« Kamala Harris a fait Hollande. » Ce 6 novembre, au lendemain de la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, Antoine Léaument, le député LFI de l’Essonne, ne manque pas l’occasion de transposer ce résultat de ce côté-ci de l’Atlantique. « Il y a, poursuit-il, une inquiétude aussi en France que certains veuillent suivre cette voie de gauche, une voie douce et flexible qui amène finalement l’extrême droite au pouvoir. »
Les Insoumis y ont-ils trouvé un nouvel angle d’attaque pour continuer à exercer leur influence sur le reste de la gauche ? «C’est complètement stupide», déplore ce député socialiste. L’élection de Trump est une bénédiction pour les fous. » Et d’ajouter : « Les rebelles perdent du terrain. » Olivier Faure, le patron du PS, a également réagi : « L’heure n’est pas aux leçons de morale mais à l’affirmation d’un projet pour la France et l’Union européenne. »
Toujours. Cette défaite cuisante du candidat démocrate ne peut qu’interpeller le Parti socialiste qui, en coulisses, prépare déjà le prochain congrès de janvier. « Oui, il y a une ambiance d’avant-congrès », confirme ce cadre du parti. Et pour cause. À presque deux ans et demi de l’élection présidentielle, la motion nécessaire jouera un rôle central en 2027.
« Il est en campagne »
Cependant, si la pression monte au sein du PS, c’est aussi parce que le parti doit composer avec le retour de celui qui n’est jamais parti : François Hollande. Grâce à la dissolution, l’ancien chef de l’Etat s’est représenté dans son fief de la Corrèze où il a été réélu député en juillet. Certes, le risque d’une victoire du RN n’était pas étranger à sa candidature, mais l’explication est un peu courte. « Oui, il fait campagne pour 2027 », assure ce député PS.
« Une défaite d’Olivier Faure montrerait qu’il y a encore de la place au centre gauche »
De ce point de vue, le congrès de janvier apparaît stratégique. Pas pour le voir reprendre les commandes du PS. Mais à écarter Olivier Faure, le grand artisan de l’alliance avec La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Une ligne avec laquelle François Hollande et les sociaux-démocrates – Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll et Carole Delga – entendent rompre.
Une position partagée par Raphaël Glucksmann. S’il réclame lui aussi une rupture nette avec LFI, il a surtout commencé à structurer son mouvement Place publique en vue de 2027. A sa rentrée, début octobre à La Réole, en Gironde, il a réuni un nombre de socialistes autour de lui. Preuve qu’elle ne laisse pas indifférent même si elle est encore loin d’apparaître comme un remède. « Il est intéressant mais il n’a jamais traité des réalités locales », observe ce député PS. Traduction : tout comme Emmanuel Macron.
« On s’en fiche »
Toujours. Dans un entretien à « Sud Ouest » en septembre, François Hollande appelait la direction du PS à ne pas ignorer l’eurodéputé : « Faisons un congrès d’ouverture avec Bernard Cazeneuve, Raphaël Glucksmann… Faisons un congrès qui donne aux socialistes une capacité de action et autonomie, notamment vis-à-vis de LFI. » Il aurait aimé inviter Olivier Faure à tourner la page et il n’aurait pas pu mieux s’y prendre… Le nouveau député de Corrèze l’assume : « Mon objectif est de renforcer le pôle réformateur et de l’élargir, y compris aux déçus. avec le macronisme. »
«Faisons un congrès qui donne aux socialistes une capacité d’action et une autonomie par rapport à LFI»
Les macronistes justement. Eux aussi entendent observer de près ce congrès du PS. « On s’en fiche du tout », confirme ce député de la Renaissance. Une défaite d’Olivier Faure montrerait qu’il y a à nouveau de l’espace au centre gauche. Cela pourrait encourager les connexions. » Les – quelques – députés de l’aile gauche du bloc central ne cachent pas leurs difficultés à soutenir ce gouvernement de Michel Barnier et plus encore son ministre de l’Intérieur, le très à droite Bruno Retailleau.
Preuve de leurs interrogations, des discussions sont en cours sur la création d’un groupe social-démocrate à l’Assemblée qui accueillerait ces députés en rupture avec la fin du « en même temps ». « Oui, nous discutons encore », confirme ce parlementaire macroniste. Si une telle rupture se produisait au sein du bloc central, cela réconforterait-il François Hollande ? « Il se projette vers 2027 », note ce député de la Renaissance. Ce n’est pas indispensable au PS, mais c’est une voix qui ne s’est jamais éteinte, c’est une voix identifiée. »
Mais la rupture avec LFI est encore loin d’être terminée. Une nouvelle dissolution dans un an n’est pas à exclure, qui prendra le risque de briser l’alliance NFP ? Ce qui ne pouvait que conduire à une lutte meurtrière à gauche. « Ce dont nous avons besoin, soupire ce député PS, c’est d’inventer l’ère post-Macron, l’après-Mélenchon, l’après-Hollande. »