La Chine procède au premier essai de missile balistique intercontinental depuis 44 ans
Contrairement à d’autres puissances nucléaires, et même si elle lance fréquemment des fusées Longue Marche dans le cadre de son programme spatial, la Chine ne tire que rarement – voire jamais – de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), pourtant très proches en termes de technologie. Du moins, officiellement. Et jusqu’à présent, le dernier essai d’un tel engin remonte à mai 1980.
À l’époque, l’Armée populaire de libération (APL) avait lancé deux missiles DF-5, qui s’étaient écrasés dans l’océan Pacifique après avoir parcouru un peu plus de 11 000 km. Le deuxième tir avait été considéré comme un échec car le missile avait dévié de sa trajectoire.
Par ailleurs, l’annonce faite le 25 septembre par le ministère chinois de la Défense constitue une surprise.
« Le 25 septembre à 08h44 (00h44 GMT), la Force de missiles de l’Armée populaire de libération a lancé avec succès un missile balistique intercontinental transportant une ogive d’entraînement factice dans l’océan Pacifique. Il a atterri avec précision dans la zone maritime prédéterminée », a-t-il déclaré.
Il a ajouté : « Ce lancement de missile fait partie du programme annuel d’entraînement de routine de la Force des missiles » et il « est conforme au droit et à la pratique internationaux et ne vise aucun pays ou cible spécifique ».
Que veut dire le ministère chinois de la Défense par « entraînement annuel de routine » alors qu’il a fallu quarante-quatre ans pour lancer un nouveau missile balistique intercontinental ? Prend-il en compte les essais de planeurs hypersoniques ?
Pékin n’a pas précisé le modèle du missile lancé. Actuellement, la force de missiles de l’APL dispose de deux types d’ICBM, à savoir le DF-31AG et le DF-41. Un troisième est en cours de développement. Baptisé DF-5C, il aurait une portée de 16 000 km et la capacité de transporter plusieurs ogives nucléaires (Multiple Independently Targeted Reentry Vehicle).
Ces dernières années, la Chine a lancé un programme visant à l’équiper de 250 silos de lancement DF-31/41, répartis sur trois sites différents. A cela s’ajoutent des missiles balistiques mobiles, portés par des tracteurs-érecteurs-lanceurs (TEL) et des missiles balistiques mer-surface JL-2 et JL-3 exploités par ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).
Quoi qu’il en soit, le fait que l’APL ait attendu quarante ans pour procéder à un essai de missile balistique intercontinental pose question. « C’est extrêmement inhabituel (…). Cet essai reflète probablement la modernisation en cours de l’arsenal nucléaire chinois, qui se manifeste par de nouveaux besoins d’essais », a commenté Ankit Panda, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, selon l’AFP.
Cela dit, il est difficile de ne pas prendre en considération le contexte international, marqué par la rivalité croissante entre la Chine et les États-Unis, les conflits territoriaux sino-philippins (entre autres) et les tensions autour de Taïwan.
« La Chine affirme que ce lancement ne vise aucun pays… mais il existe de fortes tensions entre la Chine et le Japon, les Philippines et bien sûr des tensions persistantes avec Taïwan. Ce lancement est un signal puissant destiné à intimider tout le monde », a déclaré à X Drew Thompson, chercheur à la Lee Kuan Yew School of Public Policy de Singapour. Et cela peut également être considéré comme un « signal stratégique » adressé aux États-Unis.
Photo : Missile DF-26 – illustration / archive