Il a fait d’une société de location de DVD l’une des sociétés de divertissement les plus influentes au monde. Retour sur le parcours semé d’embûches du fondateur de Netflix, Reed Hastings.
Il n’hésite pas à dire que le patron de X (ex-Twitter), Elon Musk, est « cent fois plus intéressant » que lui. Qu’il ne sera jamais la personne brillante qu’était Steve Jobs, le fondateur d’Apple. Ou qu’il n’arrive pas à la cheville de Bob Iger, le PDG de Disney, qu’il qualifie d' »homme d’Etat ».
Pourtant, Reed Hastings, 64 ans, n’a rien à envier à ces grands noms de la tech et du divertissement. D’une simple société de location de DVD, le patron de Netflix a réussi à bâtir un géant de la vidéo à la demande et de la production de contenus.
Aujourd’hui, Netflix rassemble plus de 277 millions d’internautes dans le monde, dont plus de 12 millions en France. L’entreprise fête d’ailleurs le 15 septembre prochain ses 10 ans sur le sol français. Un succès façonné par le leadership et le style subversif de son fondateur devenu, en moins de trente ans, un acteur incontournable du paysage audiovisuel.
Un professeur de mathématiques en Afrique devient une société de location de DVD
Pour expliquer son succès, Roseau Hastings parle souvent des erreurs qui l’ont aidé à bâtir son empire. C’est parce qu’il n’était pas fait pour le camp d’entraînement des Marines qu’il commence à vendre des aspirateurs en porte-à-porte ou devient professeur de mathématiques dans une école de commerce. Swaziland (Afrique) dans le Peac Corp, un corps de volontaires américain.
Le fondateur de Netflix reste assez discret sur cette partie de sa vie. Il explique dans une lettre à ses anciens professeurs du Bowdoin College (Etats-Unis), relayée par Bowdoin Orient, avoir « adoré son expérience » au Swaziland.
« La première année, j’ai adoré. J’habitais avec une famille à environ 3 km de l’école et je marchais dans de belles vallées deux fois par jour », a-t-il écrit dans une lettre. « La deuxième année, j’ai vécu à l’école avec les autres enseignants et j’ai passé mes après-midi à jouer aux cartes et à boire de la bière. »
Mais « je ne passerais jamais mes journées à la maison comme ça », dit-il. En effet, sa vie au Swaziland est bien plus monotone que son quotidien à Boston, et le futur patron se sent parfois stagnant. « J’avais le sentiment très fort que je n’étais pas vraiment mis au défi », écrit-il.
Pour rompre son ennui, il cherche de nouveaux défis et commence déjà à entreprendre. « La réponse à mon ennui et à ma sous-utilisation a été de m’impliquer dans la communauté au sens large au lieu de me limiter à la cour de l’école », déclare Reed Hastings dans une autre lettre.
Il va élaborer un plan pour construire des réservoirs d’eau de pluie au sommet d’une colline afin d’aider les habitants à aller chercher de l’eau. C’est une solution bien moins coûteuse que les pompes à eau. Il aidera également les habitants à démarrer leur propre entreprise d’apiculture pour récolter le miel des abeilles tueuses.
Un parcours hors des sentiers battus donc, qui donnera à ce fils d’un avocat prospère de Boston le courage de tenter l’aventure entrepreneuriale.
« Une fois que vous avez fait de l’auto-stop à travers l’Afrique avec 10 dollars en poche, démarrer une entreprise ne semble pas aussi intimidant », a-t-il déclaré à Fortune.
C’est ce qu’il a fait. En 1991, il a cofondé Pure Software, une société spécialisée dans la détection et la correction de bugs logiciels. « J’étais un mauvais manager. J’ai essayé de me faire virer deux fois », se souvient-il. Business InsiderÀ seulement 26 ans, il vend l’entreprise pour 700 millions de dollars.
Un joli pactole qu’il a investi dans un service de location de DVD appelé… Netflix. La légende raconte que l’idée lui serait venue après une énième erreur lorsqu’il aurait rendu trop tard une cassette qu’il avait louée.
« Tout a commencé quand j’ai rendu avec six semaines de retard une cassette VHS du film Apollo 13 que j’avais louée au magasin de vidéo local. Cela m’a coûté une pénalité de 40 $. Je me suis senti vraiment stupide », raconte Hastings. Paris Match en 2014.
Le groupe, cofondé par Reed Hastings et Marc Randolph, fait un pari audacieux : proposer la livraison de DVD par courrier, plutôt que de s’appuyer sur un réseau de magasins. Le succès est rapide. En 2005, l’entreprise envoie un million de films par jour. En 2007, elle expédie son milliardième DVD. Un projet à contre-courant de tout ce qui se fait à l’époque, qui lui permet de renverser en quelques années les principales enseignes de location de vidéos.
« J’ai fait une erreur »
Convaincu que la location de DVD n’a qu’un avenir limité, il lance en 2007 un service de streaming. Le principe est simple : proposer une plateforme de divertissement sur laquelle les internautes peuvent accéder librement à un catalogue de films et de séries.
« Nous sommes nés avec le DVD et savions que ce serait temporaire, personne ne pensait que nous expédierions des DVD pendant des années », a-t-il expliqué lors d’une conférence TED en 2018.
La croissance défie les prévisions. Petit à petit, l’ascension de Netflix finit par cannibaliser les ventes de DVD. Sa plus grande épreuve, Reed Hastings le sait quatorze ans plus tard, en 2011. A l’époque, son service de streaming cartonne.
Enthousiaste, le chef d’entreprise veut accélérer. Et pour cela, il a besoin d’argent. Il décide alors d’augmenter le prix de ses abonnements de 60%. Une décision qui va faire chuter le cours de l’action de l’entreprise de 80% en quelques mois.
Le patron reconnaît son erreur, sans parvenir à enrayer le déclin de l’activité. « J’ai tout gâché », lance alors Reed Hastings, sans plus attendre. Cet épisode deviendra « le symbole de Netflix qui ne veut pas écouter les gens », admettra plus tard Reed Hastings.
Depuis, l’homme qui ressemble plus à un professeur qu’à un PDG, dont la fortune personnelle dépasse les 4,4 milliards de dollars selon Forbesa appris de ses erreurs. Il s’entoure désormais d’une équipe plus à l’écoute. Il n’hésite pas non plus à manger des sandwichs à la cafétéria aux côtés de ses collaborateurs ou à distribuer sa carte de visite aux étudiants de l’Ecole 42 de Xavier Niel pour discuter avec eux.
Sens du contact et management révolutionnaire
Cette capacité d’écoute et de confiance est précisément ce qui sauvera Netflix. En 2011, alors que l’entreprise est empêtrée dans sa descente aux enfers, Ted Sarandos propose un pari fou. Celui qui deviendra co-PDG de l’entreprise en 2023 après le départ à la retraite de Reed Hastings veut produire des films et séries Netflix.
La plateforme a alors décidé d’investir 100 millions de dollars dans la production de deux saisons de trente-six épisodes de Château de cartesdont le succès a été programmé. En effet, le géant du divertissement s’est appuyé sur son célèbre algorithme de recommandation pour prédire les comportements de visionnage des utilisateurs et garantir la popularité de son émissionReed Hastings ne se donnerait même pas la peine de tirer sur un pilote.
La série devient rapidement un succès mondial et pose les bases de ce qui fera le succès de Netflix : la production de longs métrages et de séries originales dont les épisodes sont disponibles en une seule fois. C’est ce que l’on appelle le binge-watching, ou visionnage illimité, qui va changer notre façon de regarder consommer du contenu.
Une révolution qui va entraîner avec elle le reste des acteurs de l’audiovisuel et du cinéma mondial. Pour preuve, tous vont se précipiter pour copier le modèle du géant du streaming et lancer leur propre plateforme. Parmi eux, Disney avec Disney+, Amazon avec Prime Video ou même Apple avec Apple TV+.
Dîners et autocritique
Non content d’avoir révolutionné l’industrie audiovisuelle, Reed Hastings se distingue aussi par ses méthodes tout aussi innovantes. Un management iconoclaste que Reed Hastings, 64 ans le mois prochain, place sous le signe de la liberté et de la responsabilité. Le roi du streaming est connu pour laisser ses employés choisir leur nombre de jours de vacances en échange de grosses performances. Dîners annuels où les équipes de l’entreprise californienne sont invitées à se critiquer les unes les autres en toute sincérité et sans concession sont également organisées. Au sein de l’entreprise, c’est lui qui fait l’objet du plus de critiques.
Le fondateur de Netflix a depuis cédé les rênes de son entreprise, après 25 ans à sa tête. En janvier 2023, il a cédé son poste de co-PDG à Greg Peters, aux côtés de Ted Sarandos. Un signe de changement de direction ? Pas pour Reed Hastings. « Si à chaque fois que le PDG change, il faut changer la culture, c’est le chaos », a-t-il expliqué dans une interview à Échos. D’autant que l’entrepreneur n’a pas totalement disparu des radars. Il est désormais président exécutif du groupe, à la tête du conseil d’administration.