« La dégradation de l’environnement devient une force inflationniste qui ne peut plus être négligée »
CONTREes deux dernières années, le retour de la guerre en Europe et la poussée de l’inflation qui en a résulté ont été les principales raisons du déclin historique des ambitions écologiques de la Commission européenne et des États membres. Plus que la colère des agriculteurs, la crainte de voir le maintien ou le renforcement des normes environnementales accroître les tensions inflationnistes a sans doute joué un rôle majeur dans le détricotage profond et minutieux du Green Deal européen. C’est facile à comprendre : toute contrainte sur l’industrie et l’agriculture, ou, de manière générale, sur l’empreinte carbone du système productif, induit des coûts d’adaptation et de transformation, qui peuvent augmenter le « Coût de la vie ».
Ce risque d’inflation doit être comparé à une autre source de hausse des prix, bien plus inquiétante : le réchauffement climatique. C’est le sens d’une étude récente publiée dans Communications Terre et Environnement et menée par des chercheurs de l’Institut de recherche sur les effets du changement climatique (PIK) de Potsdam et deux économistes de la Banque centrale européenne (BCE). Les auteurs ont analysé les fluctuations, enregistrées entre 1996 et 2021, de 27 000 prix à la consommation dans plus de 120 pays et les ont croisées avec des données climatiques. Les liens entre les prix et les manifestations de réchauffement qu’ils révèlent indiquent que la dégradation de l’environnement devient une force inflationniste qui ne peut plus être négligée.
Une sorte de troc
En extrapolant leurs résultats à la décennie à venir, Maximilian Kotz (PIK, Université de Potsdam) et ses co-auteurs indiquent que le réchauffement pourrait entraîner une hausse annuelle des prix à la consommation de 0,3 à 1,2 point de pourcentage au niveau mondial d’ici 2035. en ce qui concerne l’alimentation, l’inflation pourrait augmenter de 1 à 3,2 points de pourcentage par an. Cet impact plus fort sur la composante alimentaire des prix est cohérent, notent les auteurs, avec la difficulté de maintenir l’approvisionnement en matières premières agricoles dans des conditions climatiques de plus en plus défavorables.
Sans vraiment s’en rendre compte, on serait donc entré dans une période où les pressions inflationnistes liées à la dégradation de l’environnement se superposent aux causes canoniques de l’inflation (la guerre et ses profiteurs, la masse monétaire excédentaire en circulation, les chocs pétroliers, etc.). En sacrifiant leurs ambitions écologiques, les dirigeants européens opèrent en réalité une sorte de troc. D’un côté, ils se protègent contre une inflation éventuellement liée à des politiques environnementales fortes, mais cette inflation est à la fois construite et acceptée, cyclique et réversible. De l’autre, ils acceptent la crise écologique, et donc de laisser échapper une hausse des prix à la fois systémique et soutenue, inertielle et largement irréversible.
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