« La construction du récit nationaliste hindou a pris, sous Narendra Modi, une couleur internationale d’une ampleur sans précédent »
La montée en puissance de l’Inde commence à modifier la place des affaires internationales dans la compétition électorale qui s’est ouverte le 19 avril et qui se clôturera le 1euh Juin. L’idée selon laquelle la politique étrangère n’est pas la préoccupation majeure des électeurs reste sans doute valable, mais quelque chose est en train de changer, car la construction du récit nationaliste hindou a pris, sous Narendra Modi, au pouvoir depuis dix ans, une couleur internationale d’une ampleur inédite. . Une triple rhétorique électorale est ainsi à l’œuvre.
Une première partie du discours prend acte de cette montée en puissance, l’Inde étant désormais le pays le plus peuplé du monde. En 2019, elle est devenue la cinquième économie mondiale, devant le Royaume-Uni et la France. Argument électoral : donnez-moi un troisième mandat, et je ferai de l’Inde la troisième économie mondiale – un objectif réalisable quand on compare les prévisions de croissance du FMI pour 2024 : 6,8% pour l’Inde, 0,9% pour le Japon, 0,2% pour l’Allemagne.
Objectif à plus long terme : l’Inde doit devenir un pays développé d’ici 2047 100e anniversaire de son indépendance. Au-delà de la croissance, il faut donc améliorer l’indice de développement humain médiocre, qui place l’Inde à 134e rang mondial en 2022. Peu importe : ceux qui sont au pouvoir nous disent que l’Inde est entrée, cette année-là, dans celle des 75e anniversaire de l’indépendance, à l’époque propice de‘Amrit kaalun concept issu de l’astrologie védique, annonçant ici une économie florissante.
Présidence du G20
La deuxième partie de la rhétorique officielle lie l’accession au pouvoir de l’Inde à son « ethos civilisationnel », enfin retrouvé et lui permettant de liquider les restes du colonialisme qui auraient persisté dans les esprits après l’indépendance. Le portrait est ainsi dressé d’une Inde qui se définit comme Bharat, son nom sanskrit, la « mère des démocraties », nonobstant la structuration traditionnelle des castes ; une Inde qui se veut le gourou du monde, gourou vishwamais aussi l’ami du monde, vishwa bandhu.
La présidence indienne du G20 a illustré cette conjonction entre discours nationaliste, place revendiquée dans le monde et stratégie électorale, New Delhi ayant modifié le calendrier des présidences pour assumer celui qui s’est terminé cinq mois avant les élections législatives. La phrase sanscrite « Le monde est une famille » a inspiré la devise du G20 indien : « Une terre, une famille, un avenir. » Un G20 dont le logo offrait non seulement l’image du lotus, « fleur nationale » de l’Inde mais aussi le symbole du Bharatiya Janata Party (BJP), parti de Narendra Modi : le globe terrestre repose sur ce lotus, une manière de suggérer que L’Inde porte le monde…
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