La Cour internationale de justice demande à Israël d’évacuer la Cisjordanie
Coupable sur toute la ligne sans la moindre circonstance atténuante : la Cour internationale de justice, qui siège à La Haye, n’est pas entrée dans les détails. Les juges ont jugé vendredi que la présence d’Israël en Cisjordanie et dans la partie arabe de Jérusalem, conquise lors de la guerre des Six Jours en 1967, est illégale et que l’Etat hébreu doit mettre fin à sa présence « le plus rapidement possible » en évacuant les quelque 650 000 Israéliens vivant dans ces territoires, tout en indemnisant la population palestinienne. La cour s’est également saisie de l’accusation d' »apartheid » pour dénoncer la « discrimination systématique et le régime de ségrégation » qu’Israël imposerait en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Pour l’heure, ce jugement n’a pas de conséquences concrètes. La Cour a cependant appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à « considérer quelles actions sont nécessaires pour mettre fin à la présence israélienne dans ces territoires dès que possible ». Les juges appellent ainsi implicitement à des sanctions internationales dans le cas où Israël refuserait de se plier à leurs injonctions. Ce scénario paraît pour l’instant peu probable. Les États-Unis ne manqueraient pas d’opposer leur veto à de telles sanctions. Mais, selon les médias et les avocats israéliens, il serait illusoire de penser qu’il s’agit d’un simple coup de poignard infligé par une cour a priori hostile à l’État hébreu.
Réflexe d’unité nationale
Sur le plan intérieur, la décision a provoqué un réflexe d’unité nationale. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que la cour avait entériné une « opinion absurde puisque le peuple juif ne peut pas occuper sa propre terre », citant la Bible. Le chef de l’opposition centriste Yaïr Lapid a qualifié la décision de « connotation antisémite ». Deux ministres d’extrême droite ont appelé à l’annexion immédiate de la Cisjordanie en représailles. Jérusalem-Est avait déjà été annexée en 1980. Seuls les députés de l’opposition arabe – qui représentent une minorité de 20% de la population israélienne – ont exprimé leur soutien à la décision.
Sans surprise, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, qui contrôle une partie de la Cisjordanie, a salué cette « victoire de la justice ». Le Hamas, responsable des massacres du 7 octobre dans le sud d’Israël qui ont déclenché la guerre qui dure depuis plus de neuf mois dans la bande de Gaza, a également applaudi et appelé la communauté internationale « à prendre des mesures impératives pour mettre fin à l’occupation ».
« C’est un coup porté à notre image de marque »
Certains commentateurs, tout en rejetant un jugement jugé partial, s’inquiètent pour l’avenir. « C’est un coup dur porté à notre image de marque auprès des pays du monde entier, mais aussi à l’égard des banques étrangères, des fonds de pension, qui investissent chez nous, des multinationales, qui pourraient sanctionner des entreprises israéliennes », prévient Alon Pinkas, ancien consul général israélien à New York, dans « Haaretz », quotidien d’opposition de gauche.
Ynet, le site d’information le plus populaire du pays, évoque également la possibilité que le jugement pousse Benjamin Netanyahu « à radicaliser ses positions » en accélérant la construction de colonies voire en annexant formellement une partie de la Cisjordanie. « On peut supposer que Benjamin Netanyahu prie pour la victoire électorale de Donald Trump, qui pourrait s’attaquer à toutes les juridictions internationales » envers lesquelles l’ancien président américain n’a jamais caché son hostilité.
Mandats d’arrêt
Un diplomate israélien, qui a souhaité garder l’anonymat, prédit que ce jugement fournira « malheureusement » des arguments à la Cour pénale internationale, dont les juges doivent se prononcer sur les mandats d’arrêt internationaux demandés le 20 mai par le procureur général Karim Khan contre Benjamin Netanyahu et Yoav Galant, le ministre israélien de la Défense. Il estime que « d’autres dirigeants politiques et militaires pourraient désormais être visés par une telle sanction ».