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La crise de l’orange va-t-elle faire monter les prix dans les rayons des supermarchés ?

La crise de l’orange va-t-elle faire monter les prix dans les rayons des supermarchés ?

Face à une maladie qui décime la production au Brésil, premier exportateur mondial d’oranges, les prix ont triplé en deux ans.

La crise orange ne fait que commencer. Mais va-t-il s’inviter à la table du petit-déjeuner français, en augmentant le prix des jus consommés pour bien commencer la journée ? Ces derniers mois, une maladie a frappé durement la production mondiale du célèbre agrume. En cause, la prolifération d’un insecte, le psylle, vecteur d’une bactérie, qui une fois transmise aux agrumes, provoque une réaction chez les arbres conduisant à leur mort à court terme. La qualité des fruits et les rendements sont également impactés. C’est le drame de la maladie HLB – Huanglongbing, maladie du dragon jaune.

Ce dernier a contribué « pour décimer presque tous les agrumes de Floride »et touche désormais gravement le Brésil, informe Raphaël Morillon, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agricole pour le développement (CIRAD). Les conséquences sur la production ne se sont pas fait attendre. Selon les prévisions de l’association interprofessionnelle brésilienne des producteurs et industriels d’agrumes, la récolte 2024 est en baisse de 30% avec 232 millions « boîtes de culture » (40 kg d’oranges), contre environ 300 millions en 2023.

À l’heure où la Floride et le Brésil représentent respectivement 10 à 12 % et 50 à 60 % des volumes mondiaux d’oranges mis dans la filière, les prix ont logiquement grimpé en flèche. Le prix des oranges a triplé ces deux dernières années, passant de 2 000 à 7 000 dollars la tonne à Rotterdam.

Les industriels tirent la sonnette d’alarme

Sans surprise, les prix des produits finis ont été à leur tour impactés par cette situation, les matières premières devenant de plus en plus chères. « C’est là qu’on tire la sonnette d’alarme »prévient Arnaud Jobard, directeur commercial de Suntory, propriétaire des marques Orangina et Oasis. Dans un communiqué de juin dernier, l’entreprise qui utilise de l’orange dans les trois quarts de ses produits a joué le rôle de lanceur d’alerte. « La crise orange s’ajoute à une forte inflation sur nos matières premières »s’inquiète le représentant, qui cite en tête les coûts de transport, d’emballage et de sucre. Selon les chiffres de l’entreprise, l’augmentation des coûts ces dernières années représente l’équivalent d’un bénéfice annuel. Si le marché « bien tenu » en 2023, « on observe une baisse de la consommation de jus d’orange depuis janvier 2024, de l’ordre de -7% »observe Florence Frappa, directrice générale France d’Eckes Granini, le groupe propriétaire des marques Joker et Pago.

Face à la crise, deux leviers sont actionnés par les constructeurs. La baisse des marges, à hauteur d’un chiffre non communiqué par les entreprises interrogées, et la hausse des prix, dont elles modèrent l’importance – « moins de 10 centimes »nous affichons du côté de Suntory. Les fabricants rechercheront également une consommation alternative à travers « produits à base de jus d’orange avec un mélange de clémentines voire de pommes »analyse Éric Imbert, expert des marchés de fruits et légumes au Cirad.

Désormais, l’évolution des prix des produits à base d’orange dépend des négociations avec les distributeurs, qui se termineront, comme chaque année, le 1er mars. « La crise de l’orange doit devenir une évidence pour toutes les parties prenantes, comme ce fut le cas pour l’huile d’olive et le cacao »plaide Arnaud Jobard. Préoccupés par leurs marques distributeurs à base d’orange, « les grandes marques sont à l’écoute »rapporte Florence Frappa, « mais face à une situation exceptionnelle, les discussions prennent du temps ».

De leur côté, les distributeurs interrogés confirment être conscients de la problématique de l’orange. Thierry Desouches, responsable des relations extérieures de Système U, se dit particulièrement attentif à l’équilibre entre « Baisse des marges et hausse des prix ». Si ces éléments sont fournis dans « une transparence totale »une augmentation des rémunérations industrielles est nécessaire, ajoute-t-il. Mais lors des crises des matières premières, Thierry Desouches constate aussi que les ventes de marques distributeurs « augmentation en volume par rapport aux marques nationales ». Les coûts « travailler en notre faveur ».

Une crise de longue durée

Le problème, c’est que la crise est là pour durer, selon Raphaël Morillon et sa collègue Virginie Ravigné, également chercheuse au Cirad. Les psylles résistent désormais aux pesticides sur les terres brésiliennes et commencent à s’installer dans les pays méditerranéens jusqu’ici épargnés. Deux espèces de psylles sont porteuses de la bactérie responsable de la maladie. Le premier est présent en Espagne, tandis que le second, encore plus dangereux, vient d’être détecté à Chypre. « Il ne fait aucun doute qu’ils coloniseront le bassin méditerranéen »prévient Virginie Ravigné. Quelques années seulement après leur apparition dans une région, « tous les agrumes cultivés sont infectés par la maladie HLB » et demain « ce sera au tour des clémentiers corses d’être touchés »ajoute le chercheur.

Les industriels l’ont bien compris et comptent sur la science. Le groupe Eckes Granini alloue une partie du prix négocié avec les producteurs d’oranges à la recherche fondamentale, où Santory finance en partie le Cirad. A terme, les chercheurs souhaitent rendre les oranges résistantes à la maladie HLB, en croisant différentes espèces d’agrumes. Mais il faudra « 15, 20 ans »prévient Raphaël Morillon. Les scientifiques comptent notamment sur le citron Caviar, qui possède des gènes de résistance à la bactérie responsable de la maladie HBL. « Après, il faudra que ces génotypes gardent un goût d’orange »ajoute le chercheur, qui admet que cela « ce n’est pas évident ».

Pour l’instant, une solution intermédiaire est possible : utiliser des génotypes plus tolérants, comme le tilleul de Tahiti. Son nombre plus élevé de chromosomes et la ressemblance de son génotype avec d’autres espèces d’agrumes – parmi lesquelles l’oranger intéresse particulièrement les chercheurs. Entre crise climatique qui touche les pays producteurs et maladies, la crise orange est profonde.

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