Il est plus que jamais impératif de mettre en œuvre des réformes majeures, insiste l’institution financière, qui dénonce une « perte de contrôle » des comptes sociaux.
C’est une preuve supplémentaire du dérapage des finances publiques et du prochain dossier explosif du gouvernement. Même si l’épidémie de Covid est terminée, et en l’absence de nouvel événement exceptionnel, la trajectoire des comptes de la Sécurité sociale continue de se dégrader. Après un déficit de 10,8 milliards d’euros en 2023, les comptes sociaux devraient continuer de sombrer dans le rouge et le fameux « trou » de la Sécurité sociale culminera à 17,2 milliards d’euros en 2027. Un tel niveau de déficit est « un point de bascule » car le financement des déficits de la Sécurité sociale n’est plus assuré à long terme, prévient la Cour des comptes, dans un rapport publié ce mercredi. Dénoncer un « perte de contrôle » comptes sociaux, Pierre Moscovici, premier président de l’institution, affirme que la trajectoire actuelle est devenue « insoutenable » et estime qu’il est impératif de mettre en œuvre des réformes majeures car « les perspectives d’avenir sont inquiétantes ». Entre autres mesures chocs, elle recommande par exemple de ne plus compenser les arrêts maladie de moins de 8 jours ou encore de mettre fin aux « niches sociales » un certain nombre de compléments de salaire comme la mutuelle, les chèques repas, les chèques vacances, les heures supplémentaires, la participation, l’intéressement, etc.
Les retraites sont les principales responsables de la dégradation des comptes, avec un déficit qui passerait de 1,5 milliard en 2023 à 10,8 milliards en 2027. En effet, la réforme des retraites d’Emmanuel Macron « n’aura que très progressivement des effets financiers favorables sur les comptes de la Sécurité sociale », souligne la Cour. Par ailleurs, la situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) – assureurs hospitaliers et agents territoriaux – va devenir « de plus en plus préoccupant »avec un déficit qui devrait continuer à se creuser sur la période pour dépasser les 8 milliards d’euros en 2027. Il représenterait à cette date les trois quarts du déficit de la branche vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Élimination des transferts entre régimes de retraite
Sur ce chapitre des retraites, la Cour recommande de mettre fin au système de compensation démographique entre régimes de retraite. Peu connu du grand public, ce mécanisme de solidarité amène des régimes à nombreux cotisants à venir soutenir des régimes déséquilibrés. Ainsi, chaque année, le régime des salariés du privé effectue par exemple des transferts financiers au profit du régime en faveur des agriculteurs, des fonctionnaires de l’Etat, de la SNCF, de la Banque de France, etc. Créé en 1974, ce système était censé quatre dernières années, et pourtant près de cinquante ans plus tard, 6 milliards d’euros sont encore transférés en 2022 entre 17 régimes de retraite de base. « Mal géré, ce dispositif repose désormais sur une architecture artificielle »» affirme Pierre Moscovici, et mérite d’être supprimé.
Avec les retraites, la santé reste l’autre grande source de dépenses de la Sécurité sociale. Dans ses prévisions, le gouvernement prévoit de réduire le déficit du secteur de la santé de 11,1 milliards en 2023 à 9 milliards par an de 2025 à 2027. Ce déficit structurel est dû aux augmentations salariales du personnel hospitalier et médico-social accordées dans le cadre . de « Ségur de la Santé » (10,9 milliards de 2021 à 2023) et la forte demande de soins de la part d’une population dont l’espérance de vie augmente. Mais stabiliser le déficit du secteur de la santé à 9 milliards d’euros nécessite de maintenir une forte pression sur les dépenses de santé, pour contenir leur progression en dessous de 3% par an alors qu’elles augmentent naturellement de 4% avec le simple vieillissement. Population. Un véritable tour de force que la Cour juge peu crédible. Elle juge ce scénario « trop optimiste »dans un contexte où la situation financière des hôpitaux publics et des Ehpad reste préoccupante avec des déficits de plus en plus élevés. « Cela impliquerait des économies significatives, concrètes et rapides, même si le gouvernement n’a annoncé, à ce jour, aucune réforme en ce sens »dit Pierre Moscovici.
Augmentation d’impôts cachée
Cette situation a une conséquence majeure. La charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), chargée d’amortir les déficits de la Sécurité sociale accumulés année après année sur les marchés, s’alourdit. En 2027, « Le déficit deviendrait supérieur à la capacité d’amortissement de la Cades. La dette sociale recommencerait alors à croître sans perspective claire de retour à l’équilibre, ce qui est tout à fait inédit., prévient Pierre Moscovici. Cela risque de rendre inévitable, une fois de plus, une prolongation de la durée de vie de la Cades alors qu’elle devait expirer en 2033. Une telle prolongation constitue en réalité une augmentation d’impôt cachée qui ne dit pas son nom, sans que les Français s’en rendent compte. En effet, la Cades est financée par une partie de la CSG et de la CRDS, prélevée chaque mois sur leurs salaires. Autant de prélèvements qui devront donc être rallongés.