La chasse aux « rentes » lancée, avec des pistes encore floues : Actualités
La chasse aux « rentes » pour combler une partie du déficit public est ouverte, avec la mise en place d’une task force parlementaire chargée d’identifier des pistes, mais celles-ci restent encore floues.
Face à un déficit public en baisse en 2023 à 5,5% du PIB (produit intérieur brut) contre 4,9% prévu, le gouvernement a annoncé en février des économies drastiques, 10 milliards d’euros en 2024 et 20 en 2025.
Pour combler le trou, il aurait aussi pu décider d’augmenter les impôts, mais s’est refusé à le faire, par souci de cohérence avec sa politique menée depuis 2017.
« Jamais » le gouvernement n’augmentera les impôts sur « les Français qui travaillent » ou sur « le fruit de leur épargne », a assuré mercredi le Premier ministre Gabriel Attal à l’Assemblée nationale.
En revanche, il est désormais question de « taxer les loyers », une notion susceptible de faire consensus, à la fois pour réduire un peu le déficit, et pour satisfaire une partie de la majorité inquiète des projets gouvernementaux de durcissement des conditions de l’assurance chômage, ou vouloir voir les « super bénéfices » imposés.
Quatre députés de la majorité sont chargés d’y réfléchir dans les prochaines semaines : le rapporteur du budget Jean-René Cazeneuve, la députée Renaissance Nadia Hai, le chef des députés MoDem Jean-Paul Mattei et l’élu Horizons François Jolivet.
Mais de quelles « rentes » seront discutées dans ce groupe de travail ? « Cela fait une semaine que je me pose cette question », explique à l’AFP Philippe Bruneau, le président du Cercle des Fiscalistes, un groupe de réflexion régulièrement consulté par les pouvoirs publics lorsqu’ils mènent ce type de réflexion.
« Pour ma part, je sais ce qu’est une rente au sens fiscal du terme, ce qui ne semble pas être ce qui est envisagé actuellement », poursuit-il.
Ce spécialiste rechigne donc à considérer comme une rente les bénéfices exceptionnels de certaines entreprises ayant gagné beaucoup d’argent lors des crises récentes, car « qui dit bénéfice exceptionnel, dit aussi possibilité de pertes exceptionnelles » dans une conjoncture moins favorable.
M. Cazeneuve a présenté sa propre définition de la rente, jeudi sur LCP : « Ce qui n’est pas directement ou indirectement le résultat de votre travail, (c’est-à-dire) ce sont des profits très importants, que certains appellent des +superprofits+ qui ne seraient pas liés à la performance de l’entreprise mais au contexte économique, lié à l’inflation… », a-t-il déclaré.
– « Ce n’est plus du tout l’objectif » –
Il pourrait s’agir, à tout le moins, de réduire la contribution aux « revenus inframarginaux » des énergéticiens, qui ne rapportaient que 600 millions d’euros en 2023 contre les trois milliards d’euros espérés.
« Je veux qu’on recalibre cette fiscalité », mais aussi « qu’on regarde tous les secteurs d’activité : les transports », y compris les autoroutes, ou encore les « laboratoires pharmaceutiques » : « On va tout regarder », affirme Mme Hai, classée au l’aile gauche du camp présidentiel.
Des rachats d’actions par les entreprises pourraient aussi être dans le viseur : « il ne s’agit pas directement d’une rente, mais d’argent qui n’est pas mis au service de l’investissement », selon M. Cazeneuve. M. Mattei serait favorable à cette taxation, ainsi qu’à celle des « superdividendes ».
Les quatre parlementaires ont jusqu’à fin juin pour présenter leurs propositions, avec un « point d’avancement » en mai.
Le gouvernement n’a pas quantifié ce qu’il espère tirer de cette révision, alors qu’une séquence périlleuse s’ouvre, avec le risque d’une dégradation de la note souveraine de la France par les agences Moody’s et S&P Global dans quelques semaines puis des élections européennes du 9 juin. , qui a abaissé la note l’année dernière, considère une nouvelle dégradation comme « peu probable ».
Avant cette séquence, le gouvernement compte publier la semaine prochaine de nouvelles données de son programme pluriannuel de stabilité (PSTAB).
Avec sans doute de nouvelles explications difficiles à donner, car malgré cette révision des « loyers », ou les dix milliards d’euros d’économies d’urgence annoncés pour cette année, il est « très probable », après le dérapage de 2023, « que les 4,4 % prévus pour 2024 n’est plus du tout l’objectif prévu», a déclaré M. Cazeneuve sur LCP.
publié le 5 avril à 22h02, AFP