TÀ trois ans de l’échéance présidentielle de 2027, la campagne des élections européennes permet de mesurer les bouleversements politiques survenus depuis 2017, point de départ d’une recomposition annoncée, puis sculptée par Emmanuel Macron. Le duopole Renaissance/Rassemblement national (RN), ou plutôt l’affrontement Macron-Le Pen, domine toujours la scène, malgré les tentatives de la droite et de la gauche pour le contrecarrer sous le premier comme le deuxième quinquennat.
Le jeu du chat et de la souris entre le président de la République et la femme qu’il a battue à deux reprises à l’élection présidentielle autour d’un prétendu débat de fin de campagne résume à lui seul ce rétrécissement du jeu politique : deux forces politiques qui se sont qualifiées de « progressistes » » et l’autre « patriote », et qui prétendent éclipser tous les autres.
Les deux protagonistes ont monté le duel, les médias ont contribué à le renforcer, les autres acteurs politiques ont été incapables de le perturber, faute d’avoir retrouvé un élan suffisant après la débâcle subie par la gauche et la droite en 2017. Certes, il y a un « Effet Glucksmann » (tête de liste Parti socialiste-Place publique) dans cette campagne, mais au sein d’un bloc de gauche qui reste globalement faible et marqué par un net recul des écologistes par rapport à 2019.
La liste Les Républicains (LR) apparaît, quant à elle, toujours en mauvaise posture, prise entre Renaissance et le RN, qui a réussi à asseoir son hégémonie sur toute l’extrême droite. En témoignent les difficultés de Marion Maréchal à faire entendre sa propre voix à la tête de la Reconquête ! liste.
Le RN, un parti opportuniste
Le duopole, qui jouait en 2019 à armes pratiquement égales (un point séparait la liste RN de celle de la majorité présidentielle), est aujourd’hui nettement dominé par le RN, en tête dans les sondages d’intentions de vote. et apparaît comme le vainqueur de la recomposition politique engagée depuis sept ans. Ni la dangerosité de la situation internationale, marquée par le retour de l’impérialisme, ni le tropisme poutinien de l’extrême droite française n’ont freiné la montée de ce parti bâti contre l’Union européenne (UE). De renonciation en renonciation (plus question de sortir de l’euro, de quitter le commandement intégré de l’OTAN ou de se mettre en marge du marché européen de l’électricité…).
Marine Le Pen a mis assez d’eau dans son vin pour exploiter à son profit tous les états d’âme de l’opinion publique sans pour autant aggraver l’inquiétude ambiante. En prétendant changer l’UE de l’intérieur plutôt que de la combattre de l’extérieur, elle a fait du RN un parti opportuniste, prêt à tout pour arriver au pouvoir. Le contexte européen le sert : partout ou presque partout dans l’UE, l’extrême droite passe à l’offensive, jouant sur les tensions identitaires et la peur de l’immigration. Dans l’enquête Ipsos pour France Télévisions, publiée jeudi 23 mai, ce sujet arrive en tête des priorités identifiées pour les années à venir, avec 10 points d’avance sur la lutte contre le réchauffement climatique (32%), 20 points avant la construction de une défense européenne commune.
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