Après trente ans, le combat s’arrête ici. La Cour de cassation a rejeté, ce mardi 15 octobre, la demande de réhabilitation judiciaire de Jacques Fesch, condamné à mort et guillotiné en 1957 pour le meurtre d’un policier lors d’un braquage raté, déposée par son fils Gérard Fesch. Une décision sans appel.
Le 6 juin, lors d’une audience du mois de juin, filmée pour les archives historiques, la Cour de cassation s’est penchée sur ce destin singulier. Gérard Fesch, représenté par Me Patrice Spinosi, a défendu la réhabilitation judiciaire de son père, Jacques Fesch. Cette procédure, qui n’est ni une amnistie ni un réexamen, aurait correspondu à un effacement de la peine du procès-verbal, une sorte de « grâce laïque ».
Ce mardi, la plus haute juridiction a rejeté la demande, estimant que « les éléments analysés pris dans leur ensemble ne constituent pas des garanties suffisantes de modification ».
Une conversion spectaculaire
Le 25 février 1954, Jacques Fesch, fils de bonne famille, tente de braquer un changeur d’or rue Vivienne à Paris. A 23 ans, le jeune homme souhaite acheter un voilier pour rejoindre Tahiti. Mais l’opération tourne mal. Dans sa fuite, il a tiré, blessé plusieurs personnes et tué un policier, avant d’être maîtrisé.
Lors de son procès, malgré ses aveux et ses excuses, Jacques Fesch a été condamné à la peine de mort. Son pourvoi en cassation a été rejeté, tout comme son pourvoi en grâce. Même les pétitions n’y changent rien. Le 1er octobre 1957, le jeune homme est exécuté à la prison de la Santé à Paris.
Durant ses trois années de prison, Jacques Fesch change et entame une spectaculaire reconversion. « Paresseux et vantard » de réputation, cet homme, qui avait volé son beau-père et acheté une voiture de sport avec l’argent prêté par sa mère pour fonder son entreprise, a découvert « brutalement » la foi chrétienne en détention, écrit-il.
Un chemin spirituel qu’il met sur papier, remplissant des centaines de pages. Ses écrits, publiés à titre posthume et traduits dans le monde entier, connaissent un grand succès. Une école porte désormais son nom, et un « procès de béatification » a commencé pour ce « modèle de rédemption », comme l’a rappelé devant la Cour de cassation Me Patrice Spinosi, l’avocat de Gérard Fesch.
« N’oubliez pas que tout le monde peut se repentir »
Agé aujourd’hui de 69 ans, Gérard Fesch, confié à l’Assistance publique depuis sa naissance, n’a jamais connu son père, ni sa mère, qui a requis l’anonymat en l’abandonnant. Ce n’est qu’en 1994, à l’âge de 40 ans, que Gérard Fesch découvre par hasard l’identité de son père. En 2008, après plusieurs années d’efforts, Gérard, à qui l’Assistance publique a donné le nom de Droniou, devient officiellement Gérard Fesch.
« J’y crois », a répondu Gérard Fesch à l’AFP. « Obtenir la réhabilitation » de son père, ce n’est pas « effacer ce qu’il a fait », mais plutôt « se rappeler que chacun peut se repentir et se racheter », a-t-il expliqué.
Mais lors de l’audience de juin dernier, le procureur général n’était pas convaincu. Jacques Fesch avait certes été irréprochable en détention mais n’avait rien « apporté » à la société ; et rien, dit-il, ne permet d’établir qu’il ait indemnisé les victimes. Quant à son « élévation religieuse », elle concerne principalement la sphère intime, a-t-il estimé. Et si Jacques Fesch est devenu un modèle pour les autres après sa mort, c’est « indépendamment de sa volonté ». Il s’est donc prononcé en faveur du rejet de la demande – une première car cela n’a été possible que récemment, et probablement la dernière.
« Vous pouvez reconnaître ce droit au pardon »
Fondée sur l’idée du pardon, la procédure de réhabilitation est une « mesure bienveillante », permettant d’« effacer » la condamnation une fois la peine purgée – à condition que le condamné prouve sa « bonne conduite » pendant cinq ans.
Un délai qui, par définition, ne peut exister pour une personne condamnée à mort. La loi a été modifiée en 2020 grâce au combat de Georges Fesch, pour créer un recours spécifique ouvert aux ayants droit d’un condamné à mort, « tendant au rétablissement de leur honneur en s’appuyant sur les garanties de correction qu’ils ont pu apporter ». « .
« La décision que vous vous apprêtez à prendre est historique », a déclaré M. Spinosi lors de l’audience. Et au-delà du combat de Jacques Fesch et de son fils, c’est l’occasion « de prononcer une décision symbolique contre la peine de mort ». « Réhabiliter Jacques Fesch signifie que, s’il avait vécu, il aurait pu montrer qu’il avait changé, c’est-à-dire qu’il était plus grand que son crime », a-t-il soutenu. « Vous pouvez reconnaître ce droit au pardon. »