Vêtue d’une robe dorée, une femme sculpturale arpente le somptueux couloir d’une demeure aristocratique aux lustres étincelants. « C’est en français, c’est un château, un summum de la bienséance et du luxe : vu de l’étranger, c’est donc Versailles etMarie-Antoinette, sauf qu’elle est noire », décrypte Bertrand Dicale, journaliste à Franceinfo et commissaire de l’exposition qui vient d’ouvrir ses portes à la Cité internationale de la langue française.
La diva franco-malienne Aya Nakamura en prestation Biscuit dans la galerie Diane du château de Fontainebleau donne le ton de « C’est une chanson qui nous ressemble », première exposition au château de Villers-Cotterêts (Aisne), au titre emprunté à Feuilles mortes de Prévert. Le chanteur, qui devrait chanter Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, incarne l’influence française. Ses records d’exportation d’or et de platine, exposés avec son palmarès, le confirment.
Chanteuse francophone la plus streamée au monde depuis cinq ans, Aya Nakamura brille même dans des pays réputés impénétrables à la langue de Molière comme le Costa Rica, les Émirats arabes unis ou l’Inde. « La chanson francophone destinée à l’export n’est pas un sujet de nostalgie, ce sont des événements d’actualité », commente Bertrand Dicale.
Yvette Guilbert a conquis l’Amérique en 1894
« La Francophonie ne va pas mal, notamment grâce à la chanson, souligne Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française. Dans cette maison, qui n’est ni un musée ni un conservatoire, mais le lieu où la langue française vit, s’invente, s’enrichit, il était évident que notre première exposition temporaire devait être consacrée à la chanson. » , il ajoute.
Un français lettré, romantique et joyeux, ouvert sur le monde, est ici chanté avec de grands tubes à écouter. Mine d’informations, de trouvailles et de musique, l’exposition fait la part belle aux femmes, meilleures ambassadrices de la chanson française depuis qu’Yvette Guilbert, égérie de Toulouse-Lautrec, a fait sa première tournée américaine en 1894.
Hardy en blanc, Gréco en noir
Feu Françoise Hardy, dont les funérailles ont été célébrées jeudi 20 juin à Paris, a fasciné Londres et Mick Jagger. Son costume de scène blanc de Courrèges côtoie les robes noires Balmain et Dior de Juliette Gréco. Ce dernier remplit les salles du Brésil en 1950, après une rumeur selon laquelle l’interprète de Déshabille moi je chanterais nue. Gréco, dans son « working black », a néanmoins conquis son public.
Exceptionnelle, la guitare en forme de continent africain du groupe Kassav’, qui a fait voyager le zouk à travers le monde, a été prêtée par le Musée des Musiques Populaires de Montluçon (Allier). On découvre également les partitions de l’album Deux de Céline Dion, perdu par ses auteurs, Jean-Jacques Goldman et Erick Benzi, mais retrouvé à la Sacem. Et tous les 45 tours de Je t’aime… moi non plus, romance sulfureuse de Gainsbourg et Birkin.
Zaz en route pour chanter Je veux à Vladivostok, Joséphine Baker portant j’ai deux amours au firmament, Piaf et Aznavour conquérant le monde, Adamo, roi du Japon avec La neige tombe, Stromae fait entendre Papaoutaï loin… « Cette exposition s’adresse aux grands-mères pour qu’elles découvrent qui sont Aya Nakamura et Indila et aux petits-enfants pour qu’ils découvrent Maurice Chevalier, Moustaki et Rezvani, l’auteur de Tourbillon de vie « , résume Bertrand Dicale.
Le parcours n’oublie pas le patrimoine, Amour agréable a La Habanera de Carmen, le premier « hit » français devenu mondial. Il célèbre la créativité linguistique sans limites de la langue de Molière avec la joyeuse Titine, sommet du non-sens chanté par Chaplin dans Les temps modernes, avec sa rime absurde impérissable, « Tu la tu, la tu, la waa ».
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De nombreux records du monde
La Marseillaise est le titre français le plus écouté dans le monde.Le Boudinchant de marche de la Légion étrangère, le chant militaire le plus connu. Le déserteur, la chanson antimilitariste la plus populaire, écrite par Boris Vian, créée par Mouloudji, a été rendue célèbre par Pierre, Paul et Marie.
La vie en rose d’Édith Piaf a été reprise par 350 artistes. Charles Aznavour a écrit 1 400 chansons écoutées dans 80 pays. Dominique de Sœur Sourire (1962) est la première chanson francophone numéro un aux Etats-Unis
Je t’aime… moi non plus, de Serge Gainsbourg, est la chanson qui a rapporté le plus de royalties au monde. Deux de Céline Dion est l’album français le plus vendu de l’histoire.
Lire :Cette chanson me rappelle nous de Bertrand Dicale, Éditions du patrimoine-CMN, 224 p., 15 €.
« C’est une chanson qui nous ressemble, un succès mondial de la musique populaire francophone »jusqu’au 5 janvier 2025 à la Cité internationale de la langue française – Château de Villers-Cotterêts (Aisne)