La crise du logement frappe l’Abitibi-Témiscamingue

Selon le plus récent sondage de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les taux d’inoccupation étaient de 0,7 % à Amos, de 0,8 % à Rouyn-Noranda et de 1,7 % à Val-d’Or, en octobre dernier, bien loin du taux d’équilibre de 3 %.
Une rareté qui intensifie la pression sur le coût moyen des loyers, qui a bondi de 4,3 % à Amos, de 5,4 % à Val-d’Or et de 6,9 % à Rouyn-Noranda. Le loyer moyen atteint 714 $ à Amos, 744 $ à Val-d’Or et 779 $ à Rouyn-Noranda.
La pénurie de logements combinée à la hausse des loyers frappe durement les personnes les plus vulnérables. Elles doivent souvent vivre plus longtemps dans des refuges, vivre dans des appartements qui ne sont pas adaptés à leurs besoins et certaines ont carrément de la difficulté à joindre les deux bouts.
» De plus en plus de familles, en particulier les familles monoparentales, vivent une anxiété énorme en raison de la hausse des prix des loyers. Nous ne le cacherons pas, si vous ne payez pas votre loyer, vous serez expulsé de votre logement. Vous n’avez donc pas le choix, vous devez payer. Ce sera autre chose qui finira par payer. Ce sera votre épicerie, ce sera votre voiture qui ne sera pas réparée, c’est tout ce qui l’entoure qui va souffrir, »
Pas seulement les personnes vulnérables
Les impacts de la crise du logement ne se limitent plus aux personnes vulnérables, plaide Stéphane Grenier, professeur-chercheur à l’École de travail social de l’UQAT.
Ce sont toujours les personnes les plus touchées, mais ce ne sont que les personnes en situation économique précaire qui sont concernées. Désormais, on va même parler des professionnels touchés par la crise du logement. Et cela affecte la capacité de recrutement des grands organismes comme le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue, des entreprises comme Béton Fournier ou les sociétés minières. Vous pouvez faire venir des médecins, des ingénieurs et des avocats, mais ils sont confrontés à la quasi-impossibilité de trouver un logement
il dit.
C’est sans compter les effets des coûts de construction exorbitants et de la hausse des taux hypothécaires. Cela retardera de nombreuses personnes qui souhaitent quitter leur domicile pour acheter une propriété, ce qui entraînera une pression accrue sur le marché locatif.
dit Stéphane Grenier.
Nous avons besoin de plus de logements sociaux
Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en redéveloppement urbain (FRAPRU), rappelle que la construction de logements neufs par le marché privé peut avoir un certain effet bénéfique sur le taux d’inoccupation, mais il en est autrement pour le coût des loyers. Le loyer des logements neufs a ainsi augmenté de 10 % à Rouyn-Noranda et Val-d’Or, selon elle.
» Ces maisons neuves sont beaucoup plus chères que les maisons existantes. Ils font grimper le prix des logements dans la région et ils ne répondent pas à tous les besoins, surtout pas ceux des ménages à faible et modeste revenu. »
Selon FRAPRU
seulement 48 logements abordables ont été construits en Abitibi-Témiscamingue au cours des quatre dernières années, un nombre jugé nettement insuffisant.Si on veut augmenter l’offre pour sortir de cette crise du logement, il faut en même temps augmenter très significativement l’offre de logements qui correspond à la capacité de payer des ménages locataires à faible revenu. Pour cela, il faut investir dans le logement social, le logement hors marché privé, que ce soit sous la forme de coopératives d’habitation, d’associations ou encore de logements sociaux gérés par des offices du logement. Malheureusement, de ce côté-ci, les investissements se font trop lentement pour avoir l’effet structurant qu’ils pourraient avoir
dit Véronique Laflamme.
Plusieurs projets et écueils
Ce n’est pas faute de plans. Le Groupe de ressources techniques, un organisme à but non lucratif qui soutient le développement de logements sociaux, travaille sur une vingtaine de projets en Abitibi-Témiscamingue et dans le Nord-du-Québec. On parle d’investissements potentiels de plus de 150 millions de dollars pour la création d’au moins 750 unités.
Mais la hausse des coûts de construction et des taux d’intérêt fait mal, selon le chargé de projet Martin Briault.
Problèmes environnementaux, évolution des normes, il y a toujours un facteur qui freine les projets. Pour un projet que nous menons au Témiscamingue, l’organisme a réussi à amasser les fonds nécessaires de près de 900 000 $ dans la communauté. Mais juste avec la hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction, la mise de fonds est maintenant de 4,4 millions de dollars. Pour exactement le même projet. Avant la pandémie, les projets les plus chers que nous réalisions coûtaient environ 185 $ le pied carré. Les derniers projets que nous avons ouverts coûtent 325 $ ou 345 $ le pied carré. Et les subventions n’ont pas suivi
il se lamente.
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