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la bombe sociale qui menace d’exploser dans le futur

C’est un risque dont la médiatisation reste faible par rapport aux inondations, à la submersion marine ou aux incendies de forêts : moins d’images spectaculaires, moins de drames en direct, moins de dégâts massifs. Ses victimes sont des individus, isolés ici et là, sans que rien ne les marque derrière la haie de troènes. Or, le retrait-gonflement des argiles (RGA), qui provoque la fissuration de milliers de maisons, est le fléau le plus coûteux dans le cortège des maux du réchauffement climatique. Elle est provoquée par l’alternance entre humidité et sécheresse, qui déclenche le mouvement des sols sur lesquels…

C’est un risque dont la médiatisation reste faible par rapport aux inondations, à la submersion marine ou aux incendies de forêts : moins d’images spectaculaires, moins de drames en direct, moins de dégâts massifs. Ses victimes sont des individus, isolés ici et là, sans que rien ne les marque derrière la haie de troènes. Or, le retrait-gonflement des argiles (RGA), qui provoque la fissuration de milliers de maisons, est le fléau le plus coûteux dans le cortège des maux du réchauffement climatique. Elle est provoquée par l’alternance entre humidité et sécheresse, qui déclenche le mouvement du sol sur lequel les maisons sont construites.

Elle a explosé ces deux dernières décennies en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, les territoires les plus touchés de France métropolitaine avec l’Île-de-France et le Centre-Val de Loire. C’est même là que le phénomène a démarré avec le plus de vigueur. Selon France Assureurs (fédération des compagnies d’assurance), la Gironde, la Dordogne et le Lot-et-Garonne ont représenté chacun plus de 30 millions d’euros d’indemnisation par an entre 1989 et 2015. La Charente-Maritime était entre 20 et 30 millions d’euros par an. .

Cette compensation a été débloquée via le régime Cat-Nat, qui exige la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au niveau municipal. Dans un rapport vieux de deux ans, la Cour des comptes précise que, sur la période 2009-2019 en France, « le département de la Gironde concentre le plus grand nombre de demandes de reconnaissance Cat-Nat (1 737) suivi de la Dordogne ». puis retrouve le Lot-et-Garonne et le Gers.

« Les maisons sont beaucoup plus légères et plus sensibles aux mouvements du sol »

2,8 millions de Néo-Aquitains concernés

Rapport après rapport, la gravité du phénomène prend un peu plus d’allure. Rendue publique le 23 mai, l’étude de l’association Conséquences, réalisée avec la start-up Callendar, s’appuie sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle déposées entre 1989 et décembre 2022. Près de 47 000 sinistres ont été reconnus en France en cet intervalle. En la divisant en deux, 1989-2005 d’un côté, 2006-2022 de l’autre, on observe une augmentation de… 145 % des sinistres, avec une extension vers l’est : Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne- Rhône-Alpes.

Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 48 % de la métropole est aujourd’hui classée en exposition moyenne ou forte, et 20 millions d’habitants en résidences individuelles sont concernés. Dont 2,8 millions d’habitants en Nouvelle-Aquitaine. Près de 47% de la population régionale. À ce jour, l’habitat collectif reste préservé. « Même dans les projections pour l’avenir, nous nous concentrons sur les impacts sur les maisons, qui sont beaucoup plus légères et plus sensibles aux mouvements du sol. Les bâtiments n’obéissent pas aux mêmes critères de construction », argumente-t-on chez Conséquences.

Un sentiment d’injustice

Ces projections ne sont guère rassurantes. L’association Conséquences parle d’une « bombe sociale » à mèche lente, dont la puissance explosive se nourrit de l’inquiétude, de la détresse et du sentiment d’injustice de nombreux citoyens lorsque les autorités refusent de reconnaître l’état de catastrophe naturelle. Ainsi 28 villages du Lot-et-Garonne, avec au total plus de 350 maisons fissurées suite à la sévère sécheresse de l’été 2022, pourtant rejetées par l’Etat début 2024.

En référence aux trajectoires climatiques modélisées par Météo-France jusqu’en 2050, l’étude dessine le pire des cas. Si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel dans le monde entier, la sécheresse estivale de 2022 se produirait en moyenne un an sur quatre d’ici le milieu du siècle. Les pertes économiques seraient doublées dans l’ensemble de la métropole. Avec une augmentation des températures de 2,7°C, 69 % du parc français de maisons individuelles serait exposé à un risque élevé à très élevé. D’ici là, jusqu’à 16,2 millions de foyers seraient menacés. Leur adaptation nécessiterait un effort qui pourrait représenter 7 milliards d’euros par an. Une montagne à gravir.

« Des scénarios tels que la déclaration de certaines zones inconstructibles ou la destruction-relogement de certaines maisons, comme c’est le cas pour la montée du niveau de la mer, sont-ils possibles pour le risque de maisons fissurées ? » demande le rapport, levant un tabou. En attendant, sachez qu’avoir des arbres à proximité du bâtiment augmente les risques de RGA, car le système racinaire pompe toute l’eau du sol en cas de sécheresse. En même temps, abattre des arbres dans un contexte de réchauffement climatique, comment dire…

Cammile Bussière

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