EXPOSITION – L’institution parisienne invite les visiteurs à partir sur les traces des explorateurs. Et projette au planétarium un film inédit et poétique sur la cavité découverte il y a 30 ans.
Bien que l’accès à la grotte Chauvet soit réservé aux scientifiques – et ce encore, quelques semaines par an – le photographe Raphaël Dallaporta a réussi à convaincre le ministère de la Culture de le laisser entrer dans le saint des saints. A partir de six heures sur place, il a réalisé des images magnifiques, et un film onirique et poétique de trente minutes. « J’ai photographié en résolution 8K, un procédé d’ultra haute précision, et en noir et blanc, ce qui permet une utilisation plus subtile des lumières. « , explique le photographe. L’absence de couleurs, y compris pour les fresques pariétales, n’enlève rien : les lignes noires au fusain sont sublimées, et la forme des stalactites et de la roche se révèle. La grotte est « incarner » par une voix féminine, celle de l’interprète Barbara Carlotti, qui en fait un être vivant.
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Projetée dans la coupole du planétarium de la Cité des Sciences, à 360 degrés, l’œuvre de Dallaporta s’accompagne d’une grande exposition sur la contribution et l’action des chercheurs qui ont l’honneur — et la chance — d’étudier Chauvet. Après sa découverte par trois spéléologues, Éliette Brunel, Christian Hillaire et Jean-Marie Chauvet, en 1994, une équipe multidisciplinaire s’est constituée.
Les yeux d’une multitude d’érudits s’illuminèrent à l’idée de descendre dans la cavité, puisqu’à l’époque on n’y avait pas marché depuis au moins 21 500 ans. Éthologues, géomorphologues, paléontologues, acoustiques, généticiens ou encore ichnologues… les spécialistes les plus pointus ont depuis défilé sur le site ardéchois pour tenter d’en percer les mystères. « Défilé » est un bien grand mot, puisque le ministère de la Culture limite les travaux dans la grotte à quatre semaines par personne.
Empreintes animales et humaines
La recherche, apprend-on, est systématiquement réalisée au mois de mars, lorsque le taux de CO2 est le plus faible. Il est demandé à chacun de porter une combinaison blanche, des chaussures adaptées, un harnais et une lampe frontale. La cavité s’est formée il y a 5 millions d’années, mais des éboulis ont bloqué son accès principal il y a 21 500 ans.
Aujourd’hui, la descente se fait par un tunnel, puis en descente raide sur des marches en fer sur 10 mètres. Une fois dans l’espace initialement large et haut, les scientifiques doivent se tenir sur une passerelle métallique de 60 cm de large, installée dans les années 1990. Il parcourt les 200 mètres de la grotte et la succession de salles, couloirs et galeries. Il est parfois impossible de se tenir debout, comme dans la galerie des Croisillons : des photos montrent des chercheurs assis en tailleur ou parfois même allongés.
Qu’apprennent ces scientifiques lorsqu’ils ne peuvent ni fouiller le sol ni toucher les murs ? Ils regardent longuement les 1 000 dessins et fresques, photographient en 3D avec de longues perches, captent des sons, mesurent l’impact du climat sur cet espace clos, étudient la manière dont le calcaire s’est déposé au fil du temps, ou encore le processus de transformation du sol. effondrement. Outre des fresques parfaitement conservées, la cavité contient des empreintes d’animaux et d’humains, des ossements (au nombre de 4 500) et du charbon de bois au sol. Bien entendu, tout est scruté. Une fois chargés de données, les chercheurs les emportent dans leurs laboratoires et poursuivent leur travail.
Fresque des Lions
« Les scientifiques disent souvent que la grotte leur parle, et nous avons voulu mettre le visiteur dans la peau de celui qui fait des recherches. « , explique Christelle Guiraud, commissaire de l’exposition qui déploie des jeux et des dispositifs ludiques qui séduiront. Nous pouvons ainsi « travailler » sur l’étude des incendies de la galerie Mégacéros, observer les empreintes de celle des Croisillons, écouter les bruits de la grotte avec des écouteurs, faire « parler » des excréments fossilisés ou essayer de comprendre comment les dessins ont été réalisés.
De nombreuses manipulations et audios sont proposés, mais l’exposition propose peu d’images filmées. Selon un parti pris assumé, la Cité des sciences se veut sobre et à faible impact environnemental. Scénographie conçue en interne, mobilier en bois brut et modulable, systèmes d’exposition low-tech… On est loin d’une exposition immersive, comme on la voit fleurir partout en France.
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Grâce à l’artiste Gilles Tosello, des fragments de murs, dont la célèbre fresque des Lions réalisée il y a moins de 38 000 ans, ont encore été reconstitués. L’éblouissement est total devant cette grande scène de chasse, presque animée, où des lions poursuivent des bisons. Elle a permis de remettre à zéro certains compteurs scientifiques : en découvrant la grotte, on s’est rendu compte que le Homo sapiens, des milliers d’années avant Lascaux, l’art rupestre était déjà parfaitement maîtrisé. Le mythe de « l’enfance de l’art » en prend un coup, et celui de la grotte Chauvet ne fait que croître.
En sortant de l’exposition, on se demande ce que la cavité a encore à nous apprendre. Qui étaient exactement ces hommes autorisés à peindre des animaux et qui laissaient leurs empreintes au sol et sur les murs ? À moins que les avancées technologiques futures ne permettent des progrès majeurs, une part de mystère demeurera et, avec elle, le mythe perdurera.