Et si c’était votre dernier geste pour la planète ? Le réchauffement climatique fait naître de nouvelles façons de vivre notre quotidien, mais ce phénomène n’impacte que rarement notre façon de mourir. C’est ce que propose la crémation par l’eau.
Cette technique s’oppose à la crémation traditionnelle, qui voit le corps du défunt disparaître par la flamme, indique Nouvel Atlas. Ici, il s’agit de le reposer dans un bain composé d’eau et d’environ 5 % de solution alcaline. Placés dans une cuve en acier, des hydroxydes de potassium, des hydroxydes de sodium ou un mélange des deux feront leur travail sur la dépouille grâce à un chauffage à 90 °C.
Une pratique considérée comme plus respectueuse des défunts par leurs proches
Ce procédé – parfois appelé « aquamation » – prend plus de temps que la crémation traditionnelle. Il faut une dizaine d’heures à la solution alcaline pour reproduire de manière très accélérée la décomposition d’un défunt placé sous terre. Le corps libère ainsi les éléments naturels qui le constituent : acides aminés, peptides, sels et sucres.
L’aquamation est avant tout une façon de réaliser des funérailles écologiques. Sans recours aux énergies fossiles, cette option évite le rejet de substances polluantes ou nocives comme le monoxyde de carbone ou les métaux lourds. La principale différence entre les deux méthodes est que les proches des personnes ayant opté pour la crémation dans l’eau récupèrent jusqu’à 30 % de cendres en plus.
Il est important de noter que les restes issus d’une aquamation sont stérilisés par le procédé. Il est donc possible de les rendre à la famille en toute sécurité, ouvrant ainsi la voie à la dispersion des cendres dans la nature. L’étape de préparation du corps est également moins contraignante, car il n’est pas nécessaire de retirer les dispositifs médicaux et les implants avant l’aquamation.
Cette méthode est également moins coûteuse. Bien qu’interdite en France, cette méthode d’inhumation coûte 350 euros dans les pays qui l’autorisent. C’est plus cher qu’une crémation traditionnelle, dont le prix peut varier en France entre 470 et 980 euros, selon le site Happy End.
Aujourd’hui, les États-Unis autorisent l’aquamation dans 24 États.
Tous ces éléments dressent le portrait d’une technique d’avenir, répondant aux enjeux climatiques. Celle-ci est pourtant loin d’être nouvelle puisqu’elle existe depuis 1888. À l’époque, il s’agissait de transformer des carcasses animales en engrais pour les plantes. Mais ce n’est que plus d’un siècle plus tard que la méthode se démocratise grâce à un nouveau brevet. En 1994, l’aquamation devient un moyen d’éliminer en toute sécurité les animaux utilisés comme sujets de recherche.
Mais l’application de l’aquamation chez l’humain reste semée d’embûches. Un directeur de pompes funèbres américain, Jeff Edwards, a commencé à proposer cette option début 2011. Mais après 19 cérémonies, les autorités de régulation de l’Ohio (Etats-Unis) ont interdit la procédure. Aujourd’hui, la technique est autorisée dans 24 Etats et plusieurs autres sont en cours d’adoption (dont l’Ohio).
L’hydrolyse alcaline est légalement considérée comme une crémation. Cependant, il n’est pas possible d’utiliser cette option en France. L’été dernier, la BBC rapportait que la crémation par l’eau allait bientôt arriver au Royaume-Uni.
En 2011, une étude néerlandaise a prouvé les bénéfices de l’aquamation pour l’environnement. En comparant cette technique à l’inhumation, à la crémation par le feu ou à la cryomation (qui consiste à placer le corps dans de l’azote liquide à -200°C avant de le réduire en miettes), il est apparu qu’elle avait le plus faible impact sur l’environnement. L’inhumation étant la plus impactante, suivie de la crémation classique.
Un moyen de réduire l’impact environnemental des décès des baby-boomers
Mais c’est fin 2021 que l’aquamation a pris de l’importance avec la mort de l’archevêque Desmond Tutu, dernière icône sud-africaine de la lutte contre l’apartheid. Le prix Nobel de la paix 1984, décédé à l’âge de 90 ans, avait choisi cette méthode de crémation.
L’aquamation pourrait émerger dans les années à venir en raison de la prise de conscience générale autour des enjeux climatiques. Mais si certains pays ont un taux très élevé de crémation par le feu, d’autres l’interdisent. Cette pratique reste cependant fortement liée aux croyances religieuses. Si l’hindouisme et le jaïnisme poussent à cette pratique, le judaïsme orthodoxe ou l’Église orthodoxe l’interdisent. La crémation est également déconseillée chez les chrétiens.
Par ailleurs, le passage de la crémation par le feu à la crémation par l’eau devrait nécessiter un nouvel effort pédagogique avant de s’imposer. Cela nécessitera notamment de lever des barrières juridiques. Le sujet doit cependant s’imposer rapidement puisque la génération des baby-boomers devrait connaître un pic de mortalité vers 2034.
GrP1