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La campagne furieuse de Donald Trump pour l’élection présidentielle américaine

La campagne furieuse de Donald Trump pour l’élection présidentielle américaine

Le candidat républicain a multiplié les attaques personnelles contre sa rivale démocrate Kamala Harris et a inondé ses partisans d’un flot de propos xénophobes, accentuant encore un peu plus la rhétorique extrémiste qui l’a porté au pouvoir en 2016.

Donald Trump veut se venger. Quatre ans après une défaite contre Joe Biden qu’il n’a jamais voulu reconnaître, le milliardaire républicain vise une réélection à la présidentielle américaine face à la vice-présidente sortante, la démocrate Kamala Harris. Il entend arracher cette victoire au terme d’une campagne marquée par des violences, alimentées par la peur des autres. Alors que s’ouvre ce « jour d’élection » crucial pour les Etats-Unis, mardi 5 novembre, franceinfo retrace le parcours chaotique qu’a choisi Donald Trump pour tenter de reconquérir la Maison Blanche.

Ce samedi 13 juillet, Donald Trump s’élève au son de Que Dieu bénisse les États-Unis sur une plateforme rouge assortie à sa célèbre casquette « Make America Great Again » à Butler, en Pennsylvanie. «Quelle grande et belle foule!» » lance-t-il sous un grand soleil, avant de reprendre ses diatribes contre Joe Biden et l’immigration. Dans les sondages, le candidat est en position de force face au président sortant, âgé de 81 ans, après un débat télévisé désastreux face à celui qui représente toujours le Parti démocrate.

Dans la foule, une poignée d’Américains ont aperçu un homme armé sur un toit, à une centaine de mètres. « Regardez, il y a quelqu’un sur le toit ! » » crie un homme aux forces de l’ordre, selon NPR. En vain. A 18h11, Donald Trump se tait, se touche l’oreille droite, se recroqueville derrière son bureau. Trois coups de feu retentissent, suivis d’un cri : « Vers le bas! » Les agents des services secrets se précipitent sur scène. D’autres coups de feu suivent, avant qu’une dernière balle n’atteigne l’agresseur.

« J’ai tout de suite su que quelque chose n’allait pas. J’ai entendu un sifflet, des coups de feu et j’ai immédiatement senti la balle traverser la peau. »

Donald Trump

sur le réseau Truth Social

Ces 42 secondes sont diffusées en direct. Donald Trump vient d’être la cible d’une tentative d’assassinat. Lorsqu’il se lève, deux filets de sang coulent sur sa joue. Il lève un poing furieux et harangue la foule : « Lutte! » Une seconde de pur instinct politique. « C’est une image, un moment très émouvant de la politique américaine »note Jacob Neiheisel, professeur de sciences politiques à l’Université de Buffalo. « Dans 25 ou 30 ans, on regardera encore cette image et on dira qu’elle est vraiment puissante. »

Ce moment de l’histoire survient deux jours avant un événement politique très attendu : la convention républicaine qui l’intronisera comme candidat du Grand Old Party. Donald Trump y apparaît lundi, un bandage à l’oreille et à nouveau le poing levé. « Combattez ! Combattez ! Combattez ! » scande une foule qui réserve une longue ovation à son champion. Son discours d’investiture, le 18 juillet, est teinté d’un rare appel à l’unité : le milliardaire se voit devenir « le président de toute l’Amérique, pas de la moitié de l’Amérique. »

Donald Trump, cependant, vilipende le bilan de Joe Biden et martèle ce qu’il considère comme « la plus grande invasion de l’histoire »dirigé par des exilés qui « venez de partout ». Joe Biden est « stupide », a-t-il crié deux jours plus tard à Grand Rapids, Michigan. Les jours suivants, le candidat républicain a creusé un peu plus l’écart avec Joe Biden, constate le site FiveThirtyEight.

Mais le 21 juillet, Joe Biden renonce à un nouveau mandat. Poussé vers la sortie par son propre camp, le président sortant a adoubé Kamala Harris, plébiscitée par les démocrates. Donald Trump doit revoir sa stratégie. Le milliardaire est « désorienté » par ce nouveau rival, décrit le New York Times. Cette annonce plonge la campagne de Donald Trump dans sa période la plus mouvementée.

Ses conseillers l’appellent alors à jouer des contradictions de Kamala Harris, pour mener la bataille des idées. Donald Trump suit ce conseil par intermittence. En public, il présente non seulement le vice-président comme un « radical », mais je parle d’une femme « méchant », « corrompu », « fou ». En privé, les supporters entendent « Connard ». Les invectives aux connotations racistes et sexistes ne se font pas attendre. « Elle était indienne de bout en bout et tout d’un coup, elle a changé et elle est devenue noire », » a-t-il lâché fin juillet.

Sur son réseau social Truth Social, le candidat a également partagé le message misogyne d’un autre utilisateur, accompagné d’une image de Kamala Harris et Hillary Clinton. Avec cette légende : « C’est drôle comme les pipes ont eu un impact différent sur leur carrière… » Son rival est « aussi stupide que ses pieds », « une vraie poubelle », il répète encore et encore – jusqu’à oser « Merde vice-président ». «Le recours aux gros mots par Donald Trump a augmenté depuis 2021», observe le politologue Daniel Treisman de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Il étudie ses discours depuis 2015.

« Donald Trump prononce plus de gros mots que n’importe quel autre candidat depuis 1952. »

Daniel Treisman, politologue

sur franceinfo

La semaine de la convention démocrate en août, Donald Trump s’est furtivement recentré sur l’économie. Il défend les baisses d’impôts, parle de déréglementation ou de production nationale de carburant, souligne la New York Times. Les sorties verbales ne sont jamais loin. « Dois-je lancer des attaques personnelles ? Ou les éviter ? » a-t-il demandé lors d’une réunion en Caroline du Nord. La foule plaide à l’unisson pour le premier choix. Donald Trump « a toujours eu ce style très improvisé »observe Jacob Neiheisel. « Il s’attire des ennuis, mais cela semble extraordinairement naturel. »

Le 10 septembre, à 21 heures, Donald Trump rencontrait pour la première fois son concurrent, lors du premier – et unique – débat télévisé entre eux. Kamala Harris serre la main du républicain, avant d’être rapidement interrogée sur l’économie. L’inflation est au cœur des préoccupations et son rival a l’avantage d’être mieux perçu pour répondre à la hausse des prix. Plutôt que d’insister sur ce point, le milliardaire républicain s’écarte et dénonce le « Des millions de personnes envahissent notre pays. »

Une fois de plus, son obsession pour l’immigration domine. Un peu plus tard, Donald Trump va jusqu’à relayer une fausse déclaration raciste à l’encontre des immigrés haïtiens. « À Springfield, ils mangent des chiens. Ils mangent des chats. Ils mangent les animaux des gens ! Le journaliste David Muir s’en empare et dément la rumeur. L’ancien président, habitué aux « fake news », ne veut rien entendre : « Les gens disent à la télé que leur chien a été mangé. »

Dans les jours qui ont suivi, Donald Trump a martelé sans vergogne ce même mensonge, de l’Arizona à son golf du sud de la Californie, souligne NPR. « Nous allons procéder à la plus grande expulsion de l’histoire de notre pays. Et nous commencerons par Springfield et Aurora », il soutient, tandis que les alertes à la bombe se multiplient dans la première ville visée par ses attaques.

Ces propos xénophobes et racistes « sont courants » dans sa campagne, analyse l’anthropologue Norma Mendoza-Denton, auteur du livre La langue à l’ère Trump. Ces derniers mois, « son racisme était beaucoup plus direct, beaucoup plus franc, remarque le professeur de l’Université de Californie. Et c’est du racisme lié au sujet de la masculinité. Il parle des hommes migrants, qui nous « envahissent » et qui « vont s’en prendre aux femmes ». Des hommes « au comportement animal ».

A l’orée de l’automne, la campagne de Donald Trump s’accélère. La terre doit être labourée semaine après semaine. Cela l’est encore plus dans les sept Etats indécis qui organiseront les élections. Sa sécurité est une nouvelle fois menacée : mi-septembre, un homme a été repéré puis arrêté à proximité du golf où il jouait en Floride, pris en embuscade avec un fusil semi-automatique dans un buisson. Un autre a été arrêté un mois plus tard à proximité d’une réunion en Californie.

Donald Trump est déroutant, même dans son propre camp. Le 14 octobre, Donald Trump a préféré danser pendant plus de trente minutes au son de Luciano Pavarotti et d’Elvis Presley, plutôt que de répondre aux questions des habitants d’Oaks, en Pennsylvanie. Trois jours plus tard, en Floride, il considérait l’assaut du Capitole comme un « un jour d’amour ». Donald Trump se perd parfois «des discours plus longs et plus vagues»note Norma Mendoza-Denton.

« Il est pointé du doigt pour son incohérence et en fait une stratégie. Il dit pratiquer ce ‘zigzag’ en connaissance de cause. »

Norma Mendoza-Denton, anthropologue

sur franceinfo

Le milliardaire enfile même le tablier dans un McDonald’s de Pennsylvanie. L’air joyeux, l’amateur de frites apprend à les cuisiner et sert plusieurs clients. Une opération de communication savamment orchestrée contre Kamala Harris, qui a mis en avant son ancien job d’été au fast-food.

À l’approche du 5 novembre, le discours trumpien devient plus sombre. «C’est très choquant ces jours-ci» », commente Daniel Treisman à une semaine du scrutin. « Il parle de la société américaine d’une manière apocalyptique très inhabituelle. C’est devenu un aspect très important de ses discours. (…) L’utilisation d’un vocabulaire violent a clairement augmenté », développe le chercheur. « Il attaque davantage. (…) Son niveau de violence (verbal) se situe entre les discours du Nouvel An de Kim Jong-un et les discours du 1er mai de Fidel Castro. »

Pour preuve, il évoque ses opposants politiques comme un « ennemi de l’intérieur » contre lequel la Garde nationale pourrait agir si elle venait à perturber le vote. Donald Trump promet également de « tourne dans deux secondes » et d’expulser Jack Smith, procureur spécial enquêtant sur ses efforts pour annuler les résultats des élections de 2020. Même John Kelly, son ancien chef de cabinet à la Maison Blanche, le confirme les excès dictatoriaux du candidat.

« L’ancien président est d’extrême droite. Il est autoritaire, il admire les dictateurs, il a dit tout ça. Il répond à la définition d’un fasciste, c’est sûr. »

John Kelly, ancien chef de cabinet de Donald Trump

au « New York Times »

Le 27 octobre, dans le célèbre Madison Square Garden de New York, Donald Trump et ses alliés ont livré une synthèse de ces sombres paroles. Un comédien dépeint pour la première fois Porto Rico comme « une île flottante remplie d’ordures »obligeant le milliardaire à prendre ses distances avec ces propos. Son conseiller Stephen Miller, de son côté, promet un « L’Amérique pour les Américains, pour les Américains seulement », après une élection qui aura lieu « un jour de libération » d’occupants fictifs : les migrants.

A l’approche du vote, Donald Trump reprend sa rhétorique du« élections volées »ce qui a fini par convaincre ses partisans. Il dénonce ainsi un « tricherie » a « une échelle jamais vue auparavant » en Pennsylvanie, l’un des sept États swing. Comme quatre ans plus tôt, la rumeur de « fraude » s’amplifie sur les réseaux sociaux, à l’aide de vidéos trompeuses, non vérifiées ou fausses. Donald Trump laisse entendre qu’il pourrait une nouvelle fois refuser de reconnaître sa défaite s’il était battu. Ce même discours qui a poussé ses partisans survoltés à prendre d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021, pour tenter d’empêcher la certification de l’élection.

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