionale. Et tant pis pour le sort des mandataires et des populations locales qu’ils ont sacrifiés pour servir leur cerveau. La déraison dans sa forme la plus pure ainsi que la stratégie de l’irrationalité et de la soumission aveugle impliquent un prix très élevé à payer…

Michel Touma