La canicule enfin déclarée nouvelle cause de chômage technique dans le BTP – Libération
Le réchauffement climatique
Suite à un décret publié le 28 juin, les employeurs pourront arrêter les chantiers lorsque Météo France émet une alerte canicule orange ou rouge, tout en continuant à payer leurs salariés à 75%.
Le réchauffement climatique enfin pris en compte dans le code du travail. Après la neige, le gel et le vent, les canicules font leur entrée dans la liste des intempéries reconnues en France comme motif de chômage technique pour les salariés du BTP, suite à la publication d’un décret du gouvernement sortant le 28 juin. Ce nouveau motif ouvre la voie à une indemnisation en cas d’arrêt de chantier et marque l’aboutissement de plusieurs années de travail des syndicats du secteur. Le dossier, également soutenu par plusieurs organisations patronales du secteur, était déjà sur le bureau de la ministre du Travail l’été dernier. Aussi, à l’avenir, lorsque Météo France émettra une alerte canicule orange ou rouge, soit au moins trois jours et nuits consécutifs de chaleur intense, « le travail (doit) cesser »explique Patrick Blanchard, le secrétaire national de la CFDT construction.
Similaire au chômage partiel, le dispositif, appelé « chômage intempéries », a été créé par le secteur du BTP dans les années 1950 pour, à l’époque, minimiser les coûts en cas d’arrêt des chantiers pour cause de pluie, d’orage ou de neige. Il consiste à indemniser le salarié privé de travail à hauteur d’environ 75 % de son salaire brut, tandis que l’employeur est lui-même indemnisé par un fonds abondé par les cotisations des entreprises du BTP. L’inclusion des canicules dans le périmètre des intempéries couvertes n’entraînera pas d’augmentation des cotisations patronales, mais un simple « transfert » de celles actuellement prévues pour les épisodes de neige et de gel. Conséquence : Les entreprises qui y ont recours en période de canicule seront moins rémunérées que lors d’un épisode de gel, de neige ou de vent.
Concrètement, un salarié concerné par ce « chômage intempérie » en cas de canicule continuera de percevoir 75 % de son salaire brut, comme lorsqu’il est arrêté pour cause de gel par exemple. Son employeur, qui est habituellement remboursé à hauteur de 85 % de cette somme versée au salarié, verra son remboursement réduit en cas de canicule, explique une source patronale. Cette réduction est une expérimentation sur trois ans et, en fonction de l’ampleur du recours à ce « chômage intempérie », il sera décidé d’adapter ou non le taux de cotisation patronale.
Bien qu’elle soit satisfaite de cette avancée pour les salariés, la CGT craint que cette réduction « freine la volonté de certaines entreprises d’exposer leurs salariés aux intempéries », explique Frédéric Mau, secrétaire fédéral de la CGT Construction. Il rappelle qu’en cas d’alerte orange et rouge, « Nous invitons nos syndicats à produire un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent »qui est censé permettre aux salariés d’arrêter de travailler sans risque de sanction. Elle remet également en perspective le montant des indemnités versées aux salariés : « Sur 75% du brut, en fait le paiement final correspond plutôt à 50% de la rémunération, car nous avons beaucoup d’indemnités de repas et de déplacement. »
Un premier pas ?
La CFDT estime qu’il s’agit d’un premier pas. En effet, le décret gouvernemental ne prévoit pas « pics de chaleur »c’est-à-dire des épisodes qui durent un ou deux jours, sous alerte jaune canicule. Situations dans lesquelles les entreprises du secteur de la construction peuvent maintenir l’activité sur un chantier.
Une flexibilité que Patrick Blanchard souhaiterait voir abolie, compte tenu des risques que fait courir, selon lui, la chaleur aux salariés de ce secteur d’activité particulièrement accidentogène.
Malgré l’obligation pour les entreprises d’aménager les horaires de travail, de fournir des vêtements de travail couvrant l’intégralité du corps et de mettre à disposition de l’eau fraîche aux salariés, le risque demeure, explique le secrétaire national de la CFDT bâtiment. Et il donne l’exemple de l’inconfort, ou de la baisse d’attention due à la chaleur, qui peut conduire à l’une des principales causes de décès sur les chantiers : les chutes de grande hauteur.